Des photos de victimes
Actualités du droit - Gilles Devers, 13/07/2017
Le procureur de la République de Paris aurait été bien inspiré de ne pas s'engager dans cette procédure contre Paris-Match, vilipendé pour avoir publié des photos de l’attentat de Nice au motif qu’elles mettaient en cause la dignité des victimes… ce alors qu’aucune victime n’est identifiable, ce pourquoi les victimes n’ont pas agi elle-même en justice. Requête rejetée en 48 heures… pas fameux !
Le débat n’est pas si simple, car même quand la victime est identifiable, et qu’elle peut apparaitre dans une situation très dégradante, la publication de la photographie reste une information, et la question réelle est de savoir si cette intrusion dans la vie privée est légitimée par l’intérêt de l’information. Complexe ? C’est un débat ô combien fréquent, en rappelant que l’information doit être protégée même quand elle heurte, choque ou inquiète, tout dépendant du message qui est porté.
L’exemple le plus célèbre est la photo de Kim Phuc, la jeune vietnamienne de 9 ans, qui venait de subir, le 8 juin 1972, le bombardement au napalm de son village de Trang Bang par l’armée fantoche « sud-vietnamienne », en réalité US. La photo est terrible : l’enfant est nue et hurle se souffrance, grièvement brulée, le napalm ayant ravagé les tiers de sa peau, et la peur de la mort a envahi son visage. Cette photo est une atteinte à sa vie privée et à sa dignité, mais elle reste légitime car la photo de cette infinie violence disait beaucoup, et elle a été le début d’un basculement de l’opinion.
Je reproduis ci-dessous deux photos qui portent atteinte à la vie privée et à la dignité de très jeunes enfants, parfaitement reconnaissables, deux photos publiées par Damien Carême, le maire de Grande-Synthe. Il s’agit de très jeunes enfants de migrants, vivant dans le bois du Puythouck, avec des conditions qu’on refuserait à des animaux. Damien Carême entend ainsi dénoncer les effets de la politique du pouvoir actuel qui s’oppose à tout procédé d’installation à Grande-Synthe, et a donné ordre de détruire les baraquements existants.
Je note au passage qu'il n'y a pas de protestations des associations de victimes, pourtant si généreuses et désintéressées... et pas de réaction du procureur. Peut-être qu'un jour la loi sera la même pour tous, en attendant ce double standard est simplement répugnant.
Selon l’article 3.1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, ratifiée par la France, « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Visant les articles 3-1 et 12-2 de cette Convention, la Cour de cassation juge de manière constante que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (Cass. Civ. 1ere, 18 mai 2005, n° 02-20613, publié).
Donc, une question, avec réponse au choix :
1/ la France doit respecter ses engagements internationaux, surtout s’agissant des droits des enfants ;
2/ la lutte contre les migrants étant une priorité nationale, tous les coups sont permis, même contre les enfants.