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La France orpheline : son idole est morte

Justice au Singulier - philippe.bilger, 6/12/2017

J'ai l'impression d'un abandon. Johnny, reviens !

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Je me lève et j'apprends la mort de Johnny Hallyday au cours de la nuit.

Ainsi l'indestructible a succombé et nous a abandonnés.

L'émotion est ressentie par tous, autant qu'on le peut dans un pays rétif à la concorde (France Info).

J'espère qu'on me pardonnera cette privatisation fugace de la disparition de Johnny : à un mois près, il avait mon âge. Je me souviens du trac de ma vie - je n'en étais pas coutumier - quand pour Le Point j'ai pu l'interviewer à l'occasion de la promotion de l'album qu'il avait préparé avec Yodelice. Je me suis entretenu une dizaine de minutes avec lui et j'en ai gardé un souvenir intense. Dans une sorte de clair-obscur, il était assis et a répondu à mes questions aimablement, avec une densité et un laconisme qui étaient dans sa nature et que le minutage imposait.

Johnny-Hallyday-1

Comment pouvoir échapper à l'infinie vulgarité de parler de soi à son propos puisque Johnny - comme un magique ordonnateur de nos vies - ne nous a jamais quittés, témoin, repère, ami, complice et artiste unique, indépassable ?

Il a rythmé nos existences, ébloui ma jeunesse, accompagné le fil de mon temps avec son talent et sa capacité de prendre n'importe quel texte pour le sublimer, lui donner une vigueur, une puissance portées par sa voix qui renversait les montagnes.

Il y a évidemment en nous tous un peu de Johnny et ce n'est pas une clause de style.

Il faisait partie de notre quotidienneté, de notre histoire comme de l'Histoire de France. On le couvait de la sollicitude, de l'admiration lorsqu'il nous inquiétait, quand il était malade, mais on était si sûr de son incroyable santé contre tous les excès qu'on se rassurait vite, trop vite.

Si superbement français mais si riche de tant d'influences accueillies, exploitées et magnifiées. Une idole à notre mesure, pour tous les goûts.

Johnny, on avait même le droit de ne pas le surestimer pour tout mais s'il était moqué pour tel ou tel trait de son caractère, c'était avec une tendresse familière, une ironie chaleureuse et jamais aigre. Il s'était introduit dans notre cercle de famille, dans notre univers amical et sa silhouette pleine d'allure était notre horizon. Il ne nous était pas étranger mais au contraire s'ajoutait à tous les moments où on évoquait notre société, notre pays et forcément il y avait Johnny puisqu'il était Johnny pour tous.

Ses chansons, ses films, sa voix, son aura à la fois sauvage et raffinée sur scène, son courage, l'éclatante présence de son être qui était accordé à la lumière de son immense célébrité, alors que sa simplicité était louée, son cheminement au milieu de nous, les débuts fulgurants, les succès, les déclins prétendus, les rechutes, les résurrections, ses amours, ses déchirements, ses triomphes, l'angoisse, son ultime combat puis sa fin : nous sommes orphelins.

J'ai l'impression d'un abandon.

Johnny, reviens !


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