Un amendement au moins s’impose à la loi Récidive (567)
Planète Juridique - admin, 31/05/2014
A en croire la presse, mercredi dernier à la fin du conseil des ministres,le président de la République aurait tancé selon les versions hard, chaudement recommandé selon les versions plus soft à sa ministre de la justice Christiane Taubira de ne pas accepter des amendements de nature à remettre en cause le fragile équilibres trouvé autour de la loi Prévention de la récidive. Objectif : ne pas agiter un drap rouge devant les yeux de l'opposition.
Qu'il nous soit permis pourtant d'insister une nouvelle fois sur une disposition qui s'impose sans attendre : la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs (TCM) institué par la loi du 10 août 2011.
Depuis juillet 2012 l'opposition affirme sur tous les médias que cette disposition a déjà été adoptée par le parlement et dans le procès en laxisme fait au gouvernement elle ne cesse de le lui reprocher. Or il s'agit purement et simplement d'un mensonge que les journalistes ne relèvent pas ou timidement. Le TCM n'a pas été abrogé depuis le 6 mai 2012, et on a eu bien tort. Aussi, quitte à être critiqué, autant que l'actuelle majorité parlementaire le soit pour des faits, et non pas sur des intentions.
Il faut rappeler que tribunal correctionnel pour mineurs vise à juger les mineurs récidivistes de plus de 16 ans au moment des faits punissables de 3 ans d'incarcération ou plus qui, jusque-là, relevaient de la compétence du tribunal pour enfants. Cette disposition souhaitée par le président Sarkozy a été avancée officiellement par le rapport Varinard (2008). A défaut de pouvoir abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans, combinée avec le dispositif des peines-plancher elle vise à durcir la répression contre les mineurs inscrits dans la délinquance.
Cette formation relève du T.G.I. Elle est donc une des chambres du tribunal correctionnel. Elle doit comprendre au moins un juge des enfants, sous entendu, elle peut comprendre deux juges non spécialisés censés être moins sensibles aux mineurs. Il n’y a a donc pas de composition unique. Un juge des enfants la présidera et on y appliquera les règles de la justice des mineurs.
Ces deux concessions ont permis au texte de franchir d’une manière surprenante la censure du Conseil constitutionnel alors même que cette innovation porte atteinte au principe de la spécificité des juridictions pour mineurs consacré jusqu’ici par le Conseil et à la Convention internationale sur les droits des enfants (art 37 et 40 sur une justice dédiée aux mineurs). François Hollande candidat à la présidence de la République - courrier du 26 avril 2012 à l’AFMJF- s’est engagé à supprimer le TCM qui se veut et est vécu comme une entorse majeure au principe de la spécialisation des juridictions pour mineurs. correctionnelle est très technique; quelques heures de formation n'y suffisent pas pour des citoyens sans connaissance de base de la justice.
Le travail législatif qui s'engage sur la lutte contre la récidive offre l' occasion d'abroger le TCM en tant que tel.
Pourquoi ? Les arguments politiques et juridiques se ramassent à la pelle. En vrac
- Tout simplement, tenir l’engagement de campagne pris par le président élu .
- La réforme du droit pénal des mineurs en chantier n’interviendra pas au mieux avant 2015, nécessairement après la réforme de la procédure pénale dont il n’est pas sûr qu’elle aille à son terme .
- Les TCM sont chronophages : comme le soulève le rapport Salvat pour les majeurs - là où 12 à 20 affaires sont jugées dans une audience dite classique (sans citoyens assesseurs), il n'y en a que 3 en audience « citoyenne » - le nombre de jeunes jugés devant le Tribunal pour enfants (TPE) a chuté. Par exemple en 2012, 85 mineurs qui auraient pu être jugés par le TPE de Bobigny ne l’ont pas été faute de créneaux disponibles, les magistrats étant mobilisés sur le TCM avec peu d’affaires à juger
- Un et le plus souvent 2 juges correctionnels ou juges civils non spécialisés sont mobilisés pour ces audiences et sont détournés de leurs missions premières dans un moment où trop de juridictions manquent de moyens
- Les difficultés sont inextricables pour les petites juridictions où il faut aussi compter avec la décision de juillet 2011 du Conseil constitutionnel et la loi de décembre 2011 sur l’impartialité du juge le juge qui a renvoyé devant la juridiction ne peut pas la présider ou y siéger)
- Il est choquant que la composition d’une juridiction varie d’un territoire à l’autre : dans certains TCM, 3 juges des enfants siègent, dans d’autres 2, dans d’autres 1 !
Les problèmes juridiques résultant du recours à cette formation sont nombreux (ex. des majeurs de 25 ou 30 ans co-auteurs ou complices d’un mineur, par exemple pour un trafic de drogue, relèvent du TCM ; les faits en récidive doivent être jugés en TCM, pas les autres, d’où la nécessité de saisir TPE et TCM pour le même jeune). fromage et dessert. Quelle économie !
- A l’expérience les décisions sont souvent à l’identique de celles qui auraient été prononcées par le TPE fonctionnant avec le juge des enfants entourés de ces deux assesseurs « populaires » formés et expérimentés.
La valeur ajoutée du TCM à la protection de la société est nulle. Le procès en laxisme est de la démagogie en barre et signe d'une inculture crasse de la justice
Inutile, coûteuse, chronophage, symbolique, cette composition doit d’autant plus être supprimée. Qu'on ne s'inquiète pas aucun trou béant en résultera. Le tribunal pour enfants est là qui sait gérer ces situations. La solennité du TCM - trois juges en robe pour un seul au TPE - ne suffit pas à légitimer le maintien du système adopté en 2011. Ajoutons que comme aux Prud'hommes on pourrait doter les deux assesseurs civils qui entourent le juge des enfants des signes récognitifs d'un juge.
Courage Mesdames et Messieurs les parlementaires. Par exemple, relayez la proposition de loi de Marc DOLEZ (AN n°217, 26 septembre 2012).
Il est temps ici comme ailleurs d'avoir des convictions et de les argumenter. Si l' on tient ce TCM comme inutile et symbolique d'un recul de la justice des enfants on abroge immédiatement. A l'inverse si l'on abroge pas on se doit de l'assumer et on arrête e se raconter et de raconter des histoires. Au moins on aura gagner en clarté.