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Varg Vikernes, le goût amer d’une procédure

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 3/06/2014

Par un de ces télescopages dont elle est familière, l'actualité a voulu qu'au moment même où la personnalité de l'auteur présumé de l'attentat commis contre le musée juif de Bruxelles relance les questions sur l'efficacité du dispositif policier de surveillance … Continuer la lecture

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Par un de ces télescopages dont elle est familière, l'actualité a voulu qu'au moment même où la personnalité de l'auteur présumé de l'attentat commis contre le musée juif de Bruxelles relance les questions sur l'efficacité du dispositif policier de surveillance en matière antiterroriste, comparaisse devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, un homme présenté, lui, comme le symbole de l'excès de la prévention en la matière.

Le norvégien Christian "Varg" Vikernes, ex musicien de black métal, condamné en 1994 à 21 ans de prison en Norvège pour le meurtre d'un de ses anciens amis, a en effet acquis une soudaine notoriété en juillet 2013 lorsque les policiers de la  direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) ont débarqué à l'aube dans la maison de Corrèze où il est installé depuis 2010 avec sa famille pour l'interpeller au motif qu'ils le soupçonnaient de planifier un attentat d'envergure. L'affaire, largement médiatisée à l'époque, avait fait long feu et Christian Vikernes était ressorti libre à l'issue de quarante-huit heures de garde à vue. Seules avaient été retenues contre lui des incriminations pour "incitation et provocation à la haine raciale" et "apologie de crimes contre l'humanité" en raison des écrits publiés sur son blog, dans lesquels il encourageait à la lecture de Mein Kampf et dénonçait les juifs (des "parasites", des "moisissures", un "cancer"), les musulmans et les "gitans" (de la "vermine"), mais aussi les chrétiens, les homosexuels et les féministes, tous responsables à ses yeux du déclin de la "pureté" de l'Europe. Parmi ses écrits, figurait également un appel lancé aux Français en faveur de Marine Le Pen, "Jeanne d'Arc moderne", "la seule qui peut sauver la France en tant que nation, culture et peuple."

Devant les policiers, Christian Vikernes s'était complaisamment expliqué sur ces propos, revendiquant un "national-paganisme" et persistant dans sa dénonciation des juifs et des musulmans.

C'est une toute autre stratégie qu'il a adoptée mardi devant le tribunal présidé par Marc Bailly, affirmant que ses propos en garde à vue avaient été tronqués, ou mal traduits.  Quant aux écrits publiés sur son blog, il tente désormais d'expliquer qu'ils ne sont pas de lui. "Je ne reconnais pas ces textes comme des choses que j'ai écrites", assure-t-il, en affirmant que des centaines de personnes sur internet se revendiquent de son identité. Que ces textes aient été retrouvés dans le disque dur de son ordinateur, qu'il ne les ai jamais contestés auparavant, ne trouble en rien cette ligne de défense inattendue qu'il ne cherche pas même à rendre vraisemblable.

"On attendait un loup - traduction de son surnom "Varg",  on a un agneau", ont constaté presque à regret les avocats de la LICRA et de SOS Racisme qui s'étaient constitués partie civile. Ce revirement de défense n'a pas convaincu la procureure Annabelle Philippe qui a requis contre lui 4 à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et une peine d'amende "qui ne soit pas inférieure à 5000 euros".  Mais tandis que la salle se vidait de la cinquantaine de fans en tee-shirt noir aux inscriptions gothiques venus le soutenir, restait le goût amer d'une procédure qui aura surtout servi à assurer aux frustrations et aux haines d'un obscur personnage une notoriété dont il fait un opportun commerce.

Délibéré le 8 juillet.


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