Sanofi : alors, amoureux de l’entreprise ou non ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 24/02/2015
Le gouvernement, qui était parti en (tur)lutte contre le monde de la finance, préfère maintenant revendiquer la modernité du « social libéralisme », sauf que c’est du super-pipeau : c’est le libéralisme économique, point à la ligne, qui fait son social à sa sauce, comme depuis toujours, en expliquant savamment qu’il faut d’abord créer des richesses avant de les partager. C’est le principe social du libéralisme depuis l’esclavagisme.
Alors, pourquoi pas ? C’est une théorie ô combien répandue… Mais notre gouvernement qui a proclamé devant un congrès du MEDEF qu’il « aime l’entreprise » se met à tousser que son amour d’entreprise vit sa vie.
Sanofi est un groupe privé, 100%. Il appartient donc à ses actionnaires, et ceux-ci font comme bon leur semble pour dégager au mieux les intérêts du groupe. Donc, on souligne : privé et pas public. C’est la même différence qu’entre le jardin de ta maison et la place du village.
Sanofi a annoncé jeudi la nomination comme directeur général d'Olivier Brandicourt, 59 ans, jusqu'à présent occupait le même poste chez le concurrent de Bayer HealthCare.
L’entreprise privée Sanofi a calculé l’opération, et elle a fixé le salaire du DG sans ne violer aucune loi : une rémunération fixe annuelle brute de 1,2 million d'euros, une rémunération variable de 150 % de la rémunération annuelle fixe et susceptible d'atteindre 250 %, et une rémunération en actions qui consistera en une attribution annuelle de 220 000 options de souscription d'actions et de 45 000 actions de performance. Par ailleurs en quittant volontairement Bayer HealthCare, Olivier Brandicourt a laissé là-bas un droit à un salaire différé de 4 millions d’euros, compte tenu des résultats de l’entreprise, et Sanofi a donc accepté de payer la même somme : deux millions d'euros payable à sa prise de fonction, et deux autres début en 2016, outre 66 000 actions de performance.
Je m’attendais à ce que ce gouvernement libéral frétille d’aise devant ces initiatives de l’entreprise privée Sanofi, qui manifestement croit à son avenir. Mais nos chouchous n’assument pas une cahouète...
Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement : « C'est incompréhensible. Comment tous ces gens, qui expliquent que c'est le mérite, que c'est l'économie libérale, le risque, la prise de risque qui doivent faire les résultats, ces gens-là, à peine prennent-ils la tête d'une entreprise – c'est-à-dire qu'ils n'ont pris encore aucun risque – sont déjà assurés d'avoir rémunération sans commune mesure ? »
L’excellente Ségolène Royal, Sinistre de l’écologie : « Ce qu'il faudrait c'est un peu d'autodiscipline dans la décence des comportements. J’espère que M. Brandicourt va renoncer à ces 4 millions d'euros. Ce serait un minimum. Il faut un peu de décence, notamment de la part de laboratoires pharmaceutiques qui vivent de la Sécurité sociale, donc des cotisations sur les salaires ».
Ben alors, on n’est plus amoureux de l’entreprise ? Un p’tit coup de mou ?