Il n'y a plus d'enfants !
Justice au Singulier - philippe.bilger, 5/08/2015
L'amour des enfants est-il incompatible avec l'autorité, l'affection avec l'éducation ?
Ces questions, qui devraient appeler une réponse négative, aujourd'hui ne sont plus provocatrices.
Une école maternelle, près de Melun, a été saccagée par un groupe de 22 tout jeunes enfants, âgés de 5 à 13 ans (TF1).
Une autre a subi une dévastation de moindre importance, de la part de gamins.
Un cimetière chrétien a été dégradé, profané par des mineurs se revendiquant du gothique.
Sans avoir besoin de faire une étude exhaustive de cette implication de plus en plus forte d'enfants dans ces destructions apparemment incompréhensibles, il est clair qu'elles se multiplient et interpellent une société qui n'a que trop tendance à chercher dans leur minorité la cause de ces transgressions.
On pourra évidemment invoquer les vacances, l'ennui, les bandes, cette propension à souiller et à mettre en pièces les affaires des "grands", des adultes. Mais, tout de même, le mystère de ces comportements erratiques, de plus en plus précoces, ne serait pas levé.
Il me semble que qualifier cette génération de "zombie" ou imputer à ces jeunes enfants une méconnaissance ou une indifférence à l'égard du sacré ne serait pas une explication opératoire dans la mesure où elle oublierait qu'eux-mêmes ne sont pas autonomes et que, s'ils sont livrés à eux-mêmes, c'est le plus souvent à cause de l'incurie et de l'irresponsabilité des parents (Le Figaro Vox).
Qui, au-delà de leur médiocre ou nul investissement éducatif, représentent la pointe extrême d'un délitement général qui célèbre l'enfant-roi, éprouve de la compassion pour le mineur délinquant, pourfend la fermeté dans la vie familiale et se persuade que le courage est de savoir dire oui à tout mais qu'il est rétrograde d'oser le non.
Ce n'est pas la peine de se pencher sur cette enfance qui nous surprend parce qu'ayant négligé nos devoirs, elle nous semble échapper à l'épure sur laquelle on continuait de fantasmer alors que la réalité avait changé du tout au tout.
Pourquoi ces tout jeunes enfants seraient-ils demeurés à l'abri de ce que nous, adultes, nous ne cessons de diffuser et de vanter par tous les moyens de communication possibles et imaginables ? Pourquoi, au prétexte qu'ils seraient âgés de 5 à 13 ans, auraient-ils été préservés, même si l'imprégnation a été diffuse, mécanique et quasiment inconsciente, de la bêtise, de la dérision, des rires gras, des actes vulgaires et délibérément offensants, du mépris pour les éducateurs, du culte d'un nihilisme puéril, copie ludique du nôtre prétendument digne d'intérêt ?
Les parents ont les enfants qu'ils méritent.
Même si je ne surestime pas les sanctions qui incrimineraient exclusivement l'insouciance et l'incurie des adultes ayant laissé leur progéniture, faute à la fois d'amour et de vigilance, s'ébattre librement et honteusement, je ne vois pas d'autre solution pratique pour tenter de remédier à une situation qui, se développant, va nous rendre de plus en plus perplexes et effarés face à des dérives dont nous nous laverons les mains et l'esprit.
Qu'on ne vienne pas justifier l'abandon des responsabilités par la misère, la désunion, une sorte de fatalisme. Rien, jamais, ne contraint des éducateurs à l'impuissance.
Les parents mis en cause ne manqueront pas de dérouler ce discours obligé. Ce n'est pas notre faute, ce sont les copains, c'est l'école, les professeurs sont trop sévères ou trop indulgents, la justice a été trop dure, on n'a pas assez d'argent, la société est coupable, l'Etat ne fait rien pour nous... Et ainsi de suite.
Je persiste.
Si, en France, ici ou là, de plus en plus gravement, il n'y a plus d'enfants, c'est qu'il n'y a plus de parents, d'adultes !