Quels enjeux pour l’OpenData français après un an de gouvernement Ayrault ?
Regards Citoyens - teymour, 14/05/2013
Un an après le changement de gouvernement, qu’en est-il de la politique Open Data de la France ? Après une période de tâtonnements qui laissa la part belle aux interrogations, aux inquiétudes, voire aux suppositions délirantes, l’Open Data français et la mission Étalab semblent aujourd’hui reprendre progressivement leur rythme de croisière : des jeux de données importants sont publiés, une refonte de la plateforme data.gouv.fr est engagée et des chantiers prometteurs ont été annoncés.
Comme l’illustre le récent « Ordre Exécutif » publié par la Maison Blanche aux États-Unis, l’Open Data a besoin, pour progresser efficacement au sein de l’administration, de décisions fortes prises directement par l’éxécutif. Aux États-Unis comme au Royaume-Uni, les changements de majorité se sont toujours accompagnés d’un renforcement des politiques Open Data mises en place par les gouvernements sortants. Pour encourager la reproduction de ce cercle vertueux en France, Regards Citoyens a repris depuis la rentrée 2012 un dialogue continu avec les responsables politiques et la mission Étalab autour des différentes questions restant à trancher en France.
Après un important travail réalisé par l’équipe précédente d’Étalab pour imposer notamment la gratuité par défaut et l’emploi d’une licence libre (la Licence Ouverte créée pour l’occasion), il convient aujourd’hui de lever la troisième barrière à l’Open Data : la barrière technique. Les données référencées sur data.gouv.fr devront être des données brutes en formats ouverts. De plus, un effort de formation des producteurs de données devra être engagé pour que ces données puissent être mises en valeur et identifiables grâce à leurs descriptions. Le moteur de recherche devra enfin être amélioré afin de pouvoir découvrir les données de manière plus intuitive. Ce ne sera qu’à l’issue de ces chantiers qu’Étalab pourra envisager d’offir des services tels que des visualisations, comparaisons ou agrégations pour accroitre la coproduction avec les citoyens. Ce sont les points centraux de notre contribution à l’initiative CoDesign visant à rénover data.gouv.fr.
Mais au-delà de la réflexion sur le contenu et les fonctionnalités de data.gouv.fr, nous pensons à Regards Citoyens qu’un certain nombre d’autres chantiers doivent être entrepris pour une politique de données publiques réellement pionnière et innovante. Par souci de transparence, nous avons rassemblé au sein d’une note de synthèse, l’ensemble des propositions et positions que nous avons pu formuler au cours des derniers mois : libération de données prioritaires telles que les données juridiques, celles des marchés publics ou des entreprises… ; adhésion de la France à l’OpenGov Partnership ; réforme du droit d’auteur des fonctionnaires ; révision à venir de la directive PSI…
L’un des points centraux de ce plaidoyer concerne les données d’administrations comme la DILA, l’INSEE, l’IGN ou le Shom qui restent encore soumises à redevances, au sujet desquelles une mission d’évaluation des modèles économiques a débuté suite aux derniers CIMAP. Ces données rassemblent en effet des informations démocratiques aussi centrales que le Journal Officiel, les codes de loi, la jurisprudence, les offres de marchés publics (BOAMP) ou la base des entreprises (SIRENE). Mais elles restent encore aujourd’hui fermées derrière des coûts exorbitants, parfois même reconduits sans aucune préoccupation apparente de l’existence d’Étalab. Alors que ces barrières semblent souvent injustifiés au regard des budgets effectifs des administrations concernées et de leurs chiffres d’affaires liés à la vente de données, nous estimons que la libération de ces données est prioritaire. Nous suggérons pour cela une stratégie innovante centrée sur l’idée de proposer en parallèle des redevances existantes un second régime collaboratif reposant sur la licence ODbL. Ce modèle contributif à double régime permettrait aux producteurs de conserver leurs sources de financement sans pour autant créer de barrières économiques à la réutilisation des données par le grand public.
Porteurs de ces différentes propositions, nous nous réjouissons de rejoindre aujourd’hui le réseau d’experts formé par Étalab qui réunira une trentaine d’acteurs de la communauté environ une fois tous les deux mois pour discuter des évolutions nécessaires et possibles et ainsi continuer à partager nos expériences de réutilisateurs citoyens avec Étalab. Si nous avions pu refuser par le passé de rejoindre nominativement le jury de DataConnexions, trop éloigné de nos préoccupations et pauvrement constitué en représentants de la société civile, c’était avant tout parce que les travaux et l’expertise de Regards Citoyens sont le fruit de notre gouvernance ouverte : partage de la connaissance et fonctionnement collaboratif. Nous ne pouvions donc accepter la proposition de rejoindre le réseau d’experts qu’à condition de respecter ces principes. Nous apprécions donc qu’Étalab aie accepté une représentation collégiale de notre association au sein de ce comité auprès duquel nous continuerons de défendre les valeurs d’ouverture et de transparence nécessaires à l’OpenData.