Drame de Calais : De très saines réactions dans la presse
Actualités du droit - Gilles Devers, 17/04/2015
Bien content de ce passage au kiosque de la gare de Strasbourg ce matin. Alors que tant d’excités au cerveau atrophié – avec Wauquiez et Le Pen qui font la tête en course – déblatèrent sur la justice, montrant surtout qu’ils n’ont jamais réfléchi à ce qu’est un crime, j’ai pleinement apprécié, dans le train du retour, deux excellents éditoriaux que je vous livre tel quel. Merci à eux, et vivement la prochaine virée à Strasbourg ou Nancy.
« Ne pas se tromper de combat », par Didier Rose
L'horreur absolue du meurtre d'une fillette à Calais ne doit pas faire perdre raison. Les voix un peu trop fortes qui s'en prennent au fonctionnement judiciaire sont mauvaises conseillères. Les remises de peine ne sont pas des gentillesses aux condamnés. En incitant les détenus à amender leur comportement, à se conformer aux règles, on améliore leurs chances de réinsertion. Par-là, on diminue le risque de récidive. Plus la peine est longue, son régime sévère, sa fin inorganisée, moins la mécanique pénitentiaire évite la répétition criminelle.
Même si cela est difficile à entendre à un moment aussi pénible, les remises de peine aident à réduire le niveau général de malheur et de violence. En quoi une détention menée jusqu'à sa dernière minute aurait-elle garanti que le suspect de Calais ne rechute à une autre date, plus tardive ? Ne pas se tromper de combat. Ni de cibles. Comme il est démagogique d'accabler les juges, il est excessif d'accuser la police de laxisme avec les étrangers. Certaines associations se plaignent assez des contrôles aux frontières et des procédures de reconduite lorsque le droit n'a pas été respecté.
La libre circulation permise par les accords de Schengen ne constitue pas une menace à la sécurité. En revanche, l'absence de relais judiciaires d'un État à l'autre s'avère dommageable. Même quand une interdiction de territoire est applicable, on constate que la persistance de frontières administratives peut empêcher des coopérations efficaces. Le drame de Calais ne doit pas ouvrir le procès en incompétence de l'appareil d'État. Il suscite une légitime indignation. La bonne réaction n'est pas de vouloir des murs autour du pays, pour le placer comme en prison. Elle est de resserrer les rangs contre l'abomination. En accordant collectivement crédit et valeur au mot justice.
« De minables calculs politiques », Philippe Waucampt
Tout est odieux dans ce fait divers. Le viol et le meurtre d'une gamine adorable qui avait toute la vie devant elle. Le profil pour le moins heurté du coupable qui, si l'on ose dire, a vraiment la tête de l'emploi. Le parcours du susdit qui, entre Pologne et Calaisis, pose évidemment nombre de questions relatives à la remise de peine, au traitement des récidivistes et à la libre circulation de ces joyeux humanistes dans l'espace européen. Et enfin le traitement de cette affaire par l'opposition qui, sans vergogne, s'est précipitée sur le cadavre de la pauvre Chloé dans le seul but de "se faire " Christiane Taubira.
On ne peut qu'être émus par la réaction de la population de Calais qui, hier soir, a défilé silencieusement à travers la ville. Encore une de ces marches blanches qui, depuis l'affaire Dutroux, ne cessent de rappeler que ce sont les plus frêles, les plus innocents, les plus vulnérables qui tombent dans les filets de cette catégorie de prédateurs faisant le bonheur des séries télé. Pour être des fictions, celles-ci n'ont malheureusement qu'à puiser dans ce que leur offre la plus sordide des réalités.
Tout de suite, bien sûr, se pose la question de la remise de peine à partir du cas de cet individu qui, condamné en 2010 à six ans de prison pour agressions dans la même région, n'aurait dû sortir que l'année prochaine, épargnant du même coup la vie de la petite Chloé. On sait que c'est au prix de ce genre de politique pénale que les gouvernements s'achètent une tranquillité au demeurant fort relative dans des établissements pénitentiaires surpeuplés. Il n'empêche que la famille et les proches de la victime ont du mal aujourd'hui à avaler ce type d'argumentation, qui, à leurs yeux, est lu comme une condamnation programmée de leur fille.
Si la question se pose, on aurait quand même aimé que l'UMP ne se rue pas sur cette sordide affaire comme la misère sur le bas clergé breton. Oui, bien sûr, ce drame aurait pu être évité. Mais la délectation éprouvée par Laurent Wauquiez et consorts à s'offrir le trophée de Christiane Taubira en réclamant "le réarmement pénal" démontre que la gamine, au fond, tout le monde s'en fout. Et que derrière les indignations vertueuses se dissimulent de minables calculs politiques. Un peu de décence n'aurait fait de mal à personne.
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Merci à Didier et Philippe.
Oh, les amis vous nous remettez bientôt le couvert à propos de loi de mise sous contrôle de la population que les enfoirés de l’UMP-PS vont voter ?