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Arche de Zoé, la détresse d’une bénévole

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 3/12/2012

Un jour de septembre 2007, à l'invitation de l'un de ses amis, un médecin qui a travaillé en Indonésie après le tsunami, Nathalie Cholin se rend à une réunion de l'Arche de Zoé à Argenteuil, dans la banlieue parisienne. Elle … Continuer la lecture

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Un jour de septembre 2007, à l'invitation de l'un de ses amis, un médecin qui a travaillé en Indonésie après le tsunami, Nathalie Cholin se rend à une réunion de l'Arche de Zoé à Argenteuil, dans la banlieue parisienne.

Elle est infirmière urgentiste, travaille en milieu hospitalier et a envie de s'engager. La réunion a lieu chez les pompiers volontaires, Eric Breteau, le fondateur de l'arche de Zoé est là, il est convaincant, semble habité par sa mission de sauver les orphelins du Darfour, expose son projet de les faire accueillir en France, dit qu'il faut faire vite et que les besoins sont immenses.

Une semaine plus tard, le temps d'obtenir une autorisation de quinze jours de congés de la part de son employeur et de mettre son carnet de vaccination à jour, Nathalie Cholin embarque à bord d'un Transall de l'armée française pour le Tchad. Sa mission: assurer la prise en charge psychologique des équipes de bénévoles qui sont sur place.

Elle est aujourd'hui partie civile contre Eric Breteau et l'Arche de Zoé. Il y a beaucoup de détresse, de honte et de colère dans les mots de cette femme aujourd'hui face à la défection du principal prévenu de cette affaire qui a fait savoir, depuis l'Afrique du Sud où il est désormais installé avec sa compagne Emilie Lelouch, qu'il n'entendait ni être présent, ni être représenté au procès. "Quand on emmène autant de gens dans cette galère, la moindre des choses, c'est de venir s'expliquer", dit-elle.

"Moi j'étais persuadée qu'il viendrait !", intervient spontanément la présidente, Marie-Françoise Guidolin. Qui ajoute: "Ça prouve bien que pour lui, il n'y a que lui qui compte."
A la barre, Nathalie Cholin raconte les premiers jours à Abéché, l'énergie mise par tous les bénévoles pour préparer l'accueil des enfants. Mais ceux-ci tardent à arriver. "On comprend que c'est compliqué. Mais on n'a pas toutes les informations."

Nathalie Cholin décrit un Eric Breteau totalement insaisissable, disparaissant parfois deux ou trois jours de suite sans donner de nouvelles, puis exigeant soudain de toute l'équipe de bénévoles qu'elle rentre en urgence au dispensaire. Lorsque les premiers enfants arrivent, Nathalie Cholin découvre avec surprise qu'ils sont "en bonne santé" et surtout qu'ils "pleurent beaucoup en demandant à retourner là d'où ils viennent".

Avec d'autres bénévoles, elle évoque alors l'idée de pérenniser le centre d'accueil des enfants plutôt que de vouloir à tout prix mener cette opération d'exfiltration. La réponse d'Eric Breteau, raconte-t-elle, tombe, catégorique : "Ce n'est pas la mission."

Au fil des jours, elle sent le fondateur de l'association de plus en plus tendu. "J'avais l'impression qu'il y avait une pression très forte des familles qui avaient financé l'opération. Et donc que, quel que soit le prix à payer, il fallait ramener les enfants en France. Il était dans la toute puissance", dit-elle.

La présidente lui demande :
"Vous ne vous êtes pas interrogée sur la légalité de cette opération ?
- Il nous disait que nous agissions dans le cadre de la Convention de Genève de 1951 [relative au statut des réfugiés]. Et puis, je n'imaginais pas que l'on puisse monter une opération pareille sans avoir le soutien des autorités."

Nathalie Cholin quitte le Tchad fin septembre "avec des sentiments ambivalents par rapport aux tensions que j'avais vécues sur place, au comportement incohérent d'Eric Breteau." Elle est à Paris lorsqu'elle apprend l'arrestation de toute l'équipe de l'arche de Zoé. Soudain, à la barre, l'émotion l'emporte.

"Quand on est prêt à risquer sa vie, à quitter son petit train-train quotidien pour venir à l'aide d'enfants et qu'on se retrouve convoquée à la brigade des mineurs et accusé d'enlèvements d'enfants...Toutes mes valeurs, tout ce à quoi je croyais, l'intégrité que j'essaie d'avoir dans ma vie, tout cela s'est effondré. Coupable, je me sentais coupable d'avoir participé à cette mission. De ne pas avoir vu, alors que j'étais là pour m'occuper du soutien psychologique. De ne pas m'être posée assez de questions."

A la suite de cela, elle a fait une grave dépression. Elle lance, presque comme on crie : "A l'Arche de Zoé, il n'y avait pas que des illuminés, il y avait aussi des vrais soignants qui ont voulu faire leur boulot !"

La présidente lui demande :
"C'était votre première mission humanitaire ?
- Oui. et la dernière."


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