Hébergeur/éditeur : les lignes bougent-elles ?
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Karine Riahi, 14/04/2015
Au début de cette année, la presse a relayé les interventions de Fleur Pellerin en faveur de l’évolution du statut d’hébergeur vers un statut intermédiaire entre éditeur et hébergeur.
S’il appartient à Bruxelles de se positionner sur ce point, cette préoccupation se reflète encore dans la décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de Paris, le 19 mars 2015, dans une affaire qui a opposé la Ligue de Football professionnel (LFP) à la Puerto 80 Projects SLU, à propos de son site « rojadirecta ». Cette société exploitait « ce site internet permettant d’accéder à la diffusion gratuite de compétitions sportives exclusivement, dans lequel elle proposait un agenda sportif avec des séries de liens hypertextes permettant de visionner en direct ou en léger différé des matches dont ceux organisés par la LFP ». La LFP a demandé à cette société la suppression des liens critiqués et de prendre toute mesure pour prévenir leur mise en ligne.
La LFP considérait en effet que « rojadirecta » devait être qualifié d’éditeur car (i) il donnait les moyens de visionner des contenus protégés,
(ii) l’agenda sportif était classé et mis à jour en temps réel, (iii) il fournissait des liens hypertextes renvoyant vers des contenus protégés accessibles aux seuls abonnés. De son côté, la Puerto 80 Projects SLU se revendiquait de la qualité d’hébergeur.
Cette qualité est un avantage important puisqu’au regard de l’article 6-I.2 de la LCEN (loi pour la confiance dans l’économie numérique - n° 2004-575 du 21 juin 2004 ) l’hébergeur qui est « celui qui assure… pour la mise à disposition au public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par les destinataires de ces service », bénéficie d’un régime d’irresponsabilité, car il ne peut pas contrôler par avance les contenus mis en ligne. En revanche, l’éditeur qui participe des choix des contenus, en est responsable.
De la constatation du fait que « rojadirecta » « organise en fait sciemment, intentionnellement et à titre principal une sélection, un choix éditorial sur un thème précis, à savoir des compétitions sportives d’actualité dans les domaines ciblés, mis à jour en permanence , avec un agenda horaire et un moteur de recherche adéquat permettant à tout public d’accéder facilement et gratuitement à des contenus protégés réservés à un public restreint d’abonnés, à savoir les compétitions de la ligue en cours, en direct ou en intégralité » le juge a décidé que « rojadirecta » était un éditeur, et l’a condamné à retirer les données.
Si la motivation de la décision est assez classique, une phrase mérite d’être relevée, le juge a en effet écrit « si techniquement « rojadirecta » se présente sous l’apparence d’un hébergeur ». L’APPARENCE !
Aujourd’hui, les sites internet se sont largement répandus, et 10 ans après la LCEN, et 5 ans après « l’arrêt Google » de la CJUE du 23 mars 2010 l’environnement numérique est devenu la règle et la compréhension de ses mécanismes plus grande, les juges qui connaissent mieux cet environnement numérique qu’ils utilisent forcément dans leur vie quotidienne, se permettent alors une analyse plus fine et plus exacte du rôle de chacun. Ils ne se contentent plus de « l’apparence ».
Cette alternative hébergeur/ éditeur qui exprime une vision trop simpliste, devient insuffisante et forcément inexacte.
La démarche de Fleur Pellerin, qui traduit cette maturité, apparait alors d’autant plus d’actualité en ce qu’elle exprime cette réticence à continuer à accorder à certaines sociétés du net, cette impunité en termes de responsabilité.
10 ans après la LCEN, il est temps d’avancer avec son temps !
( Vendredis de l'IT n°45/10 avril 2015)
La LFP considérait en effet que « rojadirecta » devait être qualifié d’éditeur car (i) il donnait les moyens de visionner des contenus protégés,
(ii) l’agenda sportif était classé et mis à jour en temps réel, (iii) il fournissait des liens hypertextes renvoyant vers des contenus protégés accessibles aux seuls abonnés. De son côté, la Puerto 80 Projects SLU se revendiquait de la qualité d’hébergeur.
Cette qualité est un avantage important puisqu’au regard de l’article 6-I.2 de la LCEN (loi pour la confiance dans l’économie numérique - n° 2004-575 du 21 juin 2004 ) l’hébergeur qui est « celui qui assure… pour la mise à disposition au public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par les destinataires de ces service », bénéficie d’un régime d’irresponsabilité, car il ne peut pas contrôler par avance les contenus mis en ligne. En revanche, l’éditeur qui participe des choix des contenus, en est responsable.
De la constatation du fait que « rojadirecta » « organise en fait sciemment, intentionnellement et à titre principal une sélection, un choix éditorial sur un thème précis, à savoir des compétitions sportives d’actualité dans les domaines ciblés, mis à jour en permanence , avec un agenda horaire et un moteur de recherche adéquat permettant à tout public d’accéder facilement et gratuitement à des contenus protégés réservés à un public restreint d’abonnés, à savoir les compétitions de la ligue en cours, en direct ou en intégralité » le juge a décidé que « rojadirecta » était un éditeur, et l’a condamné à retirer les données.
Si la motivation de la décision est assez classique, une phrase mérite d’être relevée, le juge a en effet écrit « si techniquement « rojadirecta » se présente sous l’apparence d’un hébergeur ». L’APPARENCE !
Aujourd’hui, les sites internet se sont largement répandus, et 10 ans après la LCEN, et 5 ans après « l’arrêt Google » de la CJUE du 23 mars 2010 l’environnement numérique est devenu la règle et la compréhension de ses mécanismes plus grande, les juges qui connaissent mieux cet environnement numérique qu’ils utilisent forcément dans leur vie quotidienne, se permettent alors une analyse plus fine et plus exacte du rôle de chacun. Ils ne se contentent plus de « l’apparence ».
Cette alternative hébergeur/ éditeur qui exprime une vision trop simpliste, devient insuffisante et forcément inexacte.
La démarche de Fleur Pellerin, qui traduit cette maturité, apparait alors d’autant plus d’actualité en ce qu’elle exprime cette réticence à continuer à accorder à certaines sociétés du net, cette impunité en termes de responsabilité.
10 ans après la LCEN, il est temps d’avancer avec son temps !
( Vendredis de l'IT n°45/10 avril 2015)