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Le blocage du site, une mesure reconnue pour faire obstacle à la contrefaçon sur internet

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Karine Riahi, 9/05/2014

D’aucuns se souviennent de la tribune de Luc Besson en février 2009, publiée dans de Monde, lorsqu’il considérait les Fournisseurs d’accès à internet (FAI) comme « les complices du piratage » des films, quand ceux-ci permettaient l’accès à des sites offrant des services de téléchargement illégal ou streaming sans autorisation. Ces intervenants du secteur facilement accessibles, devaient être rendus responsables de ces actes de contrefaçon. Cette position iconoclaste à l’époque est finalement celle que l’on peut comprendre de l’arrêt rendu le 27 mars 2014 par la CJUE.
Deux sociétés de production cinématographique autrichiennes ont saisi leurs juridictions aux fins d’obtenir une ordonnance contraignant UPC Telekabel (FAI) à bloquer l’accès de ses clients à un site internet permettant le téléchargement et le streaming de leurs films sans leur autorisation. Les juridictions successives autrichiennes ont fait droit à cette demande jusqu’à la saisine par UPC Telekabel, de l’Oberster Gerishtof juridiction suprême, qui a ensuite saisi la CJUE de questions préjudicielles.

Il s’est agi de déterminer si les fournisseurs d’accès à internet pouvaient se voir appliquer l’article 8 §3 de la directive 2001/29/CE qui dispose que «Les Etats membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin », et par conséquent, s’ils devaient être considérés comme des intermédiaires au sens de ce texte, peuvent-ils être contraints de prendre des mesures aux fins de protéger les droits d’auteur et les droits voisins ?

La conclusion de la Cour de Justice a été que ces FAI sont bien des intermédiaires, au sens de article 8 §3 de la directive, le terme d’intermédiaire vise «toute personne qui transmet dans un réseau une contrefaçon commise par un tiers d’une œuvre protégée (…) ». De manière fort logique et pleine de bon sens, la Cour a constaté que ces intermédiaires, dans le cas d’atteintes, sont « les mieux à même de mettre fin à ces atteintes ». Et pour ce faire, la CJUE a jugé qu’un FAI peut se voir «faire interdiction, au moyen d’une injonction prononcée par un juge, d’accorder à ses clients l’accès à un site Internet mettant en ligne des œuvres protégées sans l’accord des titulaires des droits ».

Ainsi, les ayant-droits, d’œuvres protégées par le droit d’auteur, ne doivent plus hésiter lorsqu’ils constatent des actes de contrefaçon commis par des sites internet, à saisir le juge des référés d’actions contre les FAI, aux fins d’obtenir une ordonnance les contraignant à interdire l’accès à ces sites web.

On ne peut s’empêcher de rapprocher cette décision majeure aussi en ce qu’elle émane de la CJUE, de l’Ordonnance de référé rendue le 28 novembre 2013 sur le fondement de l’article L336-2 du CPI, par le Président du Tribunal de grande instance de Paris, dans une affaire opposant l’ APC, la fédération nationale des distributeurs de films, le syndicat de l’édition vidéo numérique, l’UPF et le SPI à divers FAI (Orange, Bouygues télécom, NC Numéricâble, FREE, SFR, Auchan Télécom et Darty Télécom et moteurs de recherches. Dans cette affaire, il a été ordonné aux FAI de notamment bloquer les noms de domaines de ces sites de streaming illégal et aux moteurs de recherche de déréférencer ces sites de streaming, le juge des référés estimant que ces derniers avaient eux aussi cette qualité d’intermédiaire.

La procédure d’appel est en cours et les magistrats devront tenir compte de ce dernier arrêt de la CJUE.


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