25 ans dans une startup - billet n.47
Zythom - Zythom, 21/02/2019
Introduction - billet n.46
Les nano, mini et macro projets s'enchaînaient, s’additionnaient, s’emmêlaient... Mes deux techniciens admin étaient beaucoup sollicités, l'aide technicien support aussi. Quant à moi, doublon de mon équipe sur tous les sujets, je peinais à maintenir le système à jour, et je voyais bien que la startup prenait du retard sur des sujets où elle se devait d'être en pointe. Toutes les applications majeures du SI auraient du être connectées à l'ERP, pièce centrale où toutes les données sont stockées. Mais faute d'embryon d'équipe de développement, ou d'architecte du SI, ou de quelqu'un faisant "office de", les pièces du puzzle restaient déconnectées, peu efficaces, avec un intranet devenant obsolète. Le projet d'intégrer toutes les pièces était lancé, mais faute de temps et de compétences, le projet était au point mort. Tout le monde regardait dans ma direction, mais j'avais atteint un point limite.
Je me suis remis en cause, j'ai optimisé mon temps, mon énergie. J'ai travaillé mon management, j'ai travaillé tard le soir, les week-ends. J'ai regardé ailleurs pour voir comment les autres faisaient. Mais rien n'y a fait, je sombrais...
En décembre 2016, j'ai écrit sur ce blog le mal être que je ressentais. C'est ce billet intitulé "la honte" que je reproduis ci-dessous. Peut être prend-il une autre saveur maintenant que vous avez le contexte...
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Une impression d'inutilité m'envahit. Je me sens las. Je rentre du travail, les enfants sont dans leurs chambres, ma femme travaille encore dans son cabinet, je m'isole dans mon bureau et je pleure tout seul. Je me surprends à lire les conditions de mon assurance décès pour le remboursement de l'emprunt des études de ma fille.
J'ai de beaux enfants, une femme formidable, un métier passionnant. Je suis en bonne santé, entouré par des gens qui m'aiment et que j'aime. Je vis dans un pays en paix, dans un confort appréciable...
J'ai tout pour être l'homme le plus heureux de la terre et cela amplifie ma honte de ne pas ressentir ce bonheur.
Je dors beaucoup, je me réveille fatigué. Je broie des idées noires.
J'ai envie de tout envoyer paître, j'ai envie d'en finir.
Je tombe sur un article concernant la dépression... et j'en ressens la plupart des symptômes. Je me regarde dans la glace, et je me dis que ce n'est pas possible. Pas moi.
La honte.
Je suis le roc sur lequel mes enfants s'arriment et se hissent pour voir plus loin. Je suis l'un des boosters de la fusée familiale et je n'ai pas le droit de lâcher, surtout sans raison.
Et pourtant, je suis assis, las, à me demander pourquoi je me sens si vide, pourquoi un grand gaillard comme moi est entré dans une boucle négative de dévalorisation de soi si intense. Le syndrome de l'imposteur puissance 10.
Rien ne justifie cette sensation. Rien.
Je lis que la dépression est une maladie, qu'elle se soigne, qu'il faut consulter.
Mais j'ai honte !
Les semaines passent, la souffrance est toujours là, inutile, incompréhensible. Impossible de la cacher auprès de mon épouse qui fait pour le mieux, j'arrive à épargner mes enfants. Au travail, je manque de convictions, d'énergie. J'envisage la démission, le départ, l'abandon.
Tristes sensations.
Je refuse toute aide. Mon médecin est un ami de la famille, j'ai trop honte de lui dévoiler cette faiblesse inavouable. J'ai encore un peu de fierté pour essayer de m'en sortir seul. Tous ces atouts de mon côté et se sentir nul de chez nul, je ne me comprends pas.
J'écris. Je me souviens du bien que cela me faisait quand j'étais anonyme parmi les anonymes et que j'affrontais les démons de l'univers de la pédopornographie pendant mes expertises judiciaires. J'écris, mais je ne publie pas. Trop de monde me connaît sous ma vraie identité sur ce blog. Mes enfants me lisent, des magistrats, des avocats, des journalistes me lisent.
De quoi peut-il bien se plaindre, il a tout pour être heureux. La honte !
Alors, j'écris pour moi. Sur du papier, avec un stylo. J'écris des horreurs. J'écris mes idées noires. J'écris mon envie de donner un petit coup discret de guidon en vélo dans ce carrefour si fréquenté par des voitures qui roulent vite. J'écris cette descente en enfer incompréhensible. J'ai l'impression d'être dans cette course de voiture absurde de la nouvelle de Dino Buzzati intitulée "Les dépassements"...
Je noircis des feuilles.
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Épilogue.
J'ai écris ce texte il y a quelques semaines. Je suis sorti maintenant de cette mauvaise passe, avec l'aide de mon épouse. C'est elle mon roc, mon soutien. Et à deux, nous sommes les moteurs de notre petit avion familial, qui vient de fonctionner quelques temps avec un seul propulseur.
Je publie ici ce texte parce que même si j'en ai encore honte, je pense que cela peut peut-être donner une petite lueur d'espoir à quelqu'un qui serait dans le 36e dessous, et qui aurait des idées noires.
Je considère que j'ai attrapé une sorte de virus, que je n'y suis pour rien, et que maintenant j'en suis guéri... J'ai fait une petite déprime d'homme ;-)
Je ne suis ni un héros, ni un zéro. Je fais de mon mieux. Et parfois, ce n'est pas terrible.
[EDIT du 19/12/2016]
Merci pour tous vos messages de sympathie, en commentaire ou en direct, qui m'ont fait énormément plaisir.
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A suivre...
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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.
Les nano, mini et macro projets s'enchaînaient, s’additionnaient, s’emmêlaient... Mes deux techniciens admin étaient beaucoup sollicités, l'aide technicien support aussi. Quant à moi, doublon de mon équipe sur tous les sujets, je peinais à maintenir le système à jour, et je voyais bien que la startup prenait du retard sur des sujets où elle se devait d'être en pointe. Toutes les applications majeures du SI auraient du être connectées à l'ERP, pièce centrale où toutes les données sont stockées. Mais faute d'embryon d'équipe de développement, ou d'architecte du SI, ou de quelqu'un faisant "office de", les pièces du puzzle restaient déconnectées, peu efficaces, avec un intranet devenant obsolète. Le projet d'intégrer toutes les pièces était lancé, mais faute de temps et de compétences, le projet était au point mort. Tout le monde regardait dans ma direction, mais j'avais atteint un point limite.
Je me suis remis en cause, j'ai optimisé mon temps, mon énergie. J'ai travaillé mon management, j'ai travaillé tard le soir, les week-ends. J'ai regardé ailleurs pour voir comment les autres faisaient. Mais rien n'y a fait, je sombrais...
En décembre 2016, j'ai écrit sur ce blog le mal être que je ressentais. C'est ce billet intitulé "la honte" que je reproduis ci-dessous. Peut être prend-il une autre saveur maintenant que vous avez le contexte...
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Une impression d'inutilité m'envahit. Je me sens las. Je rentre du travail, les enfants sont dans leurs chambres, ma femme travaille encore dans son cabinet, je m'isole dans mon bureau et je pleure tout seul. Je me surprends à lire les conditions de mon assurance décès pour le remboursement de l'emprunt des études de ma fille.
J'ai de beaux enfants, une femme formidable, un métier passionnant. Je suis en bonne santé, entouré par des gens qui m'aiment et que j'aime. Je vis dans un pays en paix, dans un confort appréciable...
J'ai tout pour être l'homme le plus heureux de la terre et cela amplifie ma honte de ne pas ressentir ce bonheur.
Je dors beaucoup, je me réveille fatigué. Je broie des idées noires.
J'ai envie de tout envoyer paître, j'ai envie d'en finir.
Je tombe sur un article concernant la dépression... et j'en ressens la plupart des symptômes. Je me regarde dans la glace, et je me dis que ce n'est pas possible. Pas moi.
La honte.
Je suis le roc sur lequel mes enfants s'arriment et se hissent pour voir plus loin. Je suis l'un des boosters de la fusée familiale et je n'ai pas le droit de lâcher, surtout sans raison.
Et pourtant, je suis assis, las, à me demander pourquoi je me sens si vide, pourquoi un grand gaillard comme moi est entré dans une boucle négative de dévalorisation de soi si intense. Le syndrome de l'imposteur puissance 10.
Rien ne justifie cette sensation. Rien.
Je lis que la dépression est une maladie, qu'elle se soigne, qu'il faut consulter.
Mais j'ai honte !
Les semaines passent, la souffrance est toujours là, inutile, incompréhensible. Impossible de la cacher auprès de mon épouse qui fait pour le mieux, j'arrive à épargner mes enfants. Au travail, je manque de convictions, d'énergie. J'envisage la démission, le départ, l'abandon.
Tristes sensations.
Je refuse toute aide. Mon médecin est un ami de la famille, j'ai trop honte de lui dévoiler cette faiblesse inavouable. J'ai encore un peu de fierté pour essayer de m'en sortir seul. Tous ces atouts de mon côté et se sentir nul de chez nul, je ne me comprends pas.
J'écris. Je me souviens du bien que cela me faisait quand j'étais anonyme parmi les anonymes et que j'affrontais les démons de l'univers de la pédopornographie pendant mes expertises judiciaires. J'écris, mais je ne publie pas. Trop de monde me connaît sous ma vraie identité sur ce blog. Mes enfants me lisent, des magistrats, des avocats, des journalistes me lisent.
De quoi peut-il bien se plaindre, il a tout pour être heureux. La honte !
Alors, j'écris pour moi. Sur du papier, avec un stylo. J'écris des horreurs. J'écris mes idées noires. J'écris mon envie de donner un petit coup discret de guidon en vélo dans ce carrefour si fréquenté par des voitures qui roulent vite. J'écris cette descente en enfer incompréhensible. J'ai l'impression d'être dans cette course de voiture absurde de la nouvelle de Dino Buzzati intitulée "Les dépassements"...
Je noircis des feuilles.
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Épilogue.
J'ai écris ce texte il y a quelques semaines. Je suis sorti maintenant de cette mauvaise passe, avec l'aide de mon épouse. C'est elle mon roc, mon soutien. Et à deux, nous sommes les moteurs de notre petit avion familial, qui vient de fonctionner quelques temps avec un seul propulseur.
Je publie ici ce texte parce que même si j'en ai encore honte, je pense que cela peut peut-être donner une petite lueur d'espoir à quelqu'un qui serait dans le 36e dessous, et qui aurait des idées noires.
Je considère que j'ai attrapé une sorte de virus, que je n'y suis pour rien, et que maintenant j'en suis guéri... J'ai fait une petite déprime d'homme ;-)
Je ne suis ni un héros, ni un zéro. Je fais de mon mieux. Et parfois, ce n'est pas terrible.
[EDIT du 19/12/2016]
Merci pour tous vos messages de sympathie, en commentaire ou en direct, qui m'ont fait énormément plaisir.
MERCI ♥♥♥ !
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A suivre...
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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.