Précisions sur la modification de la durée des mandats électifs d’une entité transférée
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Stéphane Bloch, Fabien Crosnier, 13/02/2015
La durée des mandats représentatifs d’une entité transférée peut être réduite ou prorogée, pour tenir compte de la date habituelle des élections dans l’entreprise d’accueil, par un accord conclu aux conditions de majorité de droit commun
Dans un arrêt rendu le 17 décembre 2014 (Cass. Soc. N° 14-14917) la Cour de Cassation,
- Visant les articles L. 2314-28 et L. 2324-26 code du travail,
- Juge « qu’il résulte de ces textes, d’une part, que les mandats représentatifs d’une entité transférée ne sont maintenus que si cette entité conserve son autonomie, d’autre part, qu’à supposer un tel maintien, et pour tenir compte de la date habituelle des élections dans l’entreprise d’accueil, la durée de ces mandats peut être réduite ou prorogée par accord entre le nouvel employeur et les organisations syndicales représentatives existant dans le ou les établissements absorbés sans que cet accord soit conclu à l’unanimité desdites organisations.»
- Visant les articles L. 2314-28 et L. 2324-26 code du travail,
- Juge « qu’il résulte de ces textes, d’une part, que les mandats représentatifs d’une entité transférée ne sont maintenus que si cette entité conserve son autonomie, d’autre part, qu’à supposer un tel maintien, et pour tenir compte de la date habituelle des élections dans l’entreprise d’accueil, la durée de ces mandats peut être réduite ou prorogée par accord entre le nouvel employeur et les organisations syndicales représentatives existant dans le ou les établissements absorbés sans que cet accord soit conclu à l’unanimité desdites organisations.»
Circonstances et portée de cette décision de la Cour de Cassation
Les faits
L’une des sociétés d’un groupe (la société A), qui constituait une UES avec l’une de ses sociétés-sœurs (la société B), avait absorbé une société du groupe (la société C) et repris par voie d’apport partiel d’actifs un établissement précédemment rattaché à une autre société du groupe (la société D).
Des accords collectifs, conclus aux conditions de majorité de droit commun, avaient ensuite été conclus pour :
- convenir du transfert dans l’UES des deux comités d’entreprise issus des sociétés C et D (chacun d’eux devenant un comité d’établissement au sein de l’UES) et des mandats électifs afférents ;
- et réduire la durée des mandats des représentants du personnel des deux établissements « entrants » afin que les élections professionnelles dans tous les établissements de l’UES aient lieu à la même date.
Le litige
Saisi par une organisation syndicale, le juge d’instance avait annulé ces accords aux motifs que les mandats s’étaient légalement poursuivis et que, comme en droit commun, seul un accord conclu à l’unanimité des syndicats représentatifs (ce qui n’était pas le cas des accords litigieux) aurait pu valablement modifier le terme desdits mandats. Le juge du premier degré en avait tiré la conséquence que les mandats des élus entrants devaient continuer à courir jusqu’à leur terme originel sans qu’il y ait lieu d’organiser des élections anticipées au sein des établissements transférés.
La Cour de Cassation a cassé ce jugement en retenant, d’une part, que le tribunal aurait dû vérifier si les conditions légales de la poursuite des mandats en cours étaient réunies (c’est-à-dire si les entités transférées avaient ou non conservé leur autonomie) et, d’autre part, que l’accord conclu pour aligner la date des élections dans les entités transférées sur celle de l’entreprise d’accueil pouvait être valablement conclu aux conditions de droit commun prévues par l’article L.2232-12 du Code du Travail.
L’arrêt de cassation du 17 décembre 2014
Par cet arrêt, la Cour de Cassation se prononce pour la première fois à notre connaissance, sur les conditions dans lesquelles doit être conclu l’accord visé par les articles L. 2314-28 et L. 2324-26 du code du travail.
Aux termes des articles L.2314-28 et L.2324-26 du Code du Travail, en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur entraînant l’application de l’article L.1224-1 du Code du Travail, les mandats des représentants élus du personnel de l’entreprise ou de l’établissement transféré (représentants du personnel au comité d’entreprise et délégués du personnel) se poursuivent au sein de l’entreprise d’accueil chaque fois que le transfert concerne :
• une entreprise qui, après son transfert, conserve son autonomie ou devient un établissement distinct au sens du droit des instances représentatives du personnel ;
• ou un établissement qui, après son transfert, conserve son caractère d’établissement distinct.
Lorsque les mandats des élus entrants se poursuivent au sein de l’entreprise d’accueil en application des articles L.2314-28 et L.2324-26, une difficulté peut se présenter lorsque le terme de ces mandats ne coïncide pas avec celui des élus de l’entreprise d’accueil.
Les articles L.2314-28 al. 3 et L.2324-26 al. 3 du Code du Travail permettent alors de réduire ou de proroger la durée des mandats des élus entrants pour harmoniser la durée des mandats et la date des élections professionnelles dans l’ensemble de l’entreprise d’accueil. Ces dispositions subordonnent cette faculté à la conclusion d’un accord entre le nouvel employeur et les organisations syndicales représentatives dans le ou les établissements absorbés ou, à défaut, les élus intéressés.
Cependant, le législateur ne précise pas si un tel accord doit être conclu aux conditions de majorité de droit commun ou bien à l’unanimité des syndicats représentatifs dans l’entreprise ou dans l’établissement transféré.
Or, en principe, en droit commun des élections professionnelles (en dehors de toute restructuration), seul un accord unanime conclu entre l’employeur et l’ensemble des syndicats représentatifs dans l’entreprise permet de proroger le terme du mandat des élus du personnel (Cass. soc. 27 mai 1999, n° 98-60.327 ; Cass. soc. 12 juillet 2006, n° 05-60.331 ; Cass. soc. 26 juin 2013, n° 12-60.246).
Par son arrêt du 17 décembre 2014, la Cour de Cassation juge que l’accord peut être valablement conclu aux conditions de droit commun en cantonnant toutefois la solution retenue par elle à l’application des articles L.2314-28 et L.2324-26 du Code du Travail.
Il résulte de cette décision qu’en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur au sens de l’article L.1224-1 du Code du Travail, lorsque les mandats des élus entrants se poursuivent au sein de l’entreprise d’accueil en application des articles L.2314-28 et L.2324-26, l’accord qui réduit ou proroge la durée de ces mandats afin d’aligner leur durée et leur date de renouvellement sur celles de l’entreprise d’accueil, doit être signé entre le nouvel employeur et un ou plusieurs syndicats représentatifs dans l’établissement ou dans l’entreprise objet du transfert, représentant, depuis la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles, sous réserve du droit d’opposition majoritaire de droit commun.
En conséquence, les conditions de validité de l’accord conclu ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit d’un accord intervenant en dehors de toute restructuration pour proroger la durée des mandats des élus du personnel (en l’état actuel de la jurisprudence, cet accord doit être conclu avec l’ensemble des syndicats représentatifs dans l’entreprise) ou d’un accord ayant pour objet de faire coïncider le terme des mandats des élus d’un établissement ou d’une entreprise transféré avec celui des élus de l’entreprise d’accueil en application des articles L.2314-28 et L.2324-26 du Code du Travail (cet accord pouvant être conclu aux conditions de majorité de droit commun).
L’une des sociétés d’un groupe (la société A), qui constituait une UES avec l’une de ses sociétés-sœurs (la société B), avait absorbé une société du groupe (la société C) et repris par voie d’apport partiel d’actifs un établissement précédemment rattaché à une autre société du groupe (la société D).
Des accords collectifs, conclus aux conditions de majorité de droit commun, avaient ensuite été conclus pour :
- convenir du transfert dans l’UES des deux comités d’entreprise issus des sociétés C et D (chacun d’eux devenant un comité d’établissement au sein de l’UES) et des mandats électifs afférents ;
- et réduire la durée des mandats des représentants du personnel des deux établissements « entrants » afin que les élections professionnelles dans tous les établissements de l’UES aient lieu à la même date.
Le litige
Saisi par une organisation syndicale, le juge d’instance avait annulé ces accords aux motifs que les mandats s’étaient légalement poursuivis et que, comme en droit commun, seul un accord conclu à l’unanimité des syndicats représentatifs (ce qui n’était pas le cas des accords litigieux) aurait pu valablement modifier le terme desdits mandats. Le juge du premier degré en avait tiré la conséquence que les mandats des élus entrants devaient continuer à courir jusqu’à leur terme originel sans qu’il y ait lieu d’organiser des élections anticipées au sein des établissements transférés.
La Cour de Cassation a cassé ce jugement en retenant, d’une part, que le tribunal aurait dû vérifier si les conditions légales de la poursuite des mandats en cours étaient réunies (c’est-à-dire si les entités transférées avaient ou non conservé leur autonomie) et, d’autre part, que l’accord conclu pour aligner la date des élections dans les entités transférées sur celle de l’entreprise d’accueil pouvait être valablement conclu aux conditions de droit commun prévues par l’article L.2232-12 du Code du Travail.
L’arrêt de cassation du 17 décembre 2014
Par cet arrêt, la Cour de Cassation se prononce pour la première fois à notre connaissance, sur les conditions dans lesquelles doit être conclu l’accord visé par les articles L. 2314-28 et L. 2324-26 du code du travail.
Aux termes des articles L.2314-28 et L.2324-26 du Code du Travail, en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur entraînant l’application de l’article L.1224-1 du Code du Travail, les mandats des représentants élus du personnel de l’entreprise ou de l’établissement transféré (représentants du personnel au comité d’entreprise et délégués du personnel) se poursuivent au sein de l’entreprise d’accueil chaque fois que le transfert concerne :
• une entreprise qui, après son transfert, conserve son autonomie ou devient un établissement distinct au sens du droit des instances représentatives du personnel ;
• ou un établissement qui, après son transfert, conserve son caractère d’établissement distinct.
Lorsque les mandats des élus entrants se poursuivent au sein de l’entreprise d’accueil en application des articles L.2314-28 et L.2324-26, une difficulté peut se présenter lorsque le terme de ces mandats ne coïncide pas avec celui des élus de l’entreprise d’accueil.
Les articles L.2314-28 al. 3 et L.2324-26 al. 3 du Code du Travail permettent alors de réduire ou de proroger la durée des mandats des élus entrants pour harmoniser la durée des mandats et la date des élections professionnelles dans l’ensemble de l’entreprise d’accueil. Ces dispositions subordonnent cette faculté à la conclusion d’un accord entre le nouvel employeur et les organisations syndicales représentatives dans le ou les établissements absorbés ou, à défaut, les élus intéressés.
Cependant, le législateur ne précise pas si un tel accord doit être conclu aux conditions de majorité de droit commun ou bien à l’unanimité des syndicats représentatifs dans l’entreprise ou dans l’établissement transféré.
Or, en principe, en droit commun des élections professionnelles (en dehors de toute restructuration), seul un accord unanime conclu entre l’employeur et l’ensemble des syndicats représentatifs dans l’entreprise permet de proroger le terme du mandat des élus du personnel (Cass. soc. 27 mai 1999, n° 98-60.327 ; Cass. soc. 12 juillet 2006, n° 05-60.331 ; Cass. soc. 26 juin 2013, n° 12-60.246).
Par son arrêt du 17 décembre 2014, la Cour de Cassation juge que l’accord peut être valablement conclu aux conditions de droit commun en cantonnant toutefois la solution retenue par elle à l’application des articles L.2314-28 et L.2324-26 du Code du Travail.
Il résulte de cette décision qu’en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur au sens de l’article L.1224-1 du Code du Travail, lorsque les mandats des élus entrants se poursuivent au sein de l’entreprise d’accueil en application des articles L.2314-28 et L.2324-26, l’accord qui réduit ou proroge la durée de ces mandats afin d’aligner leur durée et leur date de renouvellement sur celles de l’entreprise d’accueil, doit être signé entre le nouvel employeur et un ou plusieurs syndicats représentatifs dans l’établissement ou dans l’entreprise objet du transfert, représentant, depuis la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles, sous réserve du droit d’opposition majoritaire de droit commun.
En conséquence, les conditions de validité de l’accord conclu ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit d’un accord intervenant en dehors de toute restructuration pour proroger la durée des mandats des élus du personnel (en l’état actuel de la jurisprudence, cet accord doit être conclu avec l’ensemble des syndicats représentatifs dans l’entreprise) ou d’un accord ayant pour objet de faire coïncider le terme des mandats des élus d’un établissement ou d’une entreprise transféré avec celui des élus de l’entreprise d’accueil en application des articles L.2314-28 et L.2324-26 du Code du Travail (cet accord pouvant être conclu aux conditions de majorité de droit commun).