Actions sur le document

La justice est-elle une cause nationale ?

Justice au singulier - philippe.bilger, 29/01/2012

La Justice doit devenir vraiment une grande cause nationale. Il faut qu'on sache demain pour quelle justice, quel Etat de droit, quelle équité et impartialité publiques et quel avenir exemplaire on va voter.

Lire l'article...

On peut se le demander.

La droite populaire déclare que "les délinquants attendent avec impatience la victoire du candidat socialiste" (Libération). C'est de basse polémique mais de bonne guerre. Parce qu'en dehors de sa volonté de s'en prendre "aux petits caïds" dans son discours du Bourget, François Hollande ne nous a pas permis encore de connaître le détail de son projet judiciaire. Il ne faudrait pas qu'à son tour, en dépit d'un affichage humaniste, il en vînt à négliger ce qui est d'autant plus fondamental pour notre démocratie que le quinquennat presque écoulé n'a pas permis de répondre aux attentes de ceux qui en avaient espéré beaucoup en 2007.

Aussi bien la multiplication des lois, leur absence de hiérarchisation que la méthode présidentielle faite de foucades, d'ignorance sublimée et de décrets d'autorité ont empêché l'élaboration d'une politique pénale respectable.

François Hollande devrait être d'autant plus attentif à l'institution judiciaire, et ne pas en laisser la seule charge à André Vallini, qu'une immense béance existe, qu'on a besoin de cohérence, d'écoute et d'intelligence. Le paradoxe serait que la gauche parvînt à mettre en oeuvre cet humanisme vigoureux et cette synthèse entre Etat de droit et rigueur, à inventer une République capable de se défendre sans se renier. Contre les hémiplégies à l'usage inévitables.

Un certain nombre de personnalités s'étaient prononcées, avant la primaire socialiste, en faveur de Martine Aubry en prônant un programme qui se serait contenté de défaire tout ce qui avait été instauré avant. En adoptant la "table rase" à la Badinter de 1981. Ce serait absurde, pour le candidat socialiste, de procéder de cette manière qui est à la fois brutale et facile. On débarrasse la table de la République d'un grand coup de Pouvoir, c'est tout ce qu'on fait.

Je ne vois pas de raison pour que François Hollande, quoi qu'on pense de lui, ne sache pas faire preuve d'un pragmatisme réfléchi, d'un réalisme de bon aloi dans ce domaine capital comme dans d'autres où il a montré qu'il savait être à la hauteur technique de ses adversaires.

La justice ne peut pas seulement être honorée formellement. Les politiques, surtout ceux aspirant au poste suprême qui a notamment pour mission de veiller à l'unité et à l'indépendance de la magistrature, à la qualité de toutes les justices, ont l'obligation de soumettre au peuple leur vision et leur programme.

J'insiste. Cette exigence est d'autant plus nécessaire du côté des socialistes que le président de la République n'a apparemment rien appris à la suite des contestations et des critiques qui n'ont cessé de s'élever contre certaines lois dont il a été l'inspirateur.

Lors de ses voeux aux instances judiciaires et administratives, il a certes exprimé "considération, estime et confiance" à l'égard des magistrats mais ces hommages de dernière minute, plus conventionnels qu'authentiques, n'étaient pas de nature à faire oublier l'aigre discrédit et le navrant ressentiment des années qui précédaient.

Pour la réforme des tribunaux correctionnels qui ne peut être dissociée, dans l'analyse, de celle de la cour d'assises, le président demeure persuadé que son initiative est remarquable. Il manifeste à cette occasion - c'est préoccupant - une méconnaissance totale de la réalité criminelle et délictuelle et, dans ces conditions, se félicite abusivement d'un changement qui est destiné à pallier une prétendue mansuétude des magistrats.

Enfin, Nicolas Sarkozy affirme, dans son allocution, qu'il n'a pas le droit de rester "dans l'immobilisme". On n'aurait ainsi le choix qu'entre un mouvement erratique à droite et une gauche sulpicienne, ne niant plus la réalité de l'insécurité mais ne tirant pas de son constat les conséquences fermes qui conviendraient.

Pour François Bayrou, on ne perçoit pas davantage les grandes lignes de son projet judiciaire, quelles sont ses ambitions pour la Justice.

Celle-ci doit devenir vraiment une grande cause nationale. Il faut qu'on sache demain pour quelle justice, quel Etat de droit, quelle équité et impartialité publiques et quel avenir exemplaire on va voter.


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...