Benzema ne nous a pas marqués !
Justice au singulier - philippe.bilger, 7/09/2013
En dépit des commentateurs du match sur M6, on ne peut tirer aucun motif d'optimisme du match nul, vraiment nul, de la France contre la Géorgie à Tbilissi. La meilleure preuve en est que les joueurs français si prompts en général à se trouver des excuses - le terrain, l'adversaire, l'arbitre, la chaleur ou le ballon - ont admis avoir été médiocres et Karim Benzema est allé jusqu'à reconnaître qu'il s'était connu meilleur.
Certes, il faut se remobiliser pour le prochain match du 10 mais on a tout de même le temps de s'interroger.
Je le concède et je n'en ai pas honte : je ne suis qu'un piètre sportif en chambre passionné surtout par le football et le tennis et curieux de quelques personnalités hors du commun comme Agnel ou Lavillenie. Faute pour la multitude qui me ressemble de pouvoir faire autre chose que juger le spectacle qu'on lui offre, il est naturel qu'elle se hasarde, en ayant conscience du confort que cela procure, à louer, dénigrer, dénoncer ou protester sans être le moins du monde impliquée dans le vif de l'action.
Cela ne signifie pas que chaque citoyen est un excellent entraîneur en puissance et que l'ensemble de nos avis soient pertinents. Mais on est légitime à les formuler.
Pourquoi, depuis cinq matchs, pas le moindre but, en dépit du passé, de l'expérience et de la compétence d'un Didier Deschamps qui sait dominer ses sentiments personnels pour le bien de l'équipe de France, en particulier quand il a fait rentrer Pierre-André Gignac après avoir eu la courageuse impudence de libérer Benzema de l'ennui qu'il traînait et des erreurs qu'il commettait - sauf un malheureux tir repoussé par le gardien géorgien - depuis le début de l'épreuve ?
Je vais rassurer mes détracteurs : je n'impute pas la décevante prestation de l'équipe de France à Nicolas Sarkozy. Notre ancien président, je l'admets, n'y est pour rien. Pas plus d'ailleurs que le nouveau, leur second point commun étant leur passion partagée pour le foot.
Sur le plan de la tactique, comme l'entraîneur de Valenciennes Daniel Sanchez, j'ai eu du mal à comprendre pourquoi nos deux attaquants de pointe - qui n'ont pratiquement jamais joué ensemble - ne se tenaient pas tout près des buts adverses de sorte que l'autre aurait pu peut-être reprendre le tir de l'un ou d'un autre partenaire mal repoussé par le portier. Notamment pour la tentative de Benzema et bien plus tard pour le tir dans le cadre de Ribéry. A quoi servait le fait d'avoir Giroud et Benzema ensemble si pratiquement jamais l'équipe ne pouvait bénéficier de leur force de frappe ou de leur jeu de tête dans des conditions de bon augure ?
Le pire n'a pas été l'échec de ces deux joueurs sur lesquels on comptait beaucoup. Giroud aurait pu, dû marquer de la tête mais au moins, tout au long, il a manifesté par son attitude son envie de vaincre, il a tenté, il a couru, il s'est réprimandé, il a montré que rien de ce qui se déroulait sur ce terrain ne lui était indifférent.
Le contraire de Benzema qui a été une ombre même pas en peine, tant le destin de cette équipe de France semblait peu lui importer. On aurait pu au moins espérer qu'après n'avoir pas chanté La Marseillaise, comme Ribéry, il aurait tout de même cherché à donner de lui une image sportive exemplaire.
Cela n'a pas été le cas et Didier Deschamps a été patient en le sortant si tard.
Il serait inéquitable de faire reposer cet échec sur les seules épaules de cet attaquant qui ne se donne à fond qu'au Real de Madrid. Déception qui aurait pu être encore plus vive si après une parade incomplète de Lloris, la reprise d'un Géorgien n'avait pas touché le poteau.
En regardant le jeu de notre équipe et en considérant sa technique, je me suis demandé dans quel métier tant de maladresses et de fautes professionnelles auraient été admises et tant d'approximations tolérées. Il faudrait tout recommencer à zéro : la précision des passes et des ouvertures, l'abus des premières, mécaniques, en retrait et des secondes mal orientées, la qualité des centres et des corners, l'efficacité et le cadrage des tirs, la vivacité et l'intelligence du jeu collectif. Que de déchets !
J'entends bien que la théorie des beaux gestes est plus difficile à mettre en oeuvre dans l'affrontement mais que seraient des professionnels ultra payés s'ils n'étaient pas capables d'offrir au moins une base minimale ?
Ailleurs que dans le football, après une pratique si durablement dégradée, beaucoup n'auraient pas fait long feu.
Alors on se console et j'entends encore nos deux commentateurs heureux malgré tout : "On a eu beaucoup d'occasions" !
Benzema ne nous a pas marqués et, c'est formidable, la France a battu la Géorgie au nombre d'occasions !