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Au procès de Nicolas Bonnemaison, la force de l’identification

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 25/06/2014

Le verdict d'acquittement de Nicolas Bonnemaison venait d'être annoncé, les trois magistrats professionnels qui composaient la cour s'étaient déjà retirés. A la tribune, quelques jurés se sont attardés répondant par un franc sourire à la salle toute acquise à l'ancien … Continuer la lecture

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Le verdict d'acquittement de Nicolas Bonnemaison venait d'être annoncé, les trois magistrats professionnels qui composaient la cour s'étaient déjà retirés. A la tribune, quelques jurés se sont attardés répondant par un franc sourire à la salle toute acquise à l'ancien urgentiste de Bayonne qui les acclamait. Jamais la géographie d'un prétoire n'a été plus symbolique que celle de la cour d'assises du palais de justice de Pau. A droite, le box des accusés. En face de lui, sur deux travées - celles qui d'ordinaire sont réservées aux parties civiles - les jurés populaires. Seule à la tribune, la cour et, à quelques sièges d'elle, les deux représentants du ministère public.

Sans doute est-ce dans ce face-à-face singulier entre la société et tout ce que représentait l'accusé que le verdict s'est joué. Jamais dans une audience pénale, l'identification des juges n'avait été aussi aisée, aussi évidente, tant avec l'homme assis dans le box qu'avec les sept patients dont il était accusé d'avoir accéléré la fin de vie.

Nicolas Bonnemaison, ancien chef de l'unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD) de l'hôpital de Bayonne est le médecin que chacun peut imaginer rencontrer un jour. Les vieux corps douloureux, agonisants, de Marguerite, Christiane, Marie, Fernand, Jacqueline, André ou Christiane, pouvaient être aussi - autant -  ceux du père, de la mère, de la grand-mère ou du grand-père de chacun des jurés. Et pour chacun d'entre eux, ils ont dû répondre à la question de savoir si, en injectant une dose d'Hypnovel ou de Norcuron à ces patients en fin de vie, Nicolas Bonnemaison avait eu, ou pas, l'intention de les tuer.

Pendant les débats, l'ancien urgentiste s'en était toujours tenu à la même position. Les injections auxquelles il admet avoir procédé étaient destinées à "soulager les souffrances", dans un processus de sédation des patients, pas à donner la mort. A cela, l'avocat général Marc Mariée avait répliqué dans son réquisitoire qu'une agonie "certes, c'est une vie finissante, mais c'est une vie quand même " et que c'est cette fin de vie que l'ancien urgentiste a décidé, seul, d'écourter.

Cette question volontairement brutale, Me Arnaud Dupin, l'un des deux avocats de la défense avec Me Benoît Ducos-Ader, l'a martelée à sept reprises dans sa plaidoirie. "Est-ce un meurtre? Est-ce un soin?" La cour et les jurés ont considéré que l'intention de tuer n'était pas établie et que le docteur Nicolas Bonnemaison avait agi "de bonne foi".

La réponse qu'ils ont apportée a acquitté l'ancien urgentiste de Bayonne, comme l'avait fait, avant eux, la majorité - cinq sur sept - des familles concernées qui ne s'étaient pas constituées partie civile contre lui.

Le silence d'adhésion qui avait été le leur ne pouvait que rencontrer l'écho des interrogations que chacun se pose, s'est posé ou se posera face à l'agonie d'un proche. Ou que ses proches se poseront face à la sienne. Espérer que cette agonie ne durera pas, souhaiter implicitement ou explicitement qu'elle soit écourtée, être soulagé de voir un médecin prendre la responsabilité et le risque qu'elle le soit, est-ce une complicité de meurtre, ou est-ce une complicité de soin ? Qui voudrait ne pas être acquitté si cette question là lui était posée ?


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