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Y a-t-il un ADN de la droite ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 10/07/2017

Il est tout de même invraisemblable que ces personnalités de talent, d'intelligence et j'en suis sûr de conscience ne soient pas capables de s'abriter sous le même toit politique. Copé, Wauquiez, NKM, Bertrand, Pécresse, etc.

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On n'a jamais plus parlé de la droite, des droites que depuis qu'elles sont éclatées, confuses et inaudibles. Le paysage offert aujourd'hui pourrait faire rire tant sa diversité et son éparpillement, droite et centre mis ensemble, sont aux antipodes de l'homogénéité qui permettrait une définition cohérente.

Mais à réfléchir sur ce que pourrait être un ADN de la droite, le noyau dur, inaltérable, qui distinguerait cette famille de la gauche et de ses variations socialistes ou extrémistes, on s'aperçoit de la difficulté de la tâche.

On s'est trop vite consolé en imputant à Emmanuel Macron, à sa campagne et à sa victoire, le bouleversement de la droite classique, la destruction du monde où les pensées conservatrice et libérale s'accordaient sur l'essentiel, en tout cas suffisamment pour gouverner ensemble.

Je me demande si ce procès trop vite intenté n'a pas été commode pour exonérer les forces conservatrices d'une responsabilité qui leur revenait. Emmanuel Macron, me semble-t-il, a moins été, avec son triomphe présidentiel, une cause du délitement de la droite que sa conséquence. C'est parce que la droite ne savait déjà plus qui elle était que le candidat Macron, avec une habileté inouïe nourrie par les études Cevipof, a su et pu s'engouffrer dans l'espace que sa désarticulation avait offert.

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Où était en effet l'essence de la droite entre Alain Juppé et sa tonalité centriste, Nicolas Sarkozy et sa tendance pragmatique, François Fillon et son penchant vigoureusement conservateur ou Jean-François Copé et sa vision intelligemment autoritaire ? Où était l'essence de la droite quand elle stigmatisait l'extrême droite au nom de la République en occultant tout ce qui, pour la justice, la sécurité et l'immigration, la rapprochait d'elle ?

Longtemps le principe de la liberté avait servi de socle, de fil conducteur pour distinguer la droite de ses adversaires qui privilégiaient l'égalité mais dès lors que sortant de l'économique, du financier et du fiscal, cette valeur n'a plus proposé de repères clairs et indiscutables pour l'appréhension des faits de société, de l'islam, de son dévoiement l'islamisme et d'un vivre-ensemble de plus en plus menacé. Il y a eu, dans la droite classiquement définie, trop de divergences, mollesse et compréhension ici, fermeté et rigueur là, sans oublier les positions médianes, pour qu'un nouveau dénominateur commun ne soit pas à rechercher.

Mais lequel ?

Chacun a probablement sa définition de la droite, sa droite à lui, mais en tentant un inventaire, on trouverait encore la liberté mais aussi l'autorité, la répression, l'exemplarité de la Justice, le refus du communautarisme, la défense d'un mode de vie,la fierté nationale, le retour aux fondamentaux à l'école, une politique internationale réaliste... Tenir compte de cette pluralité imposerait d'accepter une droite plurielle dont l'identité, paradoxalement, serait constituée par l'ensemble de ces principes et exigences qui trouveraient à s'accorder dans la tolérance d'un parti fier de cette plénitude.

Or tout ce qui se déroule depuis l'élection du président de la République va exactement dans l'autre sens, dans la mauvaise direction. Chacun privatise sa conception de la droite en affirmant que c'est son bout à lui qui est le bon. Ce qui est absurde. On aboutit à ce ridicule que pour faire pièce à Laurent Wauquiez, on se retire du jeu. Pour échapper à la guerre des chefs, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, dans un registre différent, prennent leurs distances avec les Républicains. Au point que ceux-ci n'auront pas d'autre choix que de tomber dans les bras de Laurent Wauquiez qui obtiendra, si le processus continue, l'assimilation du parti à son exclusive tendance.

Le scandale est là : dans la fuite de courants fondamentaux de la droite au lieu que tous soient coalisés au sein d'une même structure pour combattre les opportunistes et les prétendus "constructifs". La droite est trop importante pour être une propriété privée. Se l'approprier c'est la tuer.

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Ce qui est une catastrophe relève de cette seule constatation. Non pas que Laurent Wauquiez soit LR, non pas qu'il veuille les diriger, non pas qu'il y parvienne mais qu'il puisse le faire seulement parce qu'on le laisse seul maître avec sa conception de la droite. Victorieuse avant l'heure. Au lieu de la comparer, de la confronter à d'autres. Mais dans un même parti. Plutôt que de reprocher sans cesse à Wauquiez de courir après l'extrême droite, pourquoi ne court-on pas plutôt après lui pour lui opposer d'autres facettes et visages de la droite que les siens ? LR serait-il trop étroit pour une famille diverse mais rassemblée ?

L'ADN de la droite, aujourd'hui, consiste dans une grande incertitude sur elle-même. Pour se penser à nouveau, elle devra accepter de se réunir sans prétendre détenir, chacun dans son coin, un bout de la vraie croix conservatrice. Sa diversité, ses contradictions ne deviendront calamiteuses que si d'aucuns s'en servent comme prétextes pour s'en aller. Alors qu'elles enrichiraient ceux décidés à rester et à affirmer leur identité. Dans un débat, lui vraiment constructif.

Il est tout de même invraisemblable que ces personnalités de talent, d'intelligence et j'en suis sûr de conscience ne soient pas capables de s'abriter sous le même toit politique. Copé, Wauquiez, NKM, Bertrand, Pécresse, etc.

Rien ne m'apparaît plus ridicule que ces querelles d'hommes et de femmes trop en évidence et accentuant le naufrage d'une droite qui, avec son délitement et sa pauvreté conceptuelle antérieurs, avait déjà grandement facilité la victoire d'Emmanuel Macron dont l'atypisme, le talent et l'intelligence avaient fini la besogne.


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