Le Portugal veut vendre une collection de 85 œuvres de Miro !
Actualités du droit - Gilles Devers, 24/04/2014
L’argent les fait devenir dingues ! Le gouvernement portugais, pour renflouer ses caisses, s’apprêtait à faire vendre aux enchères une inestimable collection de 85 œuvres de Joan Miro. Heureusement la justice a bloqué l’affaire. Provisoirement…
Ces tableaux, l’Etat les a payés bien chers, lorsqu'en 2008, il a dû nationaliser la banque BPN, qui était en déconfiture, suite à des opérations frauduleuses. Je rappelle en effet, à tous les intoxiqués par la lepenisterie – un syndrome de délabrement du bulbe, qui se soigne par la lecture de 5 pages de Victor Hugo ou d’Emile Zola par jour – que ce ne sont pas les pauvres qui ruinent un pays, mais les banques.
Avec ces 85 peintures, pratiquement inconnues du public car elles relevaient de la propriété privée, le Portugal a de quoi organiser une extraordinaire musée, qui nous donnera une raison de plus d’aller viser ce merveilleux pays.
Oui, mais voilà, la rencontre de l’art et des publics du monde, ce n’est pas le truc du misérable gouvernement de Droite qui applique les bons remèdes du Docteur Barroso : le destin d’un peuple est de s’ajuster sur un taux bancaire. Alors, on vent tout ce qui rapporte du cash : et les pingouins de l’épicerie Christie's faisaient déjà miroiter une rentrée de d’argent de 30 millions d'euros. Une goutte d'eau au regard du budget du Portugal, Non, mais je rêve : bazarder un tel trésor, et le retirer du public pour une grande nuit privée. Des sauvages. Ecoutons Jorge Barreto Xavier, qui fait office de secrétaire d'Etat à la culture : « Ce n'est pas la priorité du Portugal de garder une collection de cette dimension d'un grand peintre espagnol du XXe siècle ». Authentique !
Première à réagir, l'Association portugaise de muséologie : « Une collection des tableaux de Miro est un ensemble artistique générateur de richesse partout dans le monde et a fortiori dans un pays touristique comme le Portugal ». Les députés socialistes ont pris de relais, et saisi le tribunal administratif de Lisbonne en urgence, alors que les tableaux étaient déjà à Londres, dans le garage de Christie's, pour être vendus début février. Le tribunal administratif a estimé qu’il ne pouvait bloquer la vente en urgence, mais il a expliqué qu’il y avait de sérieux débats sur la validité de l’autorisation de sortie des biens. Un argument pris très au sérieux par Christie's, qui doit la sécurité juridique à ses clients sauf à les indemniser : « Les incertitudes judiciaires créées par le différend entre l'Etat et des députés d'opposition au Portugal au sujet de cette vente signifient que nous ne pouvons pas proposer ces œuvres à la vente. Nous avons la responsabilité à l'égard de nos clients de leur transmettre, sans problème aucun, les droits de propriété ». Et hop, les 85 tableaux sont revenus au Portugal. Provisoirement, car les vautours ne lâchent pas comme ça leur proie.
Le gouvernement a donc repris la procédure de sortie des œuvres, à destination de l’épicerie Christie’s, qui avait prévu la vente pour juin. Le premier ministre, Pedro Passos Coelho, a doctement expliqué que les frais d'entretien étaient trop importants... Mais cette fois-ci c’est le Parquet général de la République qui a saisi le Tribunal administratif de Lisbonne dans le cadre d'une procédure en référé « en défense du patrimoine culturel ». Et le Parquet a bloqué la vente.
Ah, un parquet indépendant,… ça vous transforme une justice.