Fessenheim : Le poids politique d'EDF
Actualités du droit - Gilles Devers, 5/09/2012
Des rougeurs aux doigts pour deux salariés, pas de prescription médicale, pas arrêt de travail, mais dans le même temps, 50 sapeurs pompiers arrivés en urgence, une campagne de presse nationale, la une de tous les jités ce soir, Corinne Lepage suant et soufflant pour faire le tour des caméras et le président de l’Assemblée Nationale sur le plateau de BFM !
J’aurais aimé saluer cette mobilisation contre les accidents du travail… mais il s’agit uniquement de l’exploitation politique irrationnelle d’un accident du travail parfaitement bénin. Loin de simplifier le dossier, sérieux, de l’avenir de Fessenheim, ça le complique singulièrement car cela donne la fâcheuse impression que les réactions sont affectives.
L’accident est un dégagement de vapeur lors de la manipulation d’eau oxygénée dans un bâtiment annexe au réacteur, où sont traités certains effluents des réacteurs.
Thierry Rosso, le directeur de la centrale, a expliqué que deux salariés « ont simplement une irritation sur les doigts » et qu’il « n'y a pas d'impact environnemental ». Jean-Luc Cardoso, le représentant de la CGT, a confirmé l’absence de toute gravité.
Pas d'impact environnemental, mais un fort impact politique…
Pour François de Rugy, président du groupe écolo à l'Assemblée nationale, cet accident vient « rappeler à tout le monde, à tous ceux qui croyaient qu'avec le nucléaire il n'y avait pas de problème de sécurité, qu'il y a toujours un danger ». Pour Noël Mamère, « c’est la preuve qu'il faut fermer Fessenheim au plus vite ».
Où est le blème ?
François Hollande s'est engagé durant la campagne électorale à fermer cette centrale d'ici à 2017.
L'argument souvent mis en avant est que c’est la plus ancienne des centrales, mise en service en 1977 – avec deux réacteurs à eau pressurisée, d'une puissance de près de 900 mégawatts – prévue pour 40 ans, dépassée et arrivant à ses quarante ans en 2017.
Raisonnement simpliste, a affirmé l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) dans un rapport en juillet 2011. L’ASN expliquait en substance que l’âge de la centrale n’est pas déterminant si elle a été bien conçue et bien entretenue. Et elle avait conclu, qu’avec des travaux, la centrale pouvait encore fonctionner pendant dix années. Parmi les préconisations, le renforcement du radier – la dalle de béton sur laquelle a été construit le réacteur – avant juin 2013.
Hollande a été élu en mai avec un engagement clair, et pourtant en juin, EDF s’est empêché de décidé d’investir 20 millions d'euros en un an pour réaliser ces travaux, dont 15 millions pour le ravier !
En 2013, la centrale respectera les conditions fixées par l’ASN pour un nouveau bail de 10 ans, soit jusqu’en 2027, ce qui ne va pas simplifier la décision politique. Dire « c’est un engagement de la campagne, et on sauvera l’emploi » sera trop court, et les écolos doivent ajuster leurs arguments techniques.
Question complémentaire. De nombreuses centrales nucléaires ont été mises en œuvre à cette époque. La régle des 40 ans s’appliquera-t-elle à toutes ?
L’incident d’hier ne pèse rien dans ce débat, mais il va falloir trancher la question de l'avenir de Fessenheim. A voir la frénésie qui a suivi ces « rougeurs aux doigts », je m’interroge sur ce que sera le débat de fond. Mais pas de doute : pour le gouvernement, le plus dur ne sera pas avec les écolos, ni avec les salariés de la centrale, mais avec EDF.