Rendez-nous Jean Ferrat !
Justice au Singulier - philippe.bilger, 16/03/2015
Je me suis réconcilié, par tweets interposés, avec Benjamin Biolay qui avait répondu vivement au fait que j'avais critiqué le CD d'hommage à Jean Ferrat en doutant de la qualité des voix par rapport à celle de ce magnifique chanteur.
Je tiens à rester en paix avec lui parce que j'ai beaucoup apprécié sa capacité à revenir sur un conflit, dont l'importance n'était pas décisive il est vrai, pour aboutir aimablement à un consensus.
Il m'a indiqué qu'il aimait passionnément Jean Ferrat et ses chansons. Moi aussi.
Pourtant, regardant en replay l'émission qui lui a été consacrée par Michel Drucker sur France 2, j'ai été effaré par la catastrophe.
Quand Jean Ferrat chantait, c'était le bonheur, un enchantement.
Mais tous ces artistes qui sincèrement croyaient l'honorer en massacrant ses chansons parce que, tout simplement - et ce n'était pas leur faute - ils n'avaient pas une once de sa splendide voix, cela devenait pathétique, c'était infiniment douloureux pour le téléspectateur.
Le comble, le pire sont survenus avec Michel Drucker qui a lui-même chanté, mêlant son histoire familiale à celle de Jean Ferrat, ses tragédies aux siennes. Cet exhibitionnisme se flattant d'être mis au seul service de la mémoire de Jean Ferrat était extrêmement gênant, impudique et indécent.
Et Michel Drucker nous avait pourtant prévenus qu'il ne savait pas chanter. On l'a constaté. Il n'y a que Cali qui a fait pire.
Cette démagogie se piquant de respecter un homme bien, un chanteur immense, en dénaturant ce qu'il avait offert de plus beau : ses musiques, sa voix, sa diction, le velouté d'une sonorité magique, n'aurait été que lamentable si nous n'avions pas été en révolte devant cet hommage massacré, torturé, à rebours.
Il aurait suffi tout simplement de faire une émission où nous n'aurions eu que Jean Ferrat à écouter, à admirer. Sans doute trop évident pour une télévision qui s'obstine, imitant d'autres comportements pervers ailleurs, à détruire le passé au nom du présent, à noyer la perfection vocale de Jean Ferrat sous de médiocres variations d'aujourd'hui.
Pourquoi permettre à des chanteurs une promotion grâce à Jean Ferrat alors que le rêve aurait été de laisser celui-ci seul en face de nous ?
Ils l'ont gâché.
Ce n'était plus un hommage mais une seconde mort. Jean Ferrat a dû se retourner dans sa tombe.
Rendez-nous Jean Ferrat.