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Les enveloppes de l’UIMM, « c’était en quelque sorte un abonnement »

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 14/10/2013

On leur demanderait de se promener nus dans la rue qu'ils seraient tout aussi ennuyés. Parler d'argent, surtout d'espèces, pour les cadres ou les anciens cadres de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), est manifestement douloureux. … Continuer la lecture

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On leur demanderait de se promener nus dans la rue qu'ils seraient tout aussi ennuyés. Parler d'argent, surtout d'espèces, pour les cadres ou les anciens cadres de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), est manifestement douloureux. Tellement même que cela déteint parfois sur leurs avocats. Ainsi de Me Eric Dezeuze, l'avocat de l'ex-délégué général adjoint de la fédération patronale, Dominique de la Lande de Calan, qui évoque les "modes de fluidification", pour ne pas dire tout simplement "distribution d'enveloppes". 

On ne sait toujours pas qui sont les personnes physiques qui, pendant des années, venaient chercher leur part de la contribution patronale au "dialogue social". Mais lundi 14 octobre, Denis Gautier-Sauvagnac, l'ex-président délégué général de l'UIMM, a tenu à confirmer que "les destinataires de ces fonds étaient bien les syndicats", confirmant explicitement les propos tenus à la barre par l'un de ses prédécesseurs, Arnaud Leenhardt, selon lequel "tous les syndicats représentatifs" étaient concernés par cette distribution d'enveloppes.

"Ces contributions étaient une forme de l'appui que, depuis des décennies, l'UIMM apportait à des organisations de salariés et patronales", a poursuivi Denis Gautier-Sauvagnac, en évoquant la forme "officielle"– achat de journaux syndicaux ou d'espaces publicitaires à prix d'or dans ces titres, location de stands (dans des congrès ou des manifestations syndicales, dont celui de la Fête de l'Humanité, a-t-on appris un peu plus tard) – et celle, "directe, donc discrète", de la remise d'espèces à des "visiteurs du soir". "C'était en quelque sorte un abonnement", dit-il.

— Selon quelle répartition ?, lui demande la présidente.

— J'ai respecté la répartition indiquée par mes prédécesseurs, répond Denis Gautier-Sauvagnac.

Il confie, un ton plus bas :

— J'ai eu un correspondant qui m'a dit un jour : "Vous êtes plus radin que votre prédécesseur !"

Dominique de Calan ne se montre pas plus précis sur les noms des bénéficiaires. Au tribunal qui l'interroge sur les raisons de cette discrétion, il répond : "Si cela s'était su, je pense que certains auraient perdu leur emploi et leur mandat [syndical]."

Plus discrète encore est Dominique Renaud. Seule femme assise parmi les prévenus, elle a exercé pendant plus de trente ans les fonctions de comptable à l'UIMM. Et pendant plus de trente ans, elle est allée chercher chaque semaine des espèces – de 30 000 à 200 000 euros – à la banque, les glissant toujours dans le même sac à main avant de les remettre dans le coffre de la fédération patronale. Puis, avec la même constance, elle détruisait ensuite les pièces comptables qui témoignaient de ces retraits en espèces.

— Je n'ai jamais posé de questions. Je n'ai jamais été informée de la destination des espèces, dit-elle, tout en reconnaissant avoir entendu parler des "bonnes œuvres" ou des "relations sociales" de l'UIMM.

Lorsque l'affaire de l'UIMM a éclaté, Dominique Renaud a aussitôt passé au broyeur, de sa propre initiative, dit-elle, tout ce qui pouvait intéresser les enquêteurs.

- Dans ma famille, on n'était même pas au courant. Je n'allais pas en parler avec des gens que je ne connaissais pas. 

La présidente Agnès Quantin s'exclame:

- Mais "ces gens", madame, c'était la police !


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