François Hollande touché mais pas coulé !
Justice au singulier - philippe.bilger, 9/10/2014
C'est en lisant la belle enquête sur "un couple au pouvoir" consacré aux Jouyet, à ces amis indéfectibles auprès desquels François Hollande a toujours trouvé soutien, affection et chaleur humaine - sauf durant un malentendu et une parenthèse politiques mal vécus par les deux hommes - que j'ai eu envie, par contraste, de m'attacher à ce président solitaire incroyablement détesté par quelques-uns qui, dans diverses circonstances, ont craché sur lui après qu'ils aient dû le quitter.
Je n'évoque pas les antagonismes et les controverses de fond qui par exemple ont conduit un Arnaud Montebourg, sous l'effet d'un narcissisme peu clairvoyant, et une Aurélie Filippetti solidaire à dénigrer le président de la République.
Je songe plutôt à ces graves offenses, causées en toute impunité, à la réputation de François Hollande, qu'il s'agisse de l'homme privé ou du personnage public. Il n'est pas le premier président qui fait l'objet de livres, essais et analyses, de la part d'anciens ministres, de collaborateurs. Il s'agit d'une tradition qu'on peut comprendre dès lors qu'elle n'a pour but que d'éclairer le citoyen en révélant histoires et anecdotes sur un ton grave ou léger.
François Hollande, par les affronts qu'il a subis et qu'il subira sans doute encore, sort totalement de l'ordinaire.
Faut-il revenir sur la charge vulgaire et odieuse de Valérie Trierweiler qui dans son panier de douleur et de complaisance a caché une grenade explosive contre lui avec un acharnement et une volonté de destruction incomparables ?
Aquilino Morelle a traité "d'enfoiré" celui qu'il a servi et s'apprête à publier un livre qui fera mal au président. Delphine Batho, qui n'a jamais admis d'avoir été contrainte de s'effacer comme la ministre de l'Ecologie qu'elle était, va faire paraître dans les prochains jours un brûlot qui accablera encore davantage le responsable politique et dessinera de sa personnalité, on s'en doute, une image peu flatteuse. Cécile Duflot avait pris les devants et le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'avait pas ménagé le président en se livrant notamment à une analyse psychologique et intellectuelle qui ne le grandissait pas.
On est loin des attitudes qui cherchent à rendre compte de mois, d'années de service dans un univers d'Etat, sans abîmer forcément celui qui vous a permis d'y être, d'en être. Pourquoi cette hostilité indécente, ces regards acrimonieux, cette haine parfois à l'encontre d'un président qui, une fois quitté, suscite le ressentiment, l'incompréhension, l'outrance ?
Le fait qu'ils aient dû, contraints et forcés, se séparer de leur charge ou de leur amour n'explique pas pourquoi le ton dont ils usent est si violent. Il ne s'agit même pas de la libération d'une parole qui auparavant aurait été empêchée. Je perçois plutôt ce déchaînement comme l'expression d'un mépris à ciel, à livre ouvert, d'une rage ostensible à l'encontre de quelqu'un auquel ils estiment ne rien devoir. C'est cela le paradoxe : même pas un peu de gratitude pour ce qu'ils ont pu vivre grâce à lui mais juste le sentiment qu'il leur devait tout, lui, et que son comportement a été indigne. La République renversée en quelque sorte !
On est presque tenté, dans cette débâcle, d'admirer un Thomas Thévenoud qui, avec son épouse, s'est au moins tu et n'a pas cherché à masquer leur singulière pathologie sous des torrents de boue destinés au président.
Je suis obligé de relever que, par comparaison, la plupart des ouvrages ayant pris la présidence de Nicolas Sarkozy pour sujet ont généralement sauvegardé la réputation de ce dernier. Même le livre rapide et opportuniste de Roselyne Bachelot, peut-être moins, demain, celui de Georges-Marc Benamou.
Pourquoi François Hollande est-il ainsi traité, de manière honteuse, quand Nicolas Sarkozy demeure protégé par une sorte de barrière et une inconditionnalité qui jamais ne tombe totalement en déconfiture ? Je crois que profondément le premier fait moins peur que le second et qu'on prête à Sarkozy un pouvoir de nuisance et un avenir susceptible encore de bousculer des plans.
François Hollande, par ceux qui le criblent de flèches, apparaît comme une sorte de médiocre, de Saint Sébastien même pas pitoyable. Ses blessures, il les mérite, on les lui doit. On ne lui pardonne pas, pour l'essentiel, d'avoir malgré sa faiblesse prétendue, gagné le rapport de force. Les départs qu'il a imposés ne devront jamais être, pour lui, des victoires.
Plus forts dehors que dedans, ils lui en feront voir, baver. Il regrettera.
Pourtant, non.
François Hollande est touché mais pas encore coulé !