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Cayenne, pas le bagne !

Justice au singulier - philippe.bilger, 28/01/2014

Je bénis le bonheur d'avoir découvert Cayenne et rencontré Me Emile Tshefu et ses confrères. J'aurais bien aimé requérir devant la présidente Delpech.

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Il n'y a pas eu de miracle à la cour d'assises de la Guyane, à Cayenne. L'accusé Daniel Paresseux a été condamné à la peine de 15 ans de réclusion criminelle pour des viols et des agressions sexuelles, l'avocat général Roger Arata ayant requis 17 années.

Pour ces crimes et ces délits commis notamment courant 2004 mais connus seulement et dénoncés en 2006, il avait déjà été sanctionné, en premier ressort, en 2010, par une peine identique puis, en appel en 2011, à 17 années de réclusion mais l'arrêt avait été cassé.

Un nouveau pourvoi en cassation a été formé et, s'il était admis, je suppute, sans trop de risque, que l'issue ne serait pas plus favorable à Paresseux que lors des instances précédentes.

Ce qui m'importe est moins de me pencher sur ces aléas judiciaires, à mon sens prévisibles, que de parler de Cayenne, de la juridiction d'assises, des magistrats et des avocats que j'ai pu rencontrer et parfois entendre lors des débats du mardi 21 au vendredi 24, le procès s'étant terminé tard dans la nuit du 27 au 28.

On m'a affirmé que venir et découvrir Cayenne suscitait une réaction contradictoire. On était pris sous le charme ou on détestait. Pour ma part, c'est l'enchantement, la chaleur, l'empathie qui m'ont saisi dans cette ville multiple, composite mais harmonieuse, travailleuse et aimable, faite de France avec le parfum et le souffle des Caraïbes. Il est vrai que j'y étais allé, convié par un trio d'avocats de grande valeur, sous l'égide d'un humaniste très intelligent, passionné et lyrique, Me Emile Tshefu.

Dans mon rôle de consultant judiciaire, une liberté totale m'a été laissée de sorte que j'ai pu me camper à la fois comme observateur très intéressé et, je l'espère, lucide et comme conseiller technique d'une défense enthousiaste, pugnace, parfois maladroite à force d'élans et d'excès, mais solidaire avec trois tempéraments contrastés mais en définitive, dans le débat, complémentaires.

Les audiences commençaient à 8 heures et se terminaient tard le soir. Du rythme, de la tension, de l'attention, de l'écoute, des jurés accordés, à l'exception d'une ou deux femmes jurées supplémentaires, à la gravité de l'affaire et à ses conséquences probablement dramatiques.

Trois avocates pour les parties civiles. J'ai été particulièrement impressionné par la qualité et la densité du questionnement formulé par Me Rose-Lyne Robeiri.

Une cour d'assises est "condamnée" à la médiocrité si le président n'est pas plus que bon : remarquable et si les parties ne sont pas dans l'excellence. Pour celles-ci, elles ont été à la hauteur de l'enjeu.

J'ai été, non pas avec étonnement - pourquoi Cayenne ne serait-il pas au même niveau sur le plan judiciaire, voire meilleur que Paris ? - mais avec estime, voire admiration conquis par la manière de présider du Conseiller Brigitte Delpech. Du grand art. Urbanité, maîtrise constante de soi, élocution parfaite, langage châtié, connaissance irréprochable du dossier, objectivité autant qu'elle est possible.

Pour ne pas tomber dans l'hagiographie, je lui ferais cependant deux reproches.

D'une part, son exemplaire appréhension du dossier l'a conduite parfois, à mon sens, à des questionnements trop longs débordant l'essentiel qui faisaient apparaître comme insupportables, à leur suite, les interrogations multiples mais légitimes des défenseurs, d'autant plus que la présidente n'hésitait à revenir dans le cours de ce qui pourtant avait été dévolu aux parties. Mêlant à tout moment sa démarche à celle des autres, elle amplifiait démesurément la sienne et altérait l'efficacité possible de l'autre.

D'autre part, je regrette qu'ayant un arbitrage à faire entre le lundi mais avec une défense réduite à deux avocats et le samedi avec les trois avocats présents, elle se soit laissée imposer par les jurés la date du 27 parce que, selon elle, épuisés ils ne voulaient pas terminer les débats et délibérer le 25. Il ne faut pas exagérer. Ce n'est pas au jury d'imposer sa loi surtout quand à l'évidence Cayenne et sa cour d'assises n'ont pas été le bagne.

Mais ces griefs sont de ceux qu'on peut, qu'on doit adresser à une présidence exceptionnelle de qualité.

Je bénis le bonheur d'avoir découvert Cayenne et rencontré Me Emile Tshefu et ses confrères.

J'aurais bien aimé requérir devant la présidente Delpech.


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