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Si j'étais l'Etat...

Justice au singulier - philippe.bilger, 25/12/2012

Si j'étais l'Etat, j'aurais honte.

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A Noël, le coeur a quartier libre.

Le DAL interpelle Cécile Duflot au sujet du manque de logements et de sa politique. Ministre, aujourd'hui il ne suffit plus d'annoncer des réquisitions, même de manière provocatrice, pour être quitte. Il ne suffit même pas qu'on ait commencé à faire l'inventaire des immeubles et des espaces inoccupés. Il faut que cela aille vite, aussi vite que l'urgence, la pauvreté et le délaissement le justifient (nouvelobs.com).

L'Etat n'a aucune excuse s'il traîne, s'il mène, avec sa machine lourde, un train peu en rapport avec la crise. Sa majesté ne lui tient plus lieu d'alibi.

Efficace ou non ?, c'est la seule question cruciale que la société lui pose. Sans égard, brutalement.

On a vu comment l'indigne de la prison des Baumettes a été dénoncé certes d'abord par le contrôleur général Delarue. Mais le constat alarmiste de ce dernier n'aurait pas eu cet écho si l'OIP ne l'avait pas appuyé et si la force, l'arme du droit, avec la décision du tribunal administratif de Marseille, n'avaient pas mis le ministre de la Justice, l'Etat au pied de l'indécence, face à l'incurie. Les siennes. Avec des obligations à respecter strictement et dans les plus brefs délais.

Faute d'avoir agi, l'Etat maintenant est mis en demeure d'agir.

Dans la France pénitentiaire dont il a la charge et assure l'administration, trop de lieux d'enfermement sont encore sordides sur le plan matériel et, par conséquent, imposent à l'humanité qui y vit - surveillants et détenus - des conditions scandaleuses.

Puisque l'Etat fait semblant de ne pas voir ou se défausse en affirmant qu'il a des missions prioritaires et que l'investissement pénitentiaire n'en fait pas partie, il lui est rappelé sans ménagement qu'il se moque des citoyens, non seulement ceux concernés par ces univers clos, mais l'ensemble de la communauté nationale qui, confrontée directement à cet inadmissible état des lieux, ne tolérerait plus le moindre atermoiement.

L'Etat ne peut plus se laver les mains de sa propre négligence, de son navrant désintérêt. Il n'est plus présumé innocent, protégé par les prétextes lassants qu'il ne cesse, depuis qu'il existe, d'invoquer pour s'exonérer de son impuissance. Il est nu. Il a des comptes à rendre.

Après les Baumettes, c'est au tour de la prison de Colmar de venir au premier plan de l'actualité. Un avocat, Me Fabrice Arakélian, qui a déjà mené un double combat victorieux au nom de l'Etat de droit contre des modalités d'incarcération misérables et choquantes, va utiliser le précédent de Marseille pour qu'un tribunal administratif aille dans la même direction et prescrive les mêmes injonctions (20 minutes, France Info).

Si l'Etat est paresseux, si rien ne le mobilise, même pas la manifestation ostensible de sa nullité, on va le prendre à la gorge, on va agir à sa place. On va lui mettre l'épée du droit dans les reins.

Les Baumettes puis Colmar.

Où, après ?

Si j'étais l'Etat, j'aurais honte.


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