Prise d’acte de rupture, réforme de la procédure devant le Conseil de prud’hommes
Planète Juridique - admin, 24/07/2014
Jusqu’alors, un salarié qui décidait de prendre acte de la rupture de son contrat de travail en raison de reproches faits à son employeur devait suivre, s’il saisissait le conseil de prud’hommes, la procédure de droit commun:
- convocation devant le bureau de conciliation
- renvoi devant le bureau de jugement en cas d’échec de la tentative de conciliation.
Par une Loi n°2014-743 du 1er juillet 2014 qui modifie l’article L1451-1 du code du travail, le législateur a simplifié la procédure en supprimant l’étape de la conciliation.
Par ailleurs et c’est là que se situe l’intérêt du texte, le Conseil doit statuer dans le mois de sa saisine. Le Conseil devra donc désormais en un mois, convoquer les parties, les entendre et rendre son jugement.
L’objectif de célérité est évident, on peut toutefois s’interroger sur la mise en place pratique de cette mesure.
D’une part, il est permis de penser que les juridictions n’arriveront pas à tenir ce nouveau délai.
Actuellement, l’audiencement d’une affaire au fond (donc après bureau de conciliation) se fait le plus souvent à plusieurs mois, parfois au-delà de 12 mois sur les juridictions les plus encombrées. Pourquoi et surtout comment sera-t-il possible d’aller plus vite sauf à créer des postes de greffiers et à disposer de Conseillers supplémentaires ?
D’autre part, la pratique démontre que la plupart des conseils de prud’hommes fixe leur délibéré à deux ou trois mois après l’audience de jugement toujours en raison de leur charge de travail et parce qu’il faut quand même bien analyser à tête reposée les pièces et arguments fournis par les parties.
Rares sont les juridictions qui statuent immédiatement après l’audience, « sur le siège ».
Va-t-on voir se développer cette pratique que pour ma part je réprouve car elle ne me semble pas adaptée à cette matière.
Peut-on en effet attendre d’un conseil de prud’hommes qu’il rende aussitôt l’audience terminée 8/10 jugements correctement motivés alors qu’il lui faut digérer des pages d’écritures et les pièces qui viennent à leur soutien alors qu’il vient d’écouter des heures de plaidoirie ?
Par ailleurs, le texte ne traite pas d’une question importante: La mise en état du dossier par les parties.
Actuellement, le temps qui s’écoule entre l’audience de conciliation et l’audience de jugement est suffisant (trop même parfois) pour l’échange des pièces et des conclusions. Cela n’empêche pas les demandes de renvoi pour des conclusions tardives mais le texte nouveau va considérablement modifier les habitudes et créer une contrainte importante pour les avocats et les Conseillers.
Pour tenir ce délai d’un mois et que les conditions d’un procès équitable soient réunies notamment quant au respect du principe du contradictoire, rien n’est prévu.
Un mois pour être prêt lorsqu’on est défendeur à une telle action, c’est très court. Le demandeur lui sera forcément prêt puisque c’est lui qui a saisi le Conseil.
Mais que se passera-t-il lorsque le salarié tardera à communiquer ses pièces et ses conclusions ? Que se passera-t-il lorsque l’employeur tardera à saisir son conseil du dossier et que ce conseil sera donc contraint de travailler dans l’urgence au risque de devoir transmettre ses conclusions et pièces au dernier moment à son contradicteur ?
Il y a fort à parier que ces dossiers donneront lieu à des renvois, rendant impossible le respect d’un mois et mettant à néant l’objectif poursuivi, celui d’une décision rapide.
Cela est d’autant plus vrai que le texte ne prévoit pas les conséquences du non-respect du délai d’un mois.
Il s’agit donc d’une contrainte non contraignante et même si on doit penser que les juridictions feront ce qui est du domaine du possible pour respecter le texte, sa mise en œuvre risque de se heurter aux réalités matérielles.
Mais peut-être notre gouvernement va t’il annoncer un vaste plan pour renforcer les moyens de la justice prud’homale. A suivre …