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L'été chaud de Manuel Valls

Justice au singulier - philippe.bilger, 17/08/2012

La démocratie doit savoir se défendre sans se renier. Elle a des armes et elle a des principes. Manuel Valls semble conscient de cette synthèse exemplaire à réaliser.

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Que notre ministre de l'Intérieur soit sur tous les fronts et qu'en plein coeur de l'été il agisse, réplique, mette en garde, prévoie et rassure n'a rien de vraiment nouveau. On a connu peu de ministres de l'Intérieur de droite ou de gauche dont les vacances n'aient pas été troublées. Ce qui mérite d'emblée d'être souligné est le parcours de Manuel Valls (MV), qui continue d'être irréprochable.
Il convient d'autant plus de le saluer qu'on sent devant les épreuves de cet été, les violences et incendies à Amiens-Nord, les expulsions et les polémiques concernant les Roms, comme une voluptueuse et sadique satisfaction d'une partie de l'opposition face à cette réalité éprouvante pour le pouvoir et tout particulièrement pour MV. Qui pourtant pouvait penser que comme par magie la France cesserait de sécréter ici ou là le pire et que les tensions sociales se mettraient au repos pour complaire au socialisme ? L'étonnant n'est donc pas ce qui est advenu et adviendra inévitablement. L'essentiel porte et portera sur la manière dont les exigences de sécurité et de responsabilité seront incarnées dans l'affrontement continu et inéluctable avec les désordres et les transgressions, surtout dans leur forme collective la plus redoutable qui soit et la plus malaisée à maîtriser.
Rien à ce titre ne me paraît plus bêtement partisan que le propos de Jean-François Copé déplorant le laxisme de la gauche durant ces trois mois alors que précisément, s'il convient de déplorer une chose, c'est l'obligation pour la conduite gouvernementale de ne se préoccuper quasiment que de la sûreté publique, celle des biens et des personnes. Le reproche de laxisme est d'autant plus absurde que la fermeté et la rigueur sont devenues au contraire un discours et une pratique inévitables. Eric Ciotti venant par ailleurs s'inquiéter d'une possible discordance entre le garde des Sceaux et MV n'est pas davantage convaincant puisque chacun dans son rôle s'en tient à la mission qui lui a été dévolue pour y répondre dans l'urgence ou non.
Sauf à s'obstiner dans un jugement infiniment partial - pour défendre un bilan contestable, pour accabler une politique de fraîche date -, je vois mal ce qui pourrait en l'état être blâmé dans les actions, réactions, commentaires et propositions de MV.
Quand après les émeutes à Amiens, le ministre affirme que "rien ne peut excuser qu'on tire sur des forces de l'ordre et qu'on brûle des équipements publics" (Le Monde), qui oserait soutenir, dans la nuance ou la provocation, l'engagement contraire ? Ce ne sera pas lettre morte puisque, loin d'être ce Matamore de la sécurité qu'a été notre ancien président, MV n'a jamais occulté l'extrême difficulté de sa tâche et, n'affichant pas des promesses démagogiques et impossibles à tenir, n'est pas aux antipodes d'une amélioration quotidienne, empirique, persévérante, à la fois de prévention et de répression, de ces lieux prioritaires au regard de la tranquillité publique et de l'instauration ou restauration d'un lien social.
Pour les Roms non plus, on ne saurait, au prétexte que la France, la Bulgarie et la Roumanie n'ont pas encore trouvé un terrain d'entente, discuter la pertinence de tout ce que MV cherche à accomplir et qui évidemment sur un certain plan ressemble à ce que le pouvoir d'avant mettait en oeuvre et qui était pourfendu par les socialistes naïfs dont le ministre ne faisait pas partie. Que MV s'efforce d'ajouter à la rigueur à l'encontre des Roms une réflexion, des concertations, une structure interministérielle ne paraît pas constituer une démarche dont il faille se moquer (Le Figaro). Qu'on suppute l'échec de ces initiatives, pourquoi pas, et ce pessimisme lucide peut se comprendre. Mais au nom de quoi passer son temps à des débats théologiques pour démontrer à toute force que hier et aujourd'hui, Sarkozy, Guéant, Hollande et Valls, c'est la même chose alors que la bonne foi proclame que non ?
La différence fondamentale entre ces deux mondes et ces deux registres tient au fait constatable qu'à certaines périodes, la sécurité et ses contraintes sont devenues la seule politique de la droite sarkozyste quand elles n'occuperont jamais tout l'espace démocratique avec la gauche de gouvernement. C'est la certitude pour l'avenir d'un humanisme républicain - à la fois ferme et respectable - qui sera sans doute techniquement discuté mais qui ne fera honte à personne. La démocratie doit savoir se défendre sans se renier. Elle a des armes et elle a des principes. MV me semble conscient de cette synthèse exemplaire à réaliser.
Pourquoi n'ai-je pas la même impression quand j'écoute et lis notre garde des Sceaux ?


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