Syrie : Armer les criminels ? Hollande risque la prison
Actualités du droit - Gilles Devers, 6/09/2013
Si vous n’avez jamais vu ce qu’est un crime de guerre, regardez. Si vous redoutez la scène du crime, ne regardez pas, car c’est la violence totale. Cette vidéo est incontestable : filmée en avril 2012, et publiée hier par le New York Times, elle a été transmise par un candidat djihadiste à qui elle était présentée comme gage de détermination des groupes combattant l’armée syrienne.
Une exécution sommaire de prisonniers, qui ont été torturés
On voit, au premier rang, sept soldats de l’armée nationale syrienne. Ils sont alignés, le torse nu, le visage plaqué au sol. Sur leur dos, les traces des coups : des tortures.
Au second rang, les combattants de la démocratie, du groupe Jund al-Cham. Ils sont sept, postés derrière les soldats qui s’apprêtent à mourir, et sur le côté droit, le chef, Abdul Samad Issa.
C’est lui qui livre l’arrêt de mort : « Nous le jurons devant Dieu, nous nous en faisons la promesse, nous nous vengerons. Votre sang coulera deux fois plus que le nôtre ».
Les balles retentissent, et on voit ensuite les corps des soldats, jetés dans une fosse.
Livrer des armes aux rebelles
Voici une dépêche de l’AFP du 15 mars 2013.
« À la veille des deux ans de la révolte contre Bachar el-Assad en Syrie, la France est prête à "prendre ses responsabilités" et n'exclut pas de livrer des armes à l'opposition syrienne, si elle ne parvient pas à convaincre ses partenaires européens, a affirmé jeudi François Hollande : "Nous avons comme objectif de convaincre nos partenaires à la fin du mois de mai, et si possible avant. Nous allons employer notre sens de la diplomatie. Si d'aventure, il devait y avoir un blocage d'un ou deux pays, alors la France, elle, prendrait ses responsabilités", a déclaré le chef de l'État, au cours d'une conférence de presse à l'issue de la première journée du sommet européen à Bruxelles ».
Si d’aventure…
La III° Convention de Genève
Le respect des prisonniers de guerre est une règle coutumière du droit international humanitaire, reprise par la III° convention de Genève, aux articles 13 et 14.
Article 13
« Les prisonniers de guerre doivent être traités en tout temps avec humanité. Tout acte ou omission illicite de la part de la Puissance détentrice entraînant la mort ou mettant gravement en danger la santé d'un prisonnier de guerre en son pouvoir est interdit et sera considéré comme une grave infraction à la présente Convention. En particulier, aucun prisonnier de guerre ne pourra être soumis à une mutilation physique ou à une expérience médicale ou scientifique de quelque nature qu'elle soit qui ne serait pas justifiée par le traitement médical du prisonnier intéressé et qui ne serait pas dans son intérêt.
« Les prisonniers de guerre doivent de même être protégés en tout temps, notamment contre tout acte de violence ou d'intimidation, contre les insultes et la curiosité publique.
« Les mesures de représailles à leur égard sont interdites ».
Article 14
« Les prisonniers de guerre ont droit en toutes circonstances au respect de leur personne et de leur honneur.
« Les femmes doivent être traitées avec tous les égards dus à leur sexe et bénéficier en tous cas d'un traitement aussi favorable que celui qui est accordé aux hommes.
« Les prisonniers de guerre conservent leur pleine capacité civile telle qu'elle existait au moment où ils ont été faits prisonniers. La Puissance détentrice ne pourra en limiter l'exercice soit sur son territoire, soit en dehors, que dans la mesure où la captivité l'exige ».
Le statut de la Cour Pénale Internationale
La Cour Pénale internationale sanctionne évidemment de tels faits.
Si, vu le nombre de combattants enrôlés et financés par l’étranger, on considère le conflit comme international, jouent quatre textes
« 2a i) L’homicide intentionnel ;
« 2a vi) Le fait de tuer ou de blesser un combattant qui, ayant déposé les armes ou n'ayant plus de moyens de se défendre, s'est rendu à discrétion ;
« 2a vi) Le fait de priver intentionnellement un prisonnier de guerre […] de son droit d'être jugé régulièrement et impartialement ;
« 2a xxi) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants. »
Si considère qu’il s’agit d’un conflit armé interne, peuvent s'appliquer trois textes :
« 2c i) Les atteintes à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels et la torture ;
« 2c ii) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants ;
« 2c iv) Les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires généralement reconnues comme indispensables.
Responsable… et coupable
Si l’on trouve des armes françaises entre les mains de ces criminels, une plainte pour complicité de crime de guerre sera déposée contre celui qui a décidé de ces livraisons d’armes, « prenant ses responsabilités », devant la Cour Pénale Internationale, car la France a ratifié le Traité, texte qui ne connaît pas les immunités des chefs d’Etat.
La prison de Scheveningen (La Haye) et une cellule du quartier pénitentiaire de la CPI