Centrafrique : Quels moyens ? Quelle méthode ? Quels objectifs ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 11/12/2013
La décision la plus lourde pour un chef d’Etat est d’engager l’armée, et alors que nos soldats sont à pied d’œuvre à Bangui, risquant leur vie lors de chaque patrouille, comme viennent de le montrer dramatiquement les derniers évènements, nous ne pouvons que rester prudents et positifs, vu notre méconnaissance du terrain centrafricain – qui ne se limite pas à Bangui, et notre difficulté à disposer d'informations crédibles.
Le leitmotiv 1, est qu’il était impossible de ne rien faire, alors que des massacres étaient en cours. Certes.
Le leitmotiv 2 est que la France a des responsabilités particulières en Centrafrique. Certes, du fait de son passé colonial, des truanderies d’Etat de l’époque Foccart, et de tout le délire qui a suivi, avec en figure de proue Giscard adoubant Bokassa comme empereur… Consternant…
Le cadre légal de l’intervention est hors de critique, mais l’opportunité, et les modalités retenues, posent des questions plus que sérieuses. La gourmandise militaire de Hollande, qui recule devant tous les sujets de politique intérieure et européenne, mais qui se la joue guerrier en chef au Mali, en Syrie, et maintenant en Centrafrique, n’est pas convaincante, pour le moins…
Première question : les effectifs
Alors que la situation est dramatique, comment se fait-il que la France, qui réunissait la semaine dernière à Paris 40 chefs d’Etats africains, et qui bénéficie de l’appui de l’ONU, n’a pu avoir aucun soutient consistant, ni en Afrique, ni en Europe ? 5 millions d’habitants, dont un million à Bangui, 600 000 km 2, et 1.600 hommes ? Impossible en frappant à toutes les portes de ces chefs d’Etats africains qui se précipitent à Paris d’obtenir plus de 2 500 soldats pour la force africaine en Centrafrique (Misca) ?
Deuxième question : on désarme et on pacifie ensuite ?
Ce chiffre parait dérisoire, alors que les soldats ne peuvent compter sur aucune structure étatique,… et auront le plus grand mal à identifier les combattants à neutraliser et les populations à protéger, alors que la société est vermoulue par les divisions. On désarme, oki, mais comment éviter des exactions en retour, si on n’a pas d’abord pacifié ? Et comment faire avec 1 600 hommes, et une Afrique qui s’en désintéresse ? Qui fait le travail politique ?
Troisième question : le chef de l’Etat, Michel Djotodia
Le mandat donné par l’ONU prévoit le renforcement des structures en place, soit protéger les civils, rétablir l'ordre et la sécurité et stabiliser le pays. C’est clair.
Or, que dit Hollande samedi soir : « On ne peut pas laisser en place un président qui n'a rien pu faire, voire même a laissé faire. Nous en avons parlé avec des Africains qui se mobilisent, avec le Premier ministre (Nicolas Tiangaye) et l'idée a été d'aller le plus vite possible vers une élection pour qu'il y ait une autorité légitime ».
Et qu’avait dit Fabius, vendredi soir : « Il est venu dans des conditions discutables puisqu'il était lui-même l'ex-chef de la Séléka (l'ex-rébellion ndlr). Et puis il a dissout la Séléka qui n'est pas vraiment dissoute. Donc c'est une complexité extraordinaire. Si aujourd'hui, aux difficultés – c'est un mot mineur – qui existent en Centrafrique on surajoutait le fait que le président ne serait plus là... On n'a pas besoin de difficultés supplémentaires ».
Alors, l’objectif est-il oui ou non de dégager Michel Djotodia ? Réponse ?
Quatrième question : Combien de temps ?
Pour Hollande, les soldats français resteront dans le pays « autant que nécessaire pour cette mission », alors que Fabius parle d'un objectif de « six mois ».
Alors ? Qui commande ?
Oui, bonne chance à nos soldats…