Policiers violeurs de Nice : Un verdict incohérent
Actualités du droit - Gilles Devers, 1/12/2012
Prison avec sursis pour des viols aggravés commis par des policiers en service sur une jeune femme... Incompréhensible ! Euh, autant pour moi : j’avais oublié de dire que cette jeune femme était une prostituée. L’indignation à géométrie variable…
Nice, 2 h 50 du matin, le 24 février 2010. Une prostituée appelle la police depuis la Promenade des Anglais. Arrivés sur place, les policiers découvrent une femme de 27 ans, effondrée, et en larmes. Elle affirme avoir été contrôlée par une équipe de gardiens de la paix en patrouille, au motif qu’elle consommait de l’alcool. Les quatre policiers la font monter dans le fourgon, et lui imposent des actes sexuels : fellation et pénétration. L’un deux, le plus jeune, se casse, mais n’appelle pas la hiérarchie.
Les flics sont vite retrouvés, et nient toute relation sexuelle. La femme insiste, donne maints détails et reconnait ses agresseurs. Les examens médicaux ont ordonnés et soudain les flics retrouvent la mémoire. Effectivement, ils ont bien eu des relations sexuelles, mais, vous vous en doutez : elles étaient consenties.
Sur le plan professionnel, la faute disciplinaire est acquise, mais elle n’est pas de la même gravité selon qu’il y ait eu ou non contrainte.
Sur le plan pénal, on retrouve le débat de Manhattan… et de 90% des agressions sexuelles : je croyais qu'elle était consentante... Dans l’affaire de Nice, il n’y a pas eu de violences, mais le viol est aussi constitué si les relations sont imposées par la contrainte. C’était le débat.
L’affaire a été jugée aux assises de Nice, où le verdict avait été un acquittement, puis en appel à Lyon, cette semaine, et le verdit a été la culpabilité pour viol aggravé des trois policiers, avec des peines de trois à cinq ans de prison avec sursis.
Si le procès vous intéresse, vous trouverez dans la presse de nombreux compte rendus. La thèse de la jeune femme est celle de la contrainte imposée par ces trois policiers, dans le fourgon. Celle des accusés est que la jeune femme les a provoqués, jusqu’à ce que la faiblesse humaine leur fasse oublier leur devoir de fonctionnaires de police. Les deux procès se sont tenus sur plusieurs jours, les faits étant complexes. Je ne peux ici entrer dans ce débat, car les comptes rendus sont trop partiels.
Je n’ai pas à mettre en doute les faits, car les trois policiers ont été condamnés pour viol aggravés.
Mais je peux dire que le verdict incohérent, et laisse à nouveau apparaitre la faible considération pour les prostituées.
A Nice, le maximum requis avait été de 10 ans, et à Lyon de 8. Des réquisitions conforme à la gravité des faits : des viols en réunion, par des policiers dans le véhicule de service, c’est très grave.
Aussi, les peines prononcées – de cinq à trois avec sursis – ne correspondent à rien. S’il n’y a pas eu de contrainte, c’est un acquittement. S’il y a eu contrainte, ce sont des faits d’une extrême gravité. Il est difficile de concevoir du sursis simple sur de tels faits, alors que la peine encourue est de 20 ans. On peut retrouver le sursis pour des agressions sexuelles sans pénétration, si l’agresseur a fait preuve d’un repentir sincère et s’en engager dans une démarche de soin.
Ici, il n’y avait rien de cela.
On retrouve donc cette donnée bien pénible du manque de considération pour les prostituées, dont les agressions sont minimisées. C’est plus que déplorable. De l'arriération mentale.