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La parole des enfants victimes et le droit à un procès équitable (571)

Planète Juridique - admin, 15/06/2014

D’évidence l’affaire d’Outreau n’en finit pas de produire des effets. Positifs ou négatifs, chacun appréciera. (1) Pour beaucoup les droits de la défense auraient été sacrifiés sur l’autel des prétendues victimes. Notre droit aurait basculé en leur faveur. Le fiasco … Continuer la lecture

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avocats006_17_1D’évidence l’affaire d’Outreau n’en finit pas de produire des effets. Positifs ou négatifs, chacun appréciera. (1)

Pour beaucoup les droits de la défense auraient été sacrifiés sur l’autel des prétendues victimes. Notre droit aurait basculé en leur faveur.

Le fiasco d’Outreau trouve sa source dans l’incompétence de certains  professionnels, policiers comme magistrats, qui n’ont pas respecté les termes de la loi du 17 juin 1998 dit loi Guigou et les protocoles qui en résultaient. Sans parler des carences d’experts, d’avocats ou encore de journalistes. La loi n’était pas en cause. A preuve, quelques mois plus tard, dans l’affaire d’Angers bien plus conséquente, avec des professionnels ayant respecté ces règles, aucun dérapage n’a été relevé et on n’a plus remis en cause la loi.

A Outreau des enfants ont bien été victimes et l’on se devait de leur rendre justice quitte à savoir entendre ce qu’ils disaient réellement alors que visiblement certains pouvaient se  trouver dans un conflit de loyauté à l’égard de leurs parents. Ces enfants ont dit leur vérité - ils ont été victimes -  et nous l’avons mal recueillie et mal interprétée.

Notre droit des victimes ne fait qu’émerger. Il n’a pas encore pris le dessus, y compris pour les enfants.

On en oublierait presque d’où l’on vient, spécialement pour les enfants victimes qui, en vérité, supportent  handicaps.

Le premier est d’être un enfant et donc tenu pour incapable d’exprimer une vérité même si l’on affirme par ailleurs que la vérité sort de la bouche des enfants.

Le discernement que l’on est prompt à trouver chez l’enfant de 7-8 ans auteur  faits qualifiés d’infractions n’existerait pas chez l’enfant qui entend saisir un juge pour demander justice, appeler à l’aide et surtout pouvoir exercer ses droits. Un enfant de 16-17 ans peut être condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour un assassinat, mais n’est toujours pas jugé apte à saisir un juge pour demander son émancipation (voir mon post 570). L’enfant-victime est tenu plus comme un enfant que comme une victime et voit ses droits devant la justice exercés, sinon confisqués, même après 16 ans, par ses parents ou un représentant ad hoc.

Deuxième handicap : tout simplement être victime.

Notre dispositif avec avant 1789 le souci d'installer l’Etat dans ses fonctions régaliennes a eu pour effet que le parquet représentant de la société s’approprie les faits supportés par la victime. Tout au plus lui demandera-t-on de porter plainte quand, en droit, le parquet peut généralement s’en passer pour enclencher des poursuites. Pour l’honnêteté du raisonnement, on sait que la victime peut passer outre au blocage du parquet en portant plainte avec constitution de partie civile ou en faisant citer devant le tribunal correctionnel . En d’autres termes, la victime peut lever le blocage du parquet. Mais observons qu’il est rarement fait usage de ces dispositions.

Le jour de l’audience elle sera appelée à la barre où elle livrera sa version des faits. Parfois assistée par un avocat – et des barreaux comme Bobigny offrent une permanence « Victimes » - ; le plus souvent seule. On l’interpellera sur son intention de se constituer partie civile. Le plus souvent elle sera déboussolée par la question. Il faudra lui traduire : « Demandez-vous quelque chose ? ». Si elle est seule à la barre le juge sera fréquemment en très grande difficulté pour lui présenter ses droits et les différentes manières de les exercer. La victime se retirera plus ou moins au fond de la salle, l’audience sera essentiellement et tout logiquement consacrée à l’accusé et la victime aura le sentiment de n’intéresser personne sauf quand le parquet ne manquera pas de la saluer et de rappeler ce qu’il lui est advenu le jour des faits.

016Je caricature à peine tout en admettant que les choses ont un peu évolué ces dernières décennies dès lors qu’on a pris la mesure de ce que les plateaux de la balance n’étaient effectivement pas au même niveau. Un rééquilibrage a été engagé sachant qu’il ne faudrait pas basculer dans l’excès inverse en offrant à la victime la maîtrise du procès pénal et de ses suites comme certains ont voulu le faire.

Pour illustrer mon propos je donnerai ce détail : dans ce tribunal relativement récent qu’est Bobigny, deuxième juridiction de France, aucune place n’est a priori réservée aux victimes. Il a fallu rajouter de chaises devant le tribunal pour qu’elles puissent s’installer autrement que dans le public. Tout un symbole.

Troisième handicap : le fait souvent d’être une femme.

Je n’ai pas besoin d’insister pour dire combien la parole des femmes victimes étaient jusqu’à peu prise en compte dans la justice. Il a fallu attendre 1995 pour que la Cour de cassation admette qu’il puisse y avoir un viol entre époux et 2005 pour que la loi la suive.

En d’autres termes, notre droit des victimes est à peine en train d’émerger. La loi dite loi Guigou sur les violences sexuelles faites aux enfants, fruit notamment du travail des 140 associations réunies au sein du COFRADE, date d’à peine du 17 juin 1998.

Ces rappels pour bien affirmer que notre droit n’a pas basculé au point d’être pro-victime et de négliger les droits de la défense comme certaines le craignent.

J’entends et je suis prêt à témoigner que dans certaines affaires il est très, trop facile d’accuser quelqu’un et de ternir son honneur. Je pense notamment aux accusations pour pédophilie développées sur la toile sans que la personne injustement mise en cause dispose des moyens réels de faire cesser l’infraction qui se répète et s’alimente en boucle en permanence et à l’échelle de la planète. Concrètement, le délai pour engager des poursuites démarre à la première mise en ligne comme si publier un texte sur le net équivalait au label écrit au XIX° siècle. Le délai écoulé, impossible d’agir même si chaque jour on est victime de ce délit qui perdure. A en suivre la Cour de cassation il faudrait surveiller internet tous les jours pour se faire rendre justice. Il est donc facile d’accuser quelqu’un et de ternir sa réputation.

Je suis bien placé pour dire que la liberté d’information l’emporte aujourd’hui sur le droit des personnes de ne pas être diffamé. Il est grand temps de revoir notre droit de la diffamation publique via internet dans l’intérêt des victimes.

On pourrait prendre d’autres exemples où un rééquilibrage s’impose au profit des victimes.

Il est donc faux d’affirmer que les plateaux de la balance sont naturellement à niveau entre la victime et la personne qu’elle tient pour son agresseur.

Avec les enfants, comme avec n’importe quelle victime, il faut appliquer les grands principes. Ainsi toute accusation doit être étayée sur des faits et pas seulement sur une accusation ou  aveu.

A l’inverse toute personne, et l’enfant pour reprendre la parole de Françoise Dolto est une personne, a le droit d’être reconnue comme victime et de se voir rendre justice avec les droits qui en découlent : le droit d’être entendu, le droit d’être assistée, le droit à voir son préjudice compensé, le droit à des recours etc. et bien sûr le droit au silence. Au final, comme le mis en cause, elle a droit à une justice équitable.

Quelle que soit la victime ou le mis en cause les magistrats se doivent, après les policiers, d’avoir une approche critique. Un enfant … comme un adulte peut mentir. Et certains ne s’en privent pas

Ils peuvent aussi se tromper. Des policiers, sinon des juges professionnels, peuvent dans l’action commettre des erreurs ; pourquoi les victimes et les enfants ne le feraient pas en toute bonne foi. On connait la fragilité de certains témoignages, on sait aussi que des processus de reconstruction ou de conviction peuvent jouer et déformer inconsciemment la vérité.

Dès lors il revient aux professionnels (policiers, magistrats, experts, avocats, medias) d’être critiques, tant à l’égard de prétendue victime que de celui qui se présente comme innocent des accusations portées contre lui.

C’est ainsi qu’ils garantiront le droit à la défense des mis en cause et le droit à se voir rendre justice des enfants victimes.

JP RosenczveigIls se doivent déjà de respecter les protocoles mis en place, fruits de l’expérience et d’observation. Je fais référence explicitement à ce qui s‘est joué dans le cadre de la procédure MELANIE avec ce travail de grande qualité mené par les gendarmes de La Réunion et par les policiers métropolitains comme la capitaine Carole Mariage et le lieutenant Thierry Terraube du CNFPN de Gif sur Yvette qui ont mis en place une méthodologie et formés quelques centaines de leur collègues à l’écoute des enfants victimes. Ces astuces et petites pratiques mises bout à bout peuvent permettre aux enfants d’exprimer leur vérité dans des conditions satisfaisantes.

L’enregistrement de l’audition des enfants permet d’apprécier comment la parole a été recueillie, mais aussi ce qu’était la jeune victime au moment des faits. Ces enregistrements peuvent aussi éviter à l’audience les tentatives de reconstruction de la réalité objective des faits.

La complexité du sujet tient aussi à ce qu’à travers la recherche de la réalité des faits il faut s’attacher à leur interprétation, souvent en prenant en compte le contexte de leur survenance et aux personnalités en cause. Ainsi le même acte de violence peut avoir différentes significations.

L’enfant est souvent présenté comme séducteur quand, nous le savons tous dans nos vies privées, c’est bien à l’adulte et à lui seul de veiller au respect du principe d’égalité dans la relation : il n’y a pas égalité entre un enfant même consentant et un adulte. Je l’ai souvent dit et écrit pour le répéter aujourd’hui : les enfants ont droit à l’amour, pas à ce qu’on leur fasse.

Des difficultés techniques bien évidemment peuvent se présenter dans le recueil de la parole de l’enfant, notamment dans la demande de confrontation avancée par le mis en cause en s’appuyant sur la CEDH. L’enfant victime ne va pas facilement accepter ou vivre cette perspective quand fréquemment l’agresseur entend user une nouvelle fois de son pouvoir de séduction ou d’intimidation pour discréditer son accusateur ou le faire revenir sur ses accusations.

CouvLivreDaloz - CopieEn d’autres termes cessons avec nos approches binaires : le bien et le mal, le noir et le blanc. Nous disposons d’un droit procédural qui, petit à petit, a eu le souci de faire une place à la victime. Je renverrai ici au livre format de poche « La justice et face aux enfants «   commis chez Dalloz (2)

Ce droit spécifique n’en reste pas moins raccroché à nos grands principes juridiques. Si une preuve de culpabilité n’est pas rapportée la personne mise en cause ne peut pas être condamnée. Elle n’est pas innocente au bénéfice du doute ; elle n’est pas coupable. Point barre !  Que la victime soit un enfant ou non.

Arrêtons de mettre nos lacunes sur le dos des enfants !

En vérité, au regard de la question initiale, soyez rassurés braves gens : notre droit reste fondamentalement favorable aux mis en cause.

Le souci de l’’équité implique d’être conscient du déséquilibre naturel qui s’installe dans le procès et d’en tirer les conséquences dans le respect formel de la loi. Ainsi, à l’audience du tribunal pour enfants, dans les affaires de violences sexuelles, une fois l’interrogatoire de personnalité effectué et l’accusation restituée, j’ai le souci comme président de donner la parole en premier à la victime afin qu’elle restitue avec ses mots à elle et son ressenti ce qui lui est arrivé. Je rappelle en quelques phrases la « découverte » des faits et je lui donne la parole. Je la soutiens en m’appuyant sur la lecture de sa première audition. Généralement, hésitante en entame, petit à petit, elle reprend confiance en elle et ose parler. J’essaie de faire en sorte que mes questions soient le plus ouvertes possibles. Je pars ensuite de ce matériau pour interroger le prévenu et l’amener lui aussi à s’exprimer. Ce faisant je n’ai pas le sentiment de porter atteinte à la présomption d’innocence et aucun avocat ne me l’a jamais soutenu.

avocat_jeuneEn vérité nous disposons encore d’une importante marge de progression pour rééquilibrer notre droit. Quelques pistes de travail s’imposent et les illustrer.

1)  Une meilleure information des enfants sur leurs droits, notamment le droit de porter plainte, s’impose.

On pourra s’étonner de cette proposition. Pourtant elle est issue de l’observation. Trop affirment qu’un enfant ne peut pas porter plainte tout seul, y compris des policiers.

Ainsi j’ai vu récemment une jeune fille être refoulée d’un commissariat quand elle venait porter plainte pour des viols supportés alors à l’âge de 8 ou 9 ans alors qu’elle était confiée dans une famille d’accueil de l’ASE. Elle avait 17 ans et demi au moment ou elle se présentait au commissariat. Les faits étaient donc anciens ; la jeune fille cachait mal ses tentatives de suicide. Ses psychothérapeutes l’avaient convaincue de porter plainte. Las, en présentant au commissariat … on refusait d’enregistrer cette plainte au prétexte que mineure elle n’était pas accompagnée de son père ou de sa mère. Les vraies raisons étaient ailleurs : être une victime femme, faits anciens apparemment improuvables, apparaître comme une jeune fille perturbée, etc.

J’ai lu le procès-verbal où le policier, en toute bonne foi, lui notifiait le refus de recevoir sa plainte du fait de sa minorité quoiqu’elle expliquait l’impossibilité dans laquelle elle se trouvait de présenter avec un parent dès lors que son père la traitait depuis toujours de pute et que sa mère ne le croyait pas. Elle n’avait pas été confiée pour rien à l’ASE !

Cette jeune fille finit par obtenir que cette plainte soit enregistrée après avoir convaincue sa mère de l’accompagner. Objectivement les policiers jouèrent alors le jeu. En ouvrant sa porte le mis en cause n’eut qu’un mot : « Enfin elle a parlé ! Je vais tout vous dire «. Et de raconter les rapports sexuels infligés du fait de la différence d’âge, quitte à minimiser les violences. Elle ne mentait donc pas. Il l’avait bien violée et reviolée chez leur famille d’accueil commune.

Aujourd’hui trop d’enseignants, trop de travailleurs sociaux, trop de citoyens ne savent pas qu’un enfant peut porter plainte, c’est-à-dire porter à la connaissance de la police ou de la justice qu’il pense avoir subi un fait illégitime. Porter plainte est la première étape essentielle pour se faire rendre justice. Le procureur appréciera ensuite s’il faut poursuivre ou pas.

Une information s’impose de la part de la puissance publique pour que ce droit de porter plainte soit mieux connu.

2             Une formation, sinon une spécialisation des différents maillons de la chaine à l’audition des enfants, s’impose.

On ne s’improvise pas dans cette matière même s’il n’est pas plus dur d’auditionner un enfant que d’entendre un criminel chevronné ou le violeur adulte d’une femme âgée ! Chaque audition a ses particularités.

De dispositifs nouveaux peuvent être créés ou aménagés. Ainsi à Bobigny une cellule d’enquête a été récemment mise en place par le parquet avec la police nationale et dédiée aux infractions dont les enfants sont les victimes. Il s’agit d’accélérer les procédures pour permettre aux juges instructeurs, mais aussi aux juges des enfants, de prendre les décisions qui s’imposent dans les dossiers d’assistance éducative en cours ou ouverts en parallèle.

Je reprends aussi à mon compte le souci de faire évoluer le statut des administrateurs ad hoc que nous proposons de nommer « responsables judiciaires de l’enfant ».

3             Une meilleure prise en compte de la chaine pénale vue du coté de la victime en l’informant sur ses différentes étapes.

L’idée était avancée par le Défenseur des enfants en 2005. De la révélation à la police en allant jusqu’au Bureau d’exécution des peines après condamnation, il s’agit de revisiter toute les stations de ce qui peut être, sans excès, qualifié de chemin de croix et d’améliorer inlassablement chaque maillon. Ce travail doit être mené régulièrement tribunal par tribunal. On en est loin.

4             Dans certaines affaires une accélération du cours de la justice s’impose quand la vérité sur les faits est acquise.

Avec quelques amis psychiatres – D. Zagury, R. Coutanceau -  et magistrats comme Daniel Lecrubier, avocat général à Paris nous avançons cette idée que dans les violences sexuelles intrafamiliales où les risques de récidive sont quasiment nuls une fois les faits révélés, les instructions sont bien trop longues. La jeune victime en souffre. Elle veut tourner la page rapidement pour elle et pour sa famille. Or il faut de 4 à 5 ans en moyenne en région parisienne pour obtenir un jugement en première instance. C’est trop, bien trop et injustifié sachant qu’une fois les premiers actes d’instruction menés rien ne se passe vraiment l’actualité d’une affaire chassant l’autre. (3)

On pourrait donc imaginer qu’au bout de 6 mois ou au pire un an le juge d’instruction soit amené à faire le point devant la Chambre de l’instruction de son instruction et solliciter si nécessaire, sur des objectifs précis identifiés, un délai supplémentaire pour boucler son travail.

Ainsi on pourrait obtenir des jugements plus rapides dans l’intérêt de la victime et dans l’intérêt de l’auteur.

5             Quelque soit la décision prise, il faut l’expliquer à la victime.

Je vise spécialement les cas dans lesquels le parquet décide de classer sans suite, le juge d’instruction décide d’un non lieu ou la juridiction d’une relaxe. Il faut expliquer à la victime qu’elle n’est pas tenue pour une menteuse, mais que les règles sont ainsi faites qu’il faut des preuves pour condamner quelqu’un. Or en l’espèce la preuve de la culpabilité n’est pas suffisamment apportée pour entrainer une condamnation. Ces règles exigeantes protègent tous les citoyens.

Nous souhaitions dès 1998 que cette disposition, garantissant le droit de recevoir explications sur la décision prise soit dans la loi. Il n’est jamais trop tard.

6             Enfin, j’ajouterai reprenant l’axe fort du rapport remis à Mme Bertinotti, ministre de la famille, qu’il est temps de mettre au même niveau le statut pénal et le statut civil de l’enfant. L’idéal serait de remettre les jeunes délinquants de moins de 18 ans dans un statut d’enfant revenant ainsi sur les 10 ou 15 dernières années. Je ne crois pas pour le regretter que ce chemin puisse être suivi. Alors qu’au moins le statut civil donne autant de droits que la société n’exige de devoirs des plus jeunes !

En vérité il ne s’agit pas de faire un droit pro-victime ou pro-mis en cause, mais de garantir un équilibre dans les règles du jeu, mais encore dans  leur mise en œuvre. Par exemple, pour prolonger mon propos précédent, en donnant la parole en premier à l’audience à la jeune victime je veux qu’elle quitte la salle convaincue d’avoir pu dire sa vérité. Après le prononcé du jugement j’ai ensuite, comme nombre de Collègues, le souci, devant chacun, condamné ou relaxé, victime, proches, que la décision soit justifiée et expliquée. C’est d’autant plus important pour le juge des enfants qu’il juge des mineurs souvent les frères et sœurs des victimes.

clip_image002_0020.1305739559.jpgQue demande l’enfant ? Qu’est ce que lui rendre justice à ses yeux ? Généralement il ne recherche pas à ce que son agresseur soit incarcéré. Il veut être entendu et tenu pour la victime. Il a besoin d’être rassuré sur le fait qu’il n’a pas commis de faute comme trop ont essayé de le lui faire croire. Il veut surtout être assuré, conscient d’avoir supporté quelque chose d’anormal, que l’agression ne se renouvèlera pas.

La justice se doit au moins, dans la mesure om elle a prise sur la situation, de lui donner ces assurances. Pour autant le procès pénal n’appartient pas à la jeune victime. Cette évidence ne l’est pas pour le commun des mortels et parfois même pour des ministres de la République. Ainsi l’affaire Polanski a mis en évidence que le fait pour la victime de retirer sa plainte ne libère pas le mis en cause de rendre des comptes à la justice, dans l’intérêt de l’ordre public, avec le souci d’éviter d’autres victimes, en l’espèce en montant bien qu’il n’y a pas d’immunité pénale du fait d’être un grand cinéaste. Je rappellerai que Roman Polanski avait admis sa culpabilité quitte à atténuer certains faits et indemnisé la victime mais tentait d’échapper à la peine en jouant la montre avec ses conseils et en s’appuyant sur sa nationalité française et de sa notoriété. (4)

En vérité, la justice des enfants est bien révélatrice des dysfonctionnements de la justice en général. Elle l’éclaire mieux, mais au fond, il n’y a rien d’extraordinairement différent.

En d’autres termes il est difficile de garantir la présomption d’innocence comme il lui est difficile de  prendre en compte les victimes, jeunes et moins jeunes.

C’est le lot commun des magistrats de la République, au nom de la société que de tenter de tenir cet équilibre pour que la justice soit crédible. Admettons que beaucoup reste à faire.

(1)  Texte issu d’une intervention lors de la journée d’étude organisée par l’association Chatin à la Cour de cassation en mai 2014 sur la parole de l’enfant en justice

(2)  Voir « La justice et les enfants », Dalloz, 2013

(3)  Voir post

(4)  Voir posts

 


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