Procès du docteur Hazout: « Pour moi, c’était le bon Dieu »
Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 12/02/2014
La défense du docteur Hazout avait raison de redouter ce mercredi 12 février, qui a vu s'avancer à la barre des témoins l'une des ex-patientes du célèbre gynécologue. Les faits qu'elle dénonce sont anciens et désormais prescrits, mais ils pèseront sans doute dans l'élaboration de l'intime conviction de la cour et des jurés de la cour d'assises de Paris qui devront se déterminer sur la culpabilité du médecin, accusé de viols et d'agressions sexuelles.
Quand Véronique s'est présentée au cabinet du docteur Hazout au milieu des années 1990, elle avait perdu un premier enfant âgé de quelques semaines et les médecins qu'elle avait consultés lui avaient laissé peu d'espoir sur la possibilité d'une nouvelle grossesse. « Va voir le docteur Hazout, c'est un sorcier. Il fait des miracles », lui a conseillé une amie. Le « miracle » a lieu. Quelques semaines à peine après le début du traitement recommandé par André Hazout, Véronique est enceinte.
Le médecin suit avec attention sa grossesse, complimente sa patiente, vient la voir sur son lit d'hôpital. Comme l'ont fait avant elles les plaignantes ou d'autres témoins, elle raconte le glissement du « vous » au « tu » et les familiarités que peu à peu le docteur Hazout s'autorise avec elle. Au début, elle ne s'en offusque pas, vante au contraire auprès de ses proches le côté « chaleureux », « méditerranéen », « sympathique » du praticien, même s'il se montre de plus en plus entreprenant et ne cesse de lui répéter qu'il a envie d'elle. « J'avais une confiance infinie en lui. J'avais vu tous les pontes, qui m'avaient dit : "Faites le deuil, faites le deuil." Et j'allais avoir un bébé. J'étais dans l'euphorie. Pour mes parents, pour mon mari, le docteur Hazout, c'était le bon Dieu ! » , dit-elle.
« Il m'a dit "Maintenant, ça suffit", et m'a entraînée derrière le paravent »
Elle le revoit pour préparer une deuxième grossesse. Un matin où elle a rendez-vous pour une ponction, elle arrive épuisée, défaite par la nuit d'angoisse qu'elle vient de passer. Sa petite fille, alors âgée d'un an, a fait des convulsions. Après quelques heures d'hospitalisation, tout est rentré dans l'ordre, mais Véronique a vu se réveiller tous les fantômes de la mort de son premier bébé. Une fois l'examen pratiqué, le docteur Hazout se fait pressant, raconte-t-elle. « Il m'a dit "Maintenant, ça suffit", et m'a entraînée derrière le paravent », où elle subit sans réagir un rapport sexuel.
Quelques semaines plus tard, alors qu'elle n'a eu aucune relation avec son mari, elle découvre qu'elle est enceinte et que la date de son début de grossesse est celle de son rendez-vous chez le gynécologue. Ensemble, ils décident de procéder à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Par souci de discrétion à l'égard de son époux, rendez-vous est pris un samedi matin au cabinet du docteur Hazout.
« J'avais pris une barrette de Lexomil, il m'a demandé si j'avais peur, je lui ai répondu oui. Il m'a dit : "Je vais te faire l'amour, ça va te détendre." Il m'a pénétrée et puis il m'a dit : "Bon, on y va" et il a pratiqué l'IVG. Moi, j'étais comme une automate, j'avais l'impression d'un dédoublement », raconte-t-elle. Elle insiste : « Il n'y a eu aucune autre relation. Et quand on regarde le contexte de ces deux fois, vraiment, ce n'est pas possible d'avoir été consentante. »
Le premier rapport sexuel, « un rapport normal, en bonne intelligence »
Appelé à réagir à la barre, André Hazout se montre moins abrupt qu'il ne l'a été lors des dépositions d'autres patientes. « Son récit est correct, mais je l'ai vécu de façon beaucoup plus équilibrée que ce qu'elle en décrit aujourd'hui », observe-t-il, en ajoutant qu'il mesure aujourd'hui « le désarroi » de son ex-patiente.
Le premier rapport sexuel, dit-il, était un « rapport normal, en bonne intelligence ». Du second, qui a une portée symbolique très lourde, il a nié la réalité pendant l'instruction, laissant entendre que Véronique mentait. La force de son témoignage, le mélange de détresse et de sincérité qui s'en dégagent, l'ont incité à plus de prudence devant la cour. « Je n'ai pas de souvenir précis », dit-il.
Jusqu'en 2007, Véronique continue d'être suivie par le docteur Hazout. « Je me disais que si moi ou mes enfants avions un pépin, il saurait m'orienter. J'avais toujours une confiance absolue dans le praticien. » C'est à la lecture d'un article paru dans Elle qui évoque la mise en examen du gynécologue et révèle les témoignages de plusieurs de ses anciennes patientes que Véronique se décide à écrire une longue lettre au juge d'instruction. Mais il est trop tard pour que sa plainte soit recevable.