Onfray, Garcin et BHL : le jour et la nuit !
Justice au Singulier - philippe.bilger, 19/10/2018
Il y a des êtres avec lesquels les désaccords renforcent paradoxalement l'amitié. Parce que la seconde montre à quel point elle est capable de se nourrir même des premiers. Elle résiste à ce qui devrait la détruire mais au contraire la magnifie.
Michel Onfray, pour moi, relève de cette catégorie. Quand il écrit sur le christianisme, le catholicisme, sans être un spécialiste je suis effaré par ses ignorances, ses superficialités et ses parti pris même si son assurance et l'alacrité de son style et lui permettent de faire illusion.
Je regrette qu'il n'ait jamais consenti à un débat avec Jean-Marie Salamito, historien des religions, parfait connaisseur de Saint Augustin, qui courtoisement avait relevé un grand nombre d'erreurs et de fausses interprétations dans Décadence et aurait été tout prêt à dialoguer avec lui.
Il n'empêche que j'apprécie la fougue, la vigueur, la dialectique, le courage intellectuel, la passion de la liberté et la verve du polémiste chez Michel Onfray. Il est certain que, si on va le "chercher" pour parler familièrement, le retour est sans merci. Comme la plupart du temps il ferraille avec des personnalités dont je ne raffole pas, j'ai tendance à admirer cette intelligence et cette pugnacité qui en quelque sorte combattent magnifiquement pour moi.
Mon ami Onfray s'est laissé aller récemment à écrire sur son blog une "lettre ouverte à Manu sur le doigté et son fondement" où, il faut l'avouer, il n'était pas à son meilleur. Non pas parce qu'il n'aurait pas filé à la perfection, dans sa détestation du président de la République, la métaphore à partir de ce lamentable doigt d'honneur des Antilles mais à cause de la grossièreté insigne de l'attaque et de l'extrême vulgarité de la charge.
Je n'ai pas envie de défendre cette dérive de l'écrit mais plus que jamais la personnalité qui l'a rédigé.
Parce que Michel Onfray, précisément parce qu'il est capable du pire, est aussi la personne, l'auteur, le contradicteur susceptibles d'enthousiasmer et de convaincre par la force de son verbe et la puissance de son esprit. Non pas que tous les malappris auraient des motifs à se consoler parce qu'ils seraient alors exceptionnels ailleurs ! Mais lui, oui.
Que Michel Onfray abandonne définitivement ce sentiment d'être persécuté ! Il est trop lucide pour ignorer que ce qui est remarquable a toujours une rançon à payer : c'est normal et d'une certaine manière légitime. On ne peut pas cultiver une liberté qui n'a peur de rien et en même temps un étonnement scandalisé face aux répliques qu'elle suscite.
J'ai été ulcéré, pour lui, par le bloc-notes condescendant, paternaliste et, pour tout dire, dégradant de BHL (Le Point) au sujet de cette pochade certes douteuse mais qui ne justifiait pas tant de haine outrée. En ajoutant des critiques infondées sur l'évolution de ce philosophe qui le vaut bien !
Comme s'il n'y avait pas eu Onfray avant sa "lettre ouverte" et comme si, ensuite, il n'était pas passé à autre chose de plus élevé et de plus délicat.
Je voudrais opposer à cette attitude la délicatesse d'un Jérôme Garcin qui dans son "Humeur" de L'Obs ne se prive pas de rappeler "la lettre ouverte à Manu sur le doigté et son fondement qui lui vaut d'être suspecté d'homophobie" sans se poser en inquisiteur implacable mais a l'élégance de vanter la splendeur, la concentration et l'intensité d'un "petit texte" de Michel Onfray : La stricte observance.
Je l'ai lu et il est très remarquable.
Je suis persuadé que BHL pourfendant Onfray pour sa "lettre ouverte" n'ignorait pourtant pas l'existence de ce livre. Mais il est si voluptueux de couper les personnalités en tranches pour se faciliter l'appréhension, sinon la vie serait trop complexe et il deviendrait affreusement difficile d'être honnête...
Au sujet de Michel Onfray qui heureusement est redevenu en pleine forme physique, on a eu la nuit et le jour. BHL croyant le stigmatiser m'a donné envie de le défendre.
Et Jérôme Garcin, de l'admirer.
L'allure est toujours payée de retour.