Philippe Courroye, victime de lui-même
Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 16/11/2013
On pensait à Alain Juppé en observant, vendredi 15 novembre, Philippe Courroye, mâchoires serrées, subissant les mots très durs prononcés à son encontre par le représentant du ministère de la justice lors de l'audience disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature. Il y avait chez l’ancien procureur général de Nanterre, la même incompréhension orgueilleuse à l’égard de ce qui lui arrive, que lorsque l’ex premier ministre avait comparu devant ses juges.
Du premier, ses amis politiques ont longtemps dit qu’il était, selon la formule de Jacques Chirac, « le meilleur d’entre nous ». Les rapports de notation du second évoquent, dès son entrée dans la carrière, « l’un des magistrats les plus brillants de sa génération ». Leurs qualités les ont portés très haut. Mais les épreuves que l’un et l’autre traversent ou ont traversées doivent beaucoup au sentiment aigu qu’ils ont toujours eu de leur grande valeur.
Plus on entendait l’ancien procureur de Nanterre, aujourd’hui avocat général à la cour d’appel de Paris, argumenter contre les griefs qui lui étaient reprochés, plus il donnait le sentiment d’être d’abord victime de lui-même. De cette certitude d’être « ce magistrat d’une exceptionnelle valeur », ce technicien hors pair de la procédure pénale, cet esprit vif et rapide qui, très tôt, a impressionné ses pairs, et dont il mesure aujourd’hui à quel point elle l’a isolé.
De lui, avec ce ton de dépit las qui lui est familier, il dit : « On ne reconnaît pas à Philippe Courroye le droit à l’erreur. Il serait en quelque sorte infaillible ». Et aussitôt, il ajoute : « Ah, si vous aviez devant vous quelqu’un qui avait toujours eu une notation médiocre ! Vous diriez sans doute qu’il est tout excusé ! »
Pendant les deux jours durant lesquels Philippe Courroye a comparu devant le Conseil supérieur de la magistrature, les bancs du public, d’ordinaire garnis de collègues amis soucieux de témoigner de leur soutien dans ces moments difficiles, sont restés vides. Contrairement aussi à ceux qui, avant lui, ont subi une procédure devant le CSM - Renaud Van Ruymbeke, le juge Fabrice Burgaud pour ne citer que les plus célèbres d’entre eux - aucun magistrat n’avait été choisi pour assurer, aux côtés des avocats professionnels, la défense de Philippe Courroye. Pensait-il qu’aucun d’entre eux n’avait le niveau pour le faire ?
Les débats se sont fait l’écho des relations difficiles qu’il entretenait, au faîte de sa puissance, avec une hiérarchie à l’égard de laquelle il témoignait une maigre considération. Dans les mots parfois lâches de ceux qui, après l’avoir tant encensé, l’accablent aujourd’hui de critiques, résonnait un peu la revanche des méprisés.
La décision du CSM a été mise en délibéré au 17 décembre.