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Réformer la protection de l’enfance ? (585)

Planète Juridique - admin, 29/10/2014

Laurence Rossignol, ministre de la famille, vient d'engager une consultation sur la protection de l'enfance. Indéniablement le drame de la petite Marina sert de déclencheur à la démarche, mais observons qu'indépendamment se posait la question des limites de la loi … Continuer la lecture

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avocats006(1)Laurence Rossignol, ministre de la famille, vient d'engager une consultation sur la protection de l'enfance.

Indéniablement le drame de la petite Marina sert de déclencheur à la démarche, mais observons qu'indépendamment se posait la question des limites de la loi Bas du 5 mars 2007  qui avait entendu rénover - et pas révolutionner - la protection de l'enfance. A l'époque avec Claude Roméo, nous avions lancé un Appel pour pousser l’Etat à travers une loi à clarifier notamment les responsabilités dans le champ de la protection de l’enfance, permettre le partage d'informations entre professionnels, améliorer encore les droits des enfants. Cet Appel des Cent qui venait conforter nombre de travaux techniques récents fut entendu, mais il fallut batailler pour que la loi  atteigne le Journal officiel quand d’autres étaient préoccupés à présenter les enfants comme des délinquants au point où quand le temps fut venu, ses décrets d’application tardèrent à être publiés par ceux qui l'avaient combattue.

Globalement le texte sur lequel on déboucha après une importante et originale consultation des professionnels sur l’ensemble du territoire national a répondu à nos attentes malgré d’indéniables points de faiblesse, voire des régressions et de zones d’ombre, somme toute le prix à payer pour les avancées obtenues. Aujourd’hui personne de sérieux ne conteste l’importance de la loi Bas du 5 mars 2007.  Certains y voient pas même, à tort, une loi fondatrice ,quand elle se contentait de rénover un dispositif préexistant tenu pour imparfait et qui le demeure toujours (et le restera éternellement).

bd128On peut donc envisager de compléter encore ces dispositions législatives.

Ainsi on doit admettre que notre dispositif manque de visibilité. Il est difficile d’en évaluer la pertinence et l’efficience réelle avec le peu d’informations dont on dispose et du peu d’endroits et de temps d’échanges et d’analyses entre les différents acteurs - Etat, conseils généraux, associations- et avec les chercheurs et les militants familiaux. Ce dispositif a sans doute sa cohérence, mais il est difficile d’affirmer qu’il est piloté autrement qu’au petit bonheur la chance, sur des intuitions et en fonctions d’approches subjectives et économiques qui l’emportant sur l’approche scientifique et politique. C’est le reproche qu’on se fait en interne, mais également de l’extérieur notamment par le Comité des experts des droits de l’enfant de l’ONU.

Pour expliquer cette lacune,  à juste titre, Laurence Rossignol,peut avancer que la protection de l’enfance, malgré les 8 milliards d’euros qu’elle mobilise sur les budgets des conseils généraux pour l’ASE et la PMI - auxquels il faut ajouter les dépenses engagées directement par l’Etat à travers notamment les tribunaux pour enfants sinon la PJJ - est dans un angle mort : personne ne la voit, elle n’intéresse personne, peu de conseils généraux l’affichent et s’en targuent, l’Etat réagissant généralement aux coups de butoir des scandales.

Faut-il un Conseil national de la protection de l’enfance comme l’avancent les sénatrices Dini et Mercier ? Je renverrai aux préconisations contenues dans notre rapport « De nouveaux droits pour les enfants ? Oui, dans l’intérêt des adultes et de la société «  (janvier 2014 sur www.rosenczveig.com). En tous cas, sans remettre en cause les responsabilités des uns et des autres, en constatant qu’elles sont complémentaires sur les territoires et au plan national, il faut ménager ces temps de rencontres et d’échanges annuels ou bi-annuels appuyés sur les recherches et évaluations.

Cette démarche s‘impose encore plus dans une période où la crise économique ne peut que précariser les plus fragiles des familles. Observant que le nombre d’enfants d’accueillis – environ 140 00 sur l‘année – a peu fluctué depuis des années on peut poser pour hypothèse qu’il mesure pus les places disponibles que les besoins. C’est dire qu’il faut s’interroger non seulement sur les enfants accueillis, mais sur ceux qui échappent au bénéfice du dispositif.

copy-Petitjuge.jpgDans le même temps il faut s’interroger sur les blocages rencontrés pour décliner concrètement les bonnes dispositions intégrées en 2007 dans la loi. On  peut mettre en cause le manque de moyens. On n’a pas toujours tort – certains pans du dispositif sont en difficultés chroniques - service social scolaire, service de santé scolaire, psychiatrie infantile – ou le deviennent comme la PMI, mais tout n’est pas financier : des blocages sont culturels. Quoiqu’il en soit il faut s’habituer à une maitrise des crédits publics et dès lors revisiter des pratiques qui coutent cher sans être nécessaires. Ainsi certains accueils physiques d’enfants, mal décidés et appelés à durée des années s’imposent-ils vraiment ?  Ne doit-on pas  envisager plus souvent des alternative comme l’accueil en famille ou l’adoption simple ?

Par-delà des carences législatives ce sont bien les difficultés de mises en œuvre de la loi qui doivent interpeler. Des dispositions introduites dans la loi en 2007 sont exigeantes comme l’obligation de former par écrit et en articulation avec parents et enfant un projet pour l'enfant est plus qu'un document administratif.

Cette invitation à revisiter notre dispositif de protection de l’enfance s’impose d’autant plus que plus que nous sommes dans un contexte de bing-bang institutionnel dont personne ne peut pronostiquer l’issue. Où demain sera positionnée la protection de l'enfance ?

Des réformes techniques s'imposent qui peuvent être législatives et rapidement adoptées, mais avec quelle efficacité ? L'essentiel est ailleurs : engager un travail sur le long terme pour changer les esprits et les représentations d'une ASE qui a encore les images de l'Assistance publique ou la DDASS qui lui collent à la peau (conf. les plus récents reportages télévisés ou les enquêtes dites journalistiques). Ce n'est pas le moindre des paris à gagner pour Laurence Rossignol.

Il  faut percer l’abcès des critiques fondamentales développées à l’encontre de notre dispositif avec souvent des références qui font rire jaune quand on regarde ce qui a pu se passer aux USA ou en Grande Bretagne, pays cités come des modèles. On taxe notre dispositif d’être pro-familialiste dès lorsqu'il est prudent à l’idée de rompre le lien parents biologiques-enfants même en cas de maltraitance. En fait notre système moderne est né de ce constat fait au XIX° siècle que rompre le lien parents -enfants pour produire des pupilles de l’Etat - 150 000 en 1900 pour 26 millions d'habitants - sans famille et à charge de la collectivité n’était peut être pas la meilleure des réponses pour l’enfant lui-même qui ne veut pas toujours rompre avec les siens, mais vivre normalement avec eux. On oublie encore l’histoire.

JP RosenczveigEt puis notre droit est relayé par l’ordre international qui veut que tout pays veille à faire en sorte qu’un enfant puisse connaître ses parents et être élevé par eux (art. 6 de la CIDE du 20 novembre 1989). Bref, c'est un droit de l’enfant que de vivre avec ses géniteurs. Prenons garde à développer un autre discours qui plus est, avec des réponses systématiques empêchant le nécessaire sur-mesure car demain nombre  d’enfants présents à la Manif pour tous pourraient demander à disposer d’autres parents !

Reste que tous les géniteurs ne sont pas capables naturellement ou du fait d’accidents de la vie d’élever leurs enfants. Il faut étayer la famille et on le fait relativement bien. Reste encore que cet étayage parfois ne suffit pas et il faut accueillir à plein temps l’enfant sans pour autant rompre avec sa famille biologique. Reste encore qu’il faut parfois aller encore plus loin et faire entrer l’enfant dans une autre famille sans rompre avec la sienne – c’est l’enjeu de l’adoption simple ou encore de la délégation d’autorité parentale- , et enfin des cas dans lesquels il faut rompre totalement entre enfant et parents biologiques. Bref l’enfant a le droit à plusieurs affiliations.

Il faut prendre en compte d’abord le droit de l’enfant au bien être, mais on ne peut pas non plus négliger les droits des parents même défavorisés d’exercer des responsabilités sur leur enfant.

Bref, notre dispositif n’est pas pro-famille de sang ou pro-parents. Il suffirait de rencontrer des familles dont les enfants sont « placés «  à l’ASE pour s’en convaincre.

Cette fausse opposition doit être percée. Comme il faut arrêter de mélanger enfance en danger et enfance maltraitée. : il est des enfants maltraités malheureusement et sous toutes les formes, mais l’immensité des enfants en danger ne pas subissent de violences.

Toutes ces clarifications s’imposent avec la préoccupation, non pas de jeter des anathèmes en opposant les uns aux autres – juges et administrations sociales, parents et professionnels, Etat et collectivités locales  etc.-, mais d’agréger les compétences.

Avec pour souci de prévenir les difficultés familiales, encore faut-il déjà d’identifier qui est responsable au sein de la famille et clarifier les termes des responsabilités parentales. Il faut convaincre les uns et les autres de ne pas confondre autorité et violence : l’autorité est au service de la responsabilité  et l’autorité ne passe pas les coups, mais par le sentiment qu’à l’enfant d’être protégé, sécurisé et accompagné par une règle familiale juste. La loi sur les responsabilités parentales adoptée le 27 juin 2014  à l'Assemblée n'est toujours pas au Sénat. Quand y viendra-telle pour être améliorée.

Le souci majeur est ensuite de repérer au mieux et au plus tôt les enfants en difficulté, mais surtout de prévenir que des enfants soient un  jour en danger. Je maintiens qu’il faut implanter d’urgence du social là où sont les enfants, donc à l’école dans le cadre d'accords entre Etat, commune  et conseil général.

016Autres épines du sujet : que faire pour les enfants roms qui vivent dans des conditions abominables à quelques encablures des services sociaux ? Sans parler du dossier Mineurs étrangers isolés qui est plus qu’un problème financier

Nous avons le matériau humain, financier, technique et politique pour franchir ces obstacles si l'on demeure de bonne foi et rationnel. Comme il est proposé par la ministre il faut déjà entendre la parole des principaux concernés, de ceux qui ont vécus ce dispositif : enfants et parents.

Engageons le travail ou plus exactement poursuivons le travail. J’avance qu’il faudra bien 5 ans pour mener à bien tous ces chantiers car dans le même temps où il faut voter des lois, il convient de rassurer, préparer des référencies et des guides, travailler sur les mentalités, expertiser et évaluer, réfléchir aux resistances, engranger des bonnes pratiques venues d’ici ou d’ailleurs, engager un vaste programme de formation communes dès la formation initiale.

Bref, un vrai programme plus qu’une loi votée en quelques semaines , utile mais insuffisante. (1) Hauts les cœurs ! L’enjeu en vaut le prix. Il est mobilisateur et peut être consensuel.

 

(1) On ose à peine suggérer d'attendre l'achèvement de la consultation pour commencer à examiner la proposition de  loi Dini-Meunier


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