48 heures de la vie d'un pays
Justice au singulier - philippe.bilger, 16/02/2012
Ce qui se passe depuis deux jours est délirant.
Au moment où, depuis le début du mois de janvier, la droite honorable grimace et se moque de la démocratie en prétendant en appeler au peuple, que d'étranges mouvements et d'incohérences (Le Figaro, Le Monde, Libération, LCI, BFM TV, nouvelobs.com) !
Le ralliement pitoyable et intéressé de Christine Boutin, démocrate et chrétienne, au président de la République. Sa menace de "bombe atomique" n'était rien d'autre que du vent.
François Sauvadet, centriste du Nouveau centre mais d'autant plus convaincu qu'il est ministre, avant même la défection d'Hervé Morin abandonne ses convictions et son identité en prônant le soutien à Nicolas Sarkozy.
La chasse au Vanneste est relancée. L'UMP se couvre de ridicule en affirmant haut et fort qu'elle va l'exclure et lui retirer son investiture pour les futures législatives. Quelques bons apôtres aussi crédibles en professeurs de vertu que Nadine Morano si elle se piquait d'enseigner l'élégance, se sont acharnés contre lui : Jean-François Copé, Eric Ciotti, Thierry Mariani, Xavier Bertrand, Christian Jacob (bien plus avisé en général) et même Rama Yade qui s'estime encore autorisée à donner des leçons de morale. Elle ose déclarer qu'à cause de Christian Vanneste elle a quitté l'UMP. C'est comique !
D'autant plus que Serge Klarsfeld a confirmé dans l'après-midi la validité des propos de Vanneste furieusement pourfendus le matin. Des homosexuels ont pu être arrêtés et déportés en France mais pas en tant qu'homosexuels (jdd.fr). Il est clair que Christian Vanneste, dans la grisaille intellectuelle et la fadeur politique de l'UMP, ne pense pas comme les autres et donc choque assez souvent. A mon sens, ce sont moins ses idées que l'être lui-même qui irrite : trop intelligent, trop provocateur, trop libre, pas assez prévisible. Sur le plan de l'homosexualité, force est d'admettre que les médias le "cherchent" autant qu'il se livre volontiers lui-même sur ce sujet. A mon sens, il devrait s'abstenir et résister à la tentation d'être soi à tout prix. Trop dangereux dans un monde frileux.
Cependant, à supposer même que Christian Vanneste, individu singulier, esprit indépendant, parlementaire iconoclaste, dise du mal de l'homosexualité s'il en a envie, où serait le scandale, sinon pour une droite stupide cherchant à compenser ses positions extrêmes sur le plan politique et social par une démagogie et une révérence culturelles, une soumission lâche à l'air du temps ? Mais contrairement à ce que répètent comme des perroquets ceux qui préfèrent détester que connaître, Christian Vanneste s'est contenté de mettre en cause le "lobby gay" - qui peut de bonne foi prétendre qu'il est sans pouvoir au sein du Pouvoir et dans les élites ? - et de souligner les incidences possibles, pour une société et un Etat, de l'homosexualité aspirant à une totale égalité institutionnelle et familiale. Certes, il ne pousse pas des cris d'enthousiasme devant ces perspectives mais où serait le crime ? Ses pairs ont honte de ne pas faire le poids en face de quelqu'un qui en plus s'offre le luxe d'être libre. Alors ils se vengent comme ils peuvent. Le président de la République, avec eux ! Grâces soient rendues à Jacques Myard qui a dénoncé le "lynchage médiatique" de Christian Vanneste.
Le président de la République, candidat actif depuis des mois, nous annonce qu'il l'est officiellement. On a entendu les mêmes mots qu'en 2007 mais sans le même élan. La musique n'est plus la même. Quelque chose s'est évaporé. C'est lourd, long, cousu de fil grossièrement tactique. Le travail, en 2007, était une exigence, une valeur, un avenir, il est devenu une redite. L'argument sur le capitaine ne quittant pas le navire en détresse, le discours obligé sur les devoirs, l'image d'une France forte et d'une affiche éthérée, l'engagement d'accomplir demain ce qu'on aurait pu, malgré la crise, mettre en oeuvre durant le quinquennat, le référendum sorti comme une potion magique mais laissé au rancart depuis 2007 : on aurait presque voulu y croire encore, on aurait rêvé de rajeunir, on aurait adoré retrouver la fraîcheur, l'enthousiasme, la naïveté d'antan... Mais impossible, inconcevable ! Le dos au bilan, le désenchantement nous a fait vieillir. Le sarkozysme nous a rendu adultes en politique.
Hervé Morin renonce. Alors que dans son bref parcours d'homme libre il avait fustigé le président sous l'aile duquel il avait travaillé pourtant durant quatre ans, alors que centriste, certes du Nouveau centre, il avait l'occasiion unique de faire coïncider ses convictions, sa dignité et la cohérence, il a choisi néanmoins de privilégier son hostilité à l'égard de François Bayrou en complaisant à celui contre lequel il s'affirmait prêt à combattre. Ce n'est pas beau. Sa casaque n'en sort pas grandie. Alors que Douste-Blazy, hier, a su rattraper grâce à un aveu et à un soutien un destin politique longtemps affecté par le ridicule.
Jeu de massacre et d'hypocrisie depuis 48 heures.
Comptons les survivants.