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Le Sarkozy nouveau est ancien !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 13/04/2015

Mais pas tout beau, tout neuf ! Pour peu qu'on veuille à nouveau voter pour une droite honorable au nom d'une philosophie où la République ne sera pas qu'un mot ressassé et la démocratie une abstraction sans arme, il faudra chercher Nicolas Sarkozy en dehors de lui-même. Ailleurs. Chez les autres qui ont encore le droit de nous parler d'espérances.

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Depuis sa brillante élection comme président de la République en 2007, du temps a passé sur Nicolas Sarkozy.

Un quinquennat, à mon sens discutable, pour rester mesuré.

Une défaite en 2012, qui a entraîné la droite dans un naufrage dont elle n'est pas encore remise malgré ses succès électoraux relatifs.

Un ostensible effacement qui laissait en permanence apparaître que Nicolas Sarkozy bouillait d'impatience et d'envie pour obtenir une session de rattrapage en 2017.

Une présidence de l'UMP, qui, par rapport à la période antérieure, est parvenue à afficher facilement un apaisement et une volonté de rassemblement.

Un Nicolas Sarkozy qui se domine, parle bas, joue à contre-emploi, à contre-caractère, mais qui, dans l'intimité et des échanges prétendument officieux mais voués à être rapportés, se lâche avec aigreur et mépris sur certains de ses proches et alliés.

Ce ne serait pas trop grave car qui peut soutenir que dans l'entre-soi il demeure toujours convenable dans le fond et dans la forme ?

Mais il y a plus préoccupant.

Le hasard de la semaine écoulée a permis une confrontation passionnante et éclairante entre trois interventions médiatiques qu'il est bon de jauger, de juger, chacune par rapport aux deux autres, principalement celle de Nicolas Sarkozy (le Journal du Dimanche) au regard d'un long entretien remarquable avec Alain Finkielkraut et de la vigoureuse réplique de François Bayrou à ceux qui le prennent de haut (Le Point). Comparer les proclamations et engagements du premier avec les vérités salubres des seconds offre un enseignement qui ne manque pas de pertinence.

On peut discuter certaines des appréciations de Nicolas Sarkozy, gangrenées par l'esprit partisan - "je veux que la France tourne le dos à l'affligeante médiocrité d'aujourd'hui" -, oublieuses d'un passé pas si lointain et jugeant de travers : pour la querelle entre Le Pen contre Le Pen, "le spectacle qui nous est donné" n'a rien de "consternant" mais au contraire tout de vivifiant au nom d'une exigence démocratique qui dépasse le seul destin du Front national.

Là n'est pas l'essentiel. Mais dans un retour, huit années en arrière.

"...Il est grand temps de revendiquer haut et fort les valeurs de la République et d'arrêter de les abîmer. La République, c'est le travail, la responsabilité, l'autorité, le mérite, l'effort, la laïcité, le progrès, et, bien sûr, la liberté..."

D'emblée - et c'est une plaie française - menace l'hypertrophie des compétitions présidentielles qui s'acharnent à promettre trop pour tenir peu alors que, pour lutter contre la désaffection civique, il conviendrait de favoriser la démarche inverse : promettre moins pour tenir plus.

Mais ai-je la berlue ou ne s'agit-il pas d'une redite, mot pour mot, promesse pour promesse, de l'enflammée campagne de 2007 ? Seule fait défaut l'assurance d'une "République irréprochable" : sans doute un peu de honte, de pudeur et de mémoire de cinq années ayant dévoyé l'état de droit !

A l'évidence, il s'agit de l'extrême faiblesse de la stratégie de Nicolas Sarkozy : malgré tout son talent, malaisé de réussir à nous faire prendre des vessies démasquées pour des lanternes magiques, de nous offrir un vocabulaire identique, ridiculisé par le réel une première fois et vanté, sans vergogne, pour une seconde.

Dur de redonner aux formidables espérances de 2007, dégradées, le temps d'un quinquennat, en piètres incarnations, une fraîcheur, une couleur inédites, renouvelées pour 2017.

Inconcevable de faire revenir sur le responsable de la défaite de 2012 - celle-ci étant, de l'avis de beaucoup, plus personnelle que politique - une envie aussi intense qu'en 2007, quand tout étant encore virtuel, tout pouvait encore être cru.

Imprudent et impudent de remettre en branle un clientélisme cynique et parfois efficace d'affidés, de collaborateurs, d'amis, de dépendants soumis, pour beaucoup, à une judiciarisation en cours et que l'honnêteté et le sens civique n'ont pas étouffés pour faire accepter, demain, les mêmes ou d'autres assujettis à la même emprise et victimes des mêmes faiblesses.

Pour persuader que le Sarkozy d'aujourd'hui est nouveau alors qu'il est ancien.

Rien n'est, ne sera impossible pour Nicolas Sarkozy qui occupe une place forte, la présidence de l'UMP, avant que peut-être l'abusive et maladroite dénomination "Les Républicains" change ce parti d'hier en structure qui ne sera pas, forcément, de demain.

La haine de Nicolas Sarkozy à l'encontre de François Bayrou, qui aurait été, pour le premier (qui a démenti), jusqu'à comparer le second au sida, est révélatrice d'un double phénomène.

Les tendances profondes d'une personnalité, ses lignes de force, son appétence pour lui-même, sa détestation des autres ou sa tolérance, sa modestie ne changent pas. Elles demeurent, telle une structure à partir de laquelle la conjoncture opère mille variations pour le meilleur ou pour le pire.

L'inaptitude éclatante, transcendée en défaitisme triomphal, de Nicolas Sarkozy à regarder en face, froidement son échec, à assumer le fiasco, à prendre sa part de ses suites traumatisantes, notamment financières, à faire preuve de courage et de sincérité judiciaires et à respecter des adversaires estimables, ses rivaux, et pas seulement Alain Juppé dont la bienveillance qu'il lui manifeste vise seulement à le placer sur un même plan intellectuel et éthique.

Alain Juppé, évidemment le plus redoutable de ses concurrents, dont même le soutien que lui apporte Alain Minc, qui s'est obstinément trompé, ne parvient pas à altérer la cause !

Il faut lire François Bayrou. Je ne le conseille pas seulement parce que mon parcours, modestement entendu, a suivi la cohérence (mais oui!) du sien mais à raison de son analyse lucide si la droite voulait bien un jour écouter et comprendre avant de vitupérer.

"Le responsable de la victoire de la gauche en 2012, il porte un nom, il s'appelle Nicolas Sarkozy. Ses attitudes et ses pratiques ont conduit 3 à 4 millions de Français qui n'étaient pas de gauche, dont je suis, à penser : "Cette agressivité, cette manière de dresser les uns contre les autres, ces affaires multiples, ce n'est pas ce que nous voulons pour conduire le pays !".

Rien que de très acceptable et de limpide dans ce constat.

Finissons par Alain Finkielkraut qui dans un entretien éblouissant, subversif - la belle subversion qui, par l'intelligence, détruit le conformisme banalement subversif des petits maîtres médiatiques et des procureurs aigres et jaloux -, propose ses fulgurances, ses justifications et sa nostalgie qui n'est pas conservatrice mais réactive.

Sur beaucoup de thèmes et en particulier sur Nicolas Sarkozy.

De celui-ci, il affirme que "son problème, ce n'est pas l'angélisme, c'est la versatilité. Il voulait introduire la diversité dans la Constitution, il est maintenant partisan de l'assimilation. Il prônait une laïcité ouverte, et voici qu'il veut interdire les repas de substitution à l'école. Ces sincérités successives donnent le tournis."

De ce trilogue contrasté, une conclusion s'impose.

On peut être séduit, convaincu, même exalté par les propos de Nicolas Sarkozy.

Mais pas tout beau, tout neuf !

Pour peu qu'on veuille à nouveau voter pour une droite honorable au nom d'une philosophie où la République ne sera pas qu'un mot ressassé et la démocratie une abstraction sans arme, il faudra chercher Nicolas Sarkozy en dehors de lui-même.

Ailleurs. Chez les autres qui ont encore le droit de nous parler d'espérances.


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