Réutilisation des informations publiques : osons la gratuité !
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Virginie Delannoy, 5/12/2014
L’avis rendu par la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) dans sa séance du 30 octobre 2014 (n° 20141556) est riche d’enseignements en ce que, faisant application pour la première fois de l’article 15 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, il précise les conditions de tarification, par les personnes publiques, de la mise à disposition des informations publiques, en vue de leur réutilisation.
Notre propos n’est pas celui d’un commentaire complet de cet avis particulièrement détaillé mais de tenter une mise en perspective des conditions d’établissement du montant de la redevance avec les principes contenus dans la directive 2013/37/UE du 26 juin 2013 modifiant la directive PSI 2003/98/CE du 17 novembre 2003 et la notion même d’open data.
L’article 15 de la loi de 1978, directement inspiré de l’arrêt du conseil d’État Cegedim (CE, 29 juillet 2002 CJEG 2003, p.16 et s.), impose trois règles de tarification, rappelées par la CADA.
La première veut que le montant de la redevance repose sur l’un ou plusieurs de ces trois facteurs :
« - une contribution aux coûts de mise à disposition, de collecte ou de production des informations [que l’administration] a effectivement supportés ;
- une rémunération des investissements afférents qu’elle a effectivement consentis, raisonnablement proportionnée à ces investissements ;
- lorsque l’administration détient sur les documents contenant les informations susceptibles d’être réutilisées des droits de propriété intellectuelle à caractère patrimonial, une rémunération de ces droits qui doit, elle-même, rester raisonnable ».
La deuxième exclut l’application de la jurisprudence du Conseil d’Etat (16 juillet 2007, Syndicat national de défense de l’exercice libéral de la médecine à l’hôpital , 7 octobre 2009 Société d’équipement SETIL) alignant la tarification de la redevance pour service rendu avec celle de la redevance d’occupation domaniale en jugeant que la première, à l’instar de la seconde, peut prendre en compte l’avantage économique que retire le bénéficiaire de l’utilisation d’un bien public. La redevance de réutilisation, bien qu’étant la contrepartie de l’utilisation d’un bien public, ne peut pas, par principe selon la CADA, être établie comme ses deux parentes. Cette exclusion découle du principe de plafonnement, fixé à l’article 6 de la directive PSI, en fonction des coûts et d’un retour sur investissement raisonnable.
Toutefois, et c’est la troisième règle de tarification, cette exclusion n’a plus lieu d’être lorsque l’administration détient des droits de propriété intellectuelle sur les informations publiques mises à disposition. Dans cette hypothèse, compte tenu de l’absence de tout encadrement à l’article 15 de la loi de 1978, la CADA considère que la rémunération éventuelle des droits de propriété intellectuelle incluse dans le montant de la redevance peut être assise sur le chiffre d’affaires du réutilisateur généré grâce à la réutilisation des informations publiques, pourvu que cette rémunération demeure « raisonnable ».
Ces lignes directrices ainsi posées, au moins trois questions peuvent être soulevées :
- Est-il justifié d’inclure dans le calcul de la redevance des coûts exposés par l’administration au titre de sa mission de service public, c’est-à-dire des coûts qui, en toute hypothèse – réutilisation ou pas – doivent être supportés par l’administration ? La logique de l’open data voudrait que ne soient pris en compte que les coûts spécifiques à la fourniture des informations publiques, qui ne seraient pas encourus si le droit de réutilisation n’existait pas. Le cas échant, une contribution raisonnable à la couverture des coûts communs non amortis pourrait être envisagée pourvu qu’il soit démontré que ces coûts, supportés par le service public, sont directement utiles pour la réutilisation des informations publiques.
- le caractère « raisonnable » d’une rémunération est un concept éminemment subjectif. Est-il possible de définir des critères d’appréciation alors que celle-ci varie autant qu’il existe de situations particulières (un même pourcentage sur le chiffre d’affaires pouvant apparaître disproportionné pour une activité en phase de lancement alors qu’elle ne le sera pas pour une activité établie) ?
- Plus largement, une réflexion devrait être menée sur la pertinence de la rétribution des éventuels droits de propriété intellectuelle de l’administration. La protection attachée à la propriété intellectuelle trouve sa source et sa légitimité dans la nécessité de ne pas spolier des fruits de son investissement celui qui a supporté le risque économique pour développer un produit ou un service. La rétribution qui en découle repose sur cette logique. Se justifie-t-elle au bénéfice de l’administration alors que les informations publiques ont été conçues, pour le bien public, grâce à des financements publics apportés par l’Etat et par le biais des contribuables, en dehors de toute logique entrepreneuriale ?
La transposition de la directive 2013/37/UE qui pose comme principe l’orientation de la redevance vers les coûts marginaux et, à terme, la pratique de « licences ouvertes », pourrait apporter une réponse à ces questions cruciales de tarification dans un sens toujours plus favorable à l’open data, afin de permettre l’émergence ou le développement de services à valeur ajoutée offerts par des opérateurs économiques en réponse aux nouveaux besoins des utilisateurs finals, dans une perspective de création d’activités et d’emplois.
L’article 15 de la loi de 1978, directement inspiré de l’arrêt du conseil d’État Cegedim (CE, 29 juillet 2002 CJEG 2003, p.16 et s.), impose trois règles de tarification, rappelées par la CADA.
La première veut que le montant de la redevance repose sur l’un ou plusieurs de ces trois facteurs :
« - une contribution aux coûts de mise à disposition, de collecte ou de production des informations [que l’administration] a effectivement supportés ;
- une rémunération des investissements afférents qu’elle a effectivement consentis, raisonnablement proportionnée à ces investissements ;
- lorsque l’administration détient sur les documents contenant les informations susceptibles d’être réutilisées des droits de propriété intellectuelle à caractère patrimonial, une rémunération de ces droits qui doit, elle-même, rester raisonnable ».
La deuxième exclut l’application de la jurisprudence du Conseil d’Etat (16 juillet 2007, Syndicat national de défense de l’exercice libéral de la médecine à l’hôpital , 7 octobre 2009 Société d’équipement SETIL) alignant la tarification de la redevance pour service rendu avec celle de la redevance d’occupation domaniale en jugeant que la première, à l’instar de la seconde, peut prendre en compte l’avantage économique que retire le bénéficiaire de l’utilisation d’un bien public. La redevance de réutilisation, bien qu’étant la contrepartie de l’utilisation d’un bien public, ne peut pas, par principe selon la CADA, être établie comme ses deux parentes. Cette exclusion découle du principe de plafonnement, fixé à l’article 6 de la directive PSI, en fonction des coûts et d’un retour sur investissement raisonnable.
Toutefois, et c’est la troisième règle de tarification, cette exclusion n’a plus lieu d’être lorsque l’administration détient des droits de propriété intellectuelle sur les informations publiques mises à disposition. Dans cette hypothèse, compte tenu de l’absence de tout encadrement à l’article 15 de la loi de 1978, la CADA considère que la rémunération éventuelle des droits de propriété intellectuelle incluse dans le montant de la redevance peut être assise sur le chiffre d’affaires du réutilisateur généré grâce à la réutilisation des informations publiques, pourvu que cette rémunération demeure « raisonnable ».
Ces lignes directrices ainsi posées, au moins trois questions peuvent être soulevées :
- Est-il justifié d’inclure dans le calcul de la redevance des coûts exposés par l’administration au titre de sa mission de service public, c’est-à-dire des coûts qui, en toute hypothèse – réutilisation ou pas – doivent être supportés par l’administration ? La logique de l’open data voudrait que ne soient pris en compte que les coûts spécifiques à la fourniture des informations publiques, qui ne seraient pas encourus si le droit de réutilisation n’existait pas. Le cas échant, une contribution raisonnable à la couverture des coûts communs non amortis pourrait être envisagée pourvu qu’il soit démontré que ces coûts, supportés par le service public, sont directement utiles pour la réutilisation des informations publiques.
- le caractère « raisonnable » d’une rémunération est un concept éminemment subjectif. Est-il possible de définir des critères d’appréciation alors que celle-ci varie autant qu’il existe de situations particulières (un même pourcentage sur le chiffre d’affaires pouvant apparaître disproportionné pour une activité en phase de lancement alors qu’elle ne le sera pas pour une activité établie) ?
- Plus largement, une réflexion devrait être menée sur la pertinence de la rétribution des éventuels droits de propriété intellectuelle de l’administration. La protection attachée à la propriété intellectuelle trouve sa source et sa légitimité dans la nécessité de ne pas spolier des fruits de son investissement celui qui a supporté le risque économique pour développer un produit ou un service. La rétribution qui en découle repose sur cette logique. Se justifie-t-elle au bénéfice de l’administration alors que les informations publiques ont été conçues, pour le bien public, grâce à des financements publics apportés par l’Etat et par le biais des contribuables, en dehors de toute logique entrepreneuriale ?
La transposition de la directive 2013/37/UE qui pose comme principe l’orientation de la redevance vers les coûts marginaux et, à terme, la pratique de « licences ouvertes », pourrait apporter une réponse à ces questions cruciales de tarification dans un sens toujours plus favorable à l’open data, afin de permettre l’émergence ou le développement de services à valeur ajoutée offerts par des opérateurs économiques en réponse aux nouveaux besoins des utilisateurs finals, dans une perspective de création d’activités et d’emplois.