Sivens… Un bazar inextricable
Actualités du droit - Gilles Devers, 6/03/2015
Le dossier du barrage de Sivens va rester encore pendant longtemps un feuilleton, sans solution. On attend pour cet après-midi le choix du Conseil général sur le projet alternatif, et pour le début de semaine l’expulsion des zadistes. Mais on n’aura pas avancé : les projets alternatifs ne conviennent à personne, et l’opposition au projet va beaucoup plus loin que les zadistes qui s’apprêtent à se faire virer comme des lapins. Depuis dix ans, un enchaînement de mauvaises décisions a créé ce bazar inextricable. Assez accablant sur le fonctionnement des pouvoirs publics.
Après des années de palabres sur l’idée d’un barrage demandé par une part des agriculteurs – à noter que le syndicat La Confédération Paysanne y est opposé – le projet a vu le jour en 2008 avec une convention publique d'aménagement, puis l’enclenchement à l’initiative du Conseil Général du Tarn d’une enquête d'utilité publique quatre ans plus tard, qui aboutit en mai 2013. Gauche et Droite, tout le monde a voté cet excellent projet, seuls trois élus s'abstenant, pour une retenue d’eau de 1,5 million de m3, 34 hectares et 8,5 millions d'euros.
En novembre 2013, le collectif Sauvegarde de la zone humide du Testet dépose des recours devant le tribunal administratif. L’affaire n’étant pas jugée à ce jour. On aurait pu attendre la décision de justice, ce qui aurait mis tout le monde d’équerre, mais non.
Aussi, sur le terrain, a commencé début 204 une occupation de la ZAD, avec une évacuation manu militari en mai 2014. En septembre, le Conseil Général a engagé les travaux de déboisement. Nouvelle occupation, qui a le temps de s’installer car les forces de l’ordre se préoccupent de protéger les bucherons qui abattent les arbres. L’affaire prend de l’ampleur et les politiques s’en mêlent. Au gouvernement, Stéphane Le Foll soutient le projet alors que Ségolène Royal est critique et lance une mission d'expertise.
Le 25 octobre, c’est sur place une manifestation, d’impact national. La nuit, les heurts deviennent violents entre les manifestants et les gendarmes qui gardent le terrain. C’est dans ce cadre que survient la mort de Rémi Fraisse, un jeune manifestant de 21 ans.
Dans les jours suivent, est publiée l’expertise demandée par Ségolène Royal et les conclusions contredisent l’enquête d’utilité publique : le projet est surdimensionné, mal conçu et mal financé.
Le conseil général vire à 180°, suspend les travaux et annonce qu’il s’en remet à la décision de l’Etat. Le 16 janvier, le gouvernement décide qu’il faut abandonner le projet, mais laisse au Conseil Général de choisir entre deux options : le maintien du projet mais à la moitié de ses capacités, ou le remplacement par une série de plus petits barrages. Bon courage, car ces deux projets sont rejetés aussi bien par les agriculteurs, que par les opposants.
Sur place, les zadistes occupent toujours le terrain, et des agriculteurs ne peuvent accéder à leur terre. La justice est saisie, et à la mi-février, ordonne l’expulsion. Le gouvernement temporise, car on attend la décision du Conseil Général pour aujourd’hui, le 6 mars. Ce ne sera qu’une étape, car il faudra en suite reprendre toutes les procédures administratives et revoir les montages financiers. Sur le terrain des agriculteurs de la FNSEA et des groupes bizarres s’organisent pour encercler la ZAD. Un véritable blocus, et les forces de l’ordre cherchent à éviter les affrontements directs. «Ils ne peuvent plus sortir, donc plus se ravitailler, plus recharger leurs téléphones portables, plus faire venir de renforts», explique Joffrey Demetz, président de l'association «Les habitants de Sivens », favorable au barrage. On entend des slogans sympathiques : « Zadiste dehors, sinon t'es mort».
Le Conseil général va donc décider aujourd’hui, et l’expulsion se fera vraisemblablement dans la semaine, le gouvernement voulant essayer de laisser passer le week-end. Ce sera un simple épisode, car les opposants sont nombreux, et reprendront illico la contestation sur le terrain et devant les tribunaux. Ségolène Royal annonce que si le Conseil général renonce, l’Etat l’indemnisera, ben voyons. Dans quinze jours, ce sont les départementales, et le Conseil général, PS et de longue date, peut basculer.
Un sac de nœuds, et personne n’a la moindre idée de la solution.