Les conséquences indemnitaires de la nullité des contrats administratifs : l’office du juge
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Marc Sénac de Monsembernard, Mathieu Prats-Denoix, 4/01/2012
Par sa décision du 18 novembre 2011, Communauté des communes de Verdun, req. n°342642, le Conseil d’Etat précise les modalités d’indemnisation du cocontractant, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle de la personne publique, en cas d’annulation du contrat administratif. Le juge ne retient pas la faute de la société cocontractante qui signe un contrat avec une personne publique incompétente.
En 1992, le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de l’agglomération verdunoise passe, avec la société anonyme d’économie mixte locale Sovameuse, un marché de service portant sur la collecte, le transport, le traitement des déchets et la mise à disposition des bacs à ordures.
A l’occasion d’un recours introduit par la société cocontractante, tendant à obtenir une rémunération correspondant au volume effectivement traité − et non à la rémunération initialement fixée sur la base du volume déterminé lors de l’appel d’offres − le tribunal administratif de Nancy constate la nullité du contrat, le SIVOM n’ayant pas reçu compétence de la part des communes concernées pour conclure un tel marché.
Sur le fondement de cette nullité, la société cocontractante recherche la responsabilité de la Communauté de communes de Verdun (ayant succédé au SIVOM) afin d’être indemnisée de ses dépenses utiles, d’une part, et de son manque à gagner, d’autre part.
La Cour administrative d’appel de Nancy fait droit à la demande de la société cocontractante en lui accordant une indemnité globale de 299 441 euros, couvrant à la fois les dépenses utiles à la personne publique (responsabilité quasi-contractuelle) et le manque à gagner par la société cocontractante, résultant de la faute commise par la personne publique qui a signé un marché incompétemment (responsabilité quasi-délictuelle).
A l’occasion d’un recours introduit par la société cocontractante, tendant à obtenir une rémunération correspondant au volume effectivement traité − et non à la rémunération initialement fixée sur la base du volume déterminé lors de l’appel d’offres − le tribunal administratif de Nancy constate la nullité du contrat, le SIVOM n’ayant pas reçu compétence de la part des communes concernées pour conclure un tel marché.
Sur le fondement de cette nullité, la société cocontractante recherche la responsabilité de la Communauté de communes de Verdun (ayant succédé au SIVOM) afin d’être indemnisée de ses dépenses utiles, d’une part, et de son manque à gagner, d’autre part.
La Cour administrative d’appel de Nancy fait droit à la demande de la société cocontractante en lui accordant une indemnité globale de 299 441 euros, couvrant à la fois les dépenses utiles à la personne publique (responsabilité quasi-contractuelle) et le manque à gagner par la société cocontractante, résultant de la faute commise par la personne publique qui a signé un marché incompétemment (responsabilité quasi-délictuelle).
Conformément à sa jurisprudence constante, le Conseil d’Etat rappelle le principe selon lequel la responsabilité quasi-contractuelle de l’administration, fondée sur l’enrichissement sans cause, est autonome et ne saurait être exonérée, même partiellement, par la faute quasi-délictuelle du cocontractant. L’action de in rem verso est ainsi objective que la faute quasi-délictuelle de l’appauvri ne saurait réduire son indemnisation sur le fondement quasi-contractuel. En outre, le cocontractant n’est pas fondé à demander une indemnité s’il a lui-même « commis une faute grave en se prêtant à la conclusion d’un marché dont, compte-tenu de son expérience, il ne pouvait ignorer l’illégalité et que cette faute constitue la cause directe de la perte de bénéfice attendu du contrat » (voir CE 19 avril 1974, Entreprises Louis Segrette, req. n°82515 et CE 10 avril 2008 Société Decaux, req. n°244950).
Le Conseil d’Etat annule ensuite l’arrêt de la Cour administrative d’appel, jugeant « qu’en prononçant ainsi une indemnisation globale, sans examiner les fautes alléguées du cocontractant pour procéder à un éventuel partage des responsabilités sur le terrain quasi-délictuel, la cour a entaché son arrêt d’insuffisance de motivation et d’erreur de droit ».
Ainsi, après avoir examiné les conséquences de la responsabilité quasi-contractuelle (l’enrichissement sans cause) de la personne publique, l’examen de la responsabilité quasi-délictuelle (faute à l’origine de la nullité) impose, en tout état de cause, de se prononcer sur le partage de responsabilité pouvant résulter du concours du cocontractant à la réalisation de la faute commise par la personne publique.
A l’occasion de cet examen, le Conseil d’Etat juge qu’en l’espèce, si la personne publique a commis une faute en signant un marché alors qu’elle n’avait pas reçu compétence pour le faire, il ne saurait être reproché à la société cocontractante d’avoir contracté avec une collectivité « dont elle n’avait pas de raison de douter de la compétence ».
Le Conseil d’Etat annule ensuite l’arrêt de la Cour administrative d’appel, jugeant « qu’en prononçant ainsi une indemnisation globale, sans examiner les fautes alléguées du cocontractant pour procéder à un éventuel partage des responsabilités sur le terrain quasi-délictuel, la cour a entaché son arrêt d’insuffisance de motivation et d’erreur de droit ».
Ainsi, après avoir examiné les conséquences de la responsabilité quasi-contractuelle (l’enrichissement sans cause) de la personne publique, l’examen de la responsabilité quasi-délictuelle (faute à l’origine de la nullité) impose, en tout état de cause, de se prononcer sur le partage de responsabilité pouvant résulter du concours du cocontractant à la réalisation de la faute commise par la personne publique.
A l’occasion de cet examen, le Conseil d’Etat juge qu’en l’espèce, si la personne publique a commis une faute en signant un marché alors qu’elle n’avait pas reçu compétence pour le faire, il ne saurait être reproché à la société cocontractante d’avoir contracté avec une collectivité « dont elle n’avait pas de raison de douter de la compétence ».
Contrairement à l’arrêt Société Decaux, précité, où le Conseil d’Etat a jugé que le cocontractant avait commis une faute en signant un contrat conclu à l’issue d’une procédure irrégulière (le département a eu irrégulièrement recours à une procédure de marché négocié), dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat juge qu’un marché signé par une personne publique incompétente relève de la seule responsabilité de l’administration.
Pour déterminer la responsabilité des parties, le juge recherche la cause directe du préjudice. Dans ses conclusions relatives à l’arrêt Société Decaux, le commissaire du gouvernement, Bertrand Dacosta, estimait que, dans cette affaire, ce qui peut être reproché au cocontractant, « c’est d’avoir profité d’une irrégularité manifeste dont il a été le seul bénéficiaire. Dans la présente affaire, le préjudice subi par la société Decaux n’est qu’indirectement la conséquence de la faute de l’administration ; il est la conséquence directe du choix de la société de tirer avantage de cette faute en s’engageant dans l’exécution du marché ». Dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat juge en revanche que le préjudice de la société cocontractante résulte directement de la faute commise par la personne publique, qui a signé un marché incompétemment.
Outre la recherche de la causalité adéquate, il semble qu’en recherchant la faute à l’origine du préjudice subi par les parties, le juge tend à régler les conséquences de la nullité du contrat sur le terrain de l’équité. En jugeant que la société cocontractante n’avait commis aucune faute en signant un marché avec une personne publique incompétente, le Conseil d’Etat refuse de faire peser une charge excessive sur le cocontractant de l’administration, estimant qu’une telle incompétence n’était pas évidente en l’espèce, de sorte qu’il n’incombait pas à la société cocontractante de la vérifier.
Comme le commissaire du gouvernement Bertrand Dacosta le concluait, la solution qu’il proposait dans l’affaire Société Decaux permettait de « concilier la nécessité de tirer toutes les conséquences juridiques de l’annulation d’un contrat et celle de régler le sort des parties dans le sens le plus conforme à l’équité ». C’est bien cette conciliation qu’opère le Conseil d’Etat dans son arrêt du 18 novembre 2011.
Pour déterminer la responsabilité des parties, le juge recherche la cause directe du préjudice. Dans ses conclusions relatives à l’arrêt Société Decaux, le commissaire du gouvernement, Bertrand Dacosta, estimait que, dans cette affaire, ce qui peut être reproché au cocontractant, « c’est d’avoir profité d’une irrégularité manifeste dont il a été le seul bénéficiaire. Dans la présente affaire, le préjudice subi par la société Decaux n’est qu’indirectement la conséquence de la faute de l’administration ; il est la conséquence directe du choix de la société de tirer avantage de cette faute en s’engageant dans l’exécution du marché ». Dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat juge en revanche que le préjudice de la société cocontractante résulte directement de la faute commise par la personne publique, qui a signé un marché incompétemment.
Outre la recherche de la causalité adéquate, il semble qu’en recherchant la faute à l’origine du préjudice subi par les parties, le juge tend à régler les conséquences de la nullité du contrat sur le terrain de l’équité. En jugeant que la société cocontractante n’avait commis aucune faute en signant un marché avec une personne publique incompétente, le Conseil d’Etat refuse de faire peser une charge excessive sur le cocontractant de l’administration, estimant qu’une telle incompétence n’était pas évidente en l’espèce, de sorte qu’il n’incombait pas à la société cocontractante de la vérifier.
Comme le commissaire du gouvernement Bertrand Dacosta le concluait, la solution qu’il proposait dans l’affaire Société Decaux permettait de « concilier la nécessité de tirer toutes les conséquences juridiques de l’annulation d’un contrat et celle de régler le sort des parties dans le sens le plus conforme à l’équité ». C’est bien cette conciliation qu’opère le Conseil d’Etat dans son arrêt du 18 novembre 2011.