La France est réveillée
Justice au Singulier - philippe.bilger, 12/01/2015
Le 11 janvier, la France a connu un moment immense et magique, de dignité, de respect et de courage, où apparemment tant de différences se sont effacées au profit d'une unité de plusieurs heures.
Je ne change cependant absolument pas mon point de vue sur cette grande messe républicaine symbolique et je suis heureux de constater que Gilles-William Goldnadel qui n'a jamais faibli ni failli dans la lutte intellectuelle et judiciaire contre le terrorisme, lui aussi, s'est abstenu (Boulevard Voltaire).
Nicolas Sarkozy, après le rassemblement, est venu proposer un certain nombre de mesures et il a tenté de le faire dans un esprit de tranquillité et pour favoriser un consensus. Je l'ai trouvé convaincant et ses réponses aux auditeurs n'ont pas infirmé mon appréciation positive (RTL).
Sans tomber dans le partisan, j'ai relevé sa gêne à justifier ses liens avec le Qatar, accusé par le Département d'Etat américain de soutenir le terrorisme.
Sur ce plan, il me semble que nous devrions être plus vigilants quand un Etat étranger achète certaines de nos richesses, de nos fleurons, de nos infrastructures, de nos clubs sportifs comme le PSG. Il n'y aurait à mon sens aucune indécence nationale à refuser cette appropriation étrangère.
Nicolas Sarkozy a évoqué plusieurs orientations dont il a souligné qu'elles requéraient une mise en oeuvre urgente, sans attendre la prochaine élection présidentielle.
En vrac, exonérer les services de sécurité et les moyens de la police de toute restriction budgétaire. Amplifier la coopération internationale. Permettre aux organes d'enquête et de sécurité intérieure de pouvoir procéder immédiatement à des actes nécessaires, notamment pour l'examen de véhicules suspects, sans devoir attendre une autorisation judiciaire. Poursuivre le trafic et la détention d'armes de guerre en provenance, surtout, de l'ex-Yougoslavie. Amplifier le traçage pour les vols aériens. Ne pas autoriser le retour en France des jeunes français partis pour le Djihad.
L'ancien président de la République n'excluait pas que ces pistes puissent être débattues dans le cadre parlementaire en espérant, dans ce domaine capital, un climat de compréhension et de collaboration qu'à l'évidence le peuple français a paru plébisciter hier.
La France est réveillée le 12 janvier et elle n'a pas la "gueule de bois" mais encore d'amour.
Deux difficultés doivent être abordées de front.
Il faut cesser ce débat lassant entre la liberté et la sécurité, entre les libertés et la sûreté publique. L'état de droit ne peut pas en permanence être suspendu, dans sa vigueur et son efficacité démocratique, par des états d'âme répétitifs. Nos concitoyens sont prêts à ce qu'une politique fiable de sécurité l'emporte sur le souci pointilliste de la liberté. Dans cet arbitrage, la société a choisi. Le pouvoir n'a plus qu'à tirer les conclusions qui s'imposent.
Il convient de garder à l'esprit que la loi n'est pas le problème en France. Notre pays n'a que trop tendance à considérer qu'elle représente une action. Ce qui importe - tous les dysfonctionnements le démontrent, notamment la fin du suivi en 2014 pour Coulibaly et les frères Kouachi - c'est la constance et la fermeté dans l'exécution et l'application de la loi. Le contrôle de la manière dont les textes législatifs sont traduits dans le réel, durablement, à chaque instant, est essentiel.
La France est réveillée. Le rêve ne doit pas devenir un cauchemar.