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Au procès du Dr Hazout, la pudeur meurtrie d’une ex-épouse

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 5/02/2014

A la cour d'assises, on appelle cela l'interrogatoire de personnalité. Une entrée en matière rituelle, un peu formelle, comme un tour de chauffe avant de plonger dans le dur et le crû des faits qui sont reprochés à l'accusé. Mardi … Continuer la lecture

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A la cour d'assises, on appelle cela l'interrogatoire de personnalité. Une entrée en matière rituelle, un peu formelle, comme un tour de chauffe avant de plonger dans le dur et le crû des faits qui sont reprochés à l'accusé.

Mardi 4 février, les juges et les jurés qui composent la cour d'assises de Paris commençaient tout juste à faire connaissance avec l'homme qu'ils vont devoir juger, l'ancien gynécologue André Hazout, qui comparaît devant eux sous l'accusation de viols et agressions sexuelles de plusieurs de ses patientes. Les sept femmes qui se sont constituées partie civile contre lui ne sont pour l'heure que des figures muettes, assises les unes à côté des autres dans le prétoire.

Lui seul a parlé. De sa naissance en Algérie dans une famille modeste qui voulait la réussite de ses enfants, du rapatriement contraint vers la France en 1962 après l'indépendance, de ses études de médecine, de son intérêt précoce pour cette science balbutiante de la fécondation in vitro et de la carrière brillante qui a fait de lui un gynécologue réputé et très sollicité.

Et c'est alors qu'elle a été appelée à la barre des témoins.

L'épouse. Ou plutôt l'ex-épouse qui, après plus de trente ans de mariage, a divorcé de son mari en 2010. Elle est entrée dans la salle en ne regardant personne autour d'elle, a posé son sac sur le côté, noué ses mains dans son dos en serrant un petit mouchoir en papier blanc. A moins de deux mètres d'elle, André Hazout a rentré lentement la tête dans les épaules.

Elle dit, elle murmure plutôt : « J'ai été mariée avec le docteur Hazout. J'ai été très heureuse avec lui, nous avons eu trois enfants. Les choses ont bien changé depuis. Je ne vois rien d'autre à ajouter. » Elle baisse les yeux et serre un peu plus fort le petit mouchoir blanc dans son dos.

Du haut de la tribune de la cour, le président Hervé Stephan se penche légèrement vers l'avant. Il donne à sa voix une intonation douce, respectueuse. Des « oui » étranglés répondent à ses premières questions. Hervé Stéphan prend son temps. Il s'éloigne de tout ce qui peut brûler, interroge l'épouse sur des sujets plus anodins, la carrière de son mari, les postes successifs qu'il a occupés, son savoir-faire en matière de fécondation in vitro - c'est dans ces moments de porcelaine que l'on reconnaît les grands présidents d'assises.

Elle se détend. Ses phrases sont plus longues, le débit de sa voix plus fluide. Elle dit l'ordinaire d'une femme de sa génération, épouse d'un médecin « mondialement connu » et très occupé, qui cesse de travailler après son mariage pour élever les enfants,  reprend une activité professionnelle lorsqu'ils grandissent en assurant à mi-temps le secrétariat du cabinet privé de son mari.

Par petits cercles, toujours avec la même délicatesse, les questions du président se rapprochent du sujet qui vaut à cette femme de se tenir là, livrée aux regards de la cour, de celles qui accusent l'homme dont elle a si longtemps partagé la vie et du nombreux public.

André Hazout était-il un séducteur ? « Il est très agréable, c'est un bel homme », répond-elle à mots comptés. Puis Hervé Stéphan en vient à cette année 2007 où elle apprend que son mari est mis en cause par plusieurs de ses patientes. Ses mains se crispent à nouveau.

«- J'étais bouleversée. Très, très en colère. Il m'a avoué son... infidélité.

- Vous savez, Madame, que votre mari n'est pas devant la cour d'assises pour des aventures extra-conjugales.  Mais pour des viols et des agressions sexuelles. Qu'en pensez-vous ?

- Je ne peux pas croire une chose pareille. C'est quelqu'un de très doux. Je, je ne peux rien dire... »

Le silence tombe sur la salle d'audience. Elle essuie furtivement ses larmes dans son mouchoir blanc. André Hazout s'enfonce dans son siège.

« - J'en suis meurtrie, déstabilisée. »

Elle répète.

« - Très meurtrie. »

Le président se tourne vers le banc de la défense.

« - Des questions ? »

D'un bref signe de tête, les deux avocats de l'accusé, Francis Szpiner et Caroline Toby, déclinent l'invite.

Elle reprend son sac. Croise le regard de son ex-mari. Et courbe la tête sous les dizaines de paires d'yeux qui la dévisagent alors qu'elle se presse vers la sortie.


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