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Inde-Union européenne : vers un conflit autour des marchés publics

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Laurent-Xavier Simonel, 28/03/2012

Les très grands besoins de l’Inde en infrastructures publiques font que les marchés publics y génèrent environ 1/5ème du PIB. Mais l’Inde est une fédération à tentations confédératives, qui ne laisse pas au pouvoir fédéral une marge de décision très importante et les Etats fédérés ne voient pas d’un bon œil l’accès des candidats étrangers à leurs marchés publics.
Les discussions d’un accord de libre-échange entre la Commission européenne et l’Union indienne achoppent sur la question de l’accès des entreprises européennes aux marchés publics indiens, au moment où les opérateurs indiens, en particulier de services informatiques, accèdent de plus en plus aux commandes publiques en Europe (par exemple, Tata Consultancy Services intervient pour le General Register Office for Scotland depuis 2007 et développe ses activités en France, certes par le biais d’une filiale française acquise en 2006).

L’Etat fédéral indien, quant à lui, n’hésite pas à attribuer des marchés publics d’ampleur considérable à des entreprises étrangères, comme à Bombardier pour les rames du métro de Delhi qui est l'un des plus modernes, des plus propres et des plus économiques du monde.

En revanche, les Etats de la fédération sont très réticents à l’ouverture et restent extrêmement attentifs aux enjeux du nationalisme économique, qui sont rarement éloignés des enjeux de leur posture politique au sein de la fédération.

Une cote mal taillée pourrait se dégager en faveur d’une ouverture relative des marchés publics relevant de l’Union indienne. Se pose, alors, la question de la qualification juridique des marchés selon la nature des besoins publics auxquels ils répondent. En effet, les projets de grandes infrastructures d’ampleur nationale, en matière d’énergie, d’eau, d’assainissement, d’aéroports ou de voies routières, notamment, sont fréquemment portés par un ou plusieurs Etats fédérés avec le concours du gouvernement central.

Il reste que le gouvernement fédéral vient de sortir très affaibli des élections de février-mars 2012 dans cinq Etats, dont l’emblématique Uttar Pradesh qui compte plus de 200 millions d’habitants (le parti du Congrès, qui anime la coalition au pouvoir, n’y a obtenu que 37 sièges sur les 403 de l’assemblé législative) ou le riche Pendjab. La coalition au centre ne se maintient au pouvoir que par son alliance avec de très puissants partis régionaux, qui à l’instar du Trinammol Congress au Bengale, reposent sur une assise politique fermement ancrée dans le nationalisme économique. Ces alliés indispensables s’opposent farouchement à l’arrivée d’opérateurs économiques étrangers et il est à craindre qu’ils ne militent pour la fermeture des marchés publics comme ils viennent de le faire pour la fermeture de l’accès des investissements étrangers au secteur de la grande distribution.

En France et très naturellement, le mouvement est inverse. En effet, la troisième partie du code des marchés publics consacrée aux marchés publics de défense et de sécurité (dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1104 du 14 septembre 2011 relatif à la passation et à l’exécution des marchés publics de défense ou de sécurité) a retenu le principe de la fermeture de l’accès à ces processus d’acquisition pour les opérateurs économiques des pays tiers à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen et l’exception de l’ouverture en leur faveur au cas par cas, en fonction d’une décision initiale expresse de la personne publique. En droit, la nature du pouvoir de la personne publique lorsqu’elle décide d’une telle ouverture reste à déterminer avec précision (pouvoir discrétionnaire ou non), comme corrélativement le degré du contrôle juridictionnel auquel il est soumis (contrôle entier ou restreint à l’erreur manifeste d’appréciation).

Paradoxalement, c’est dans le sanctuaire des acquisitions indiennes fédérales en matière de défense et de sécurité que l’on observe une tendance nette à l’ouverture vers les offreurs étrangers, dont plusieurs opérateurs majeurs de l’Union européenne.



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