Sciences-Pipeau : Plus rentable que de braquer une banque !
Actualités du droit - Gilles Devers, 8/10/2012
Je lance cet appel aux malfrats : arrêtez les braquages de banques, et devenez patron de Sciences-Pipeau : c’est plus rentable, et en plus, on vous donnera des médailles républicaines.
Ce n’est pas encore du pénal, mais c’est déjà un must dans les rapports de la Cour des Comptes.
Sciences-Pipeau, l’école du consensus
Il faut d’abord bien situer le contrôlé, à savoir Sciences-Pipeau, l’école de la République, génétiquement républicaine. C’est l’école des petits marquis en costume bleu pétrole, l’usine qui fabrique les pièces détachées qui seront assemblées pour peupler les cabinets ministériels, les CA des grandes firmes, la magistrature, des patrons et sous-patrons divers et variés qui font l’opinion. Sciences-Pipeau, c’est l’école du pouvoir pour ceux qui sont incapables d’y arriver en se faisant élire, et l’école de l’économie pour ceux qui sont incapables de créer une entreprise.
Comme d’autres usines excellent dans la production d’andouille ou dans le transport du gaz, Sciences-Pipeau brille dans la fabrique du consensus. Bien chers frères, bien chères sœurs, de Droite ou de Gauche, adorez la géniale Sciences-Pipeau, socle du conservatisme, et moule des mollusques qui font l’élite publique. Ici, les idées dissidentes ne sont admises que si elles renforcent le système.
Le choeur des pleureuses
Quand cet été le boss Richard Descoings a été trouvé mort dans une chambre d’hôtel à New-York, nos grands leaders politiques étaient inconsolables.
Nicolas Sarkozy a salué les conventions éducation prioritaire (CEP), censées ouvrir le monde des riches aux pauvres : « Ce dispositif, qui permet à des élèves méritants de lycées défavorisés d’accéder à Sciences-Po marqua un tournant historique dans la prise de conscience en France de ce scandale que constitue la reproduction sociale des élites ».
Alain Juppé était quasi-lyrique: « La France a perdu aujourd'hui un éminent représentant de l'école française de sciences politiques, un infatigable acteur du rayonnement universitaire de notre pays dans le monde, un remarquable artisan du renouveau d'une institution phare de l'universitaire française ».
Martine Aubry était elle aussi en extase : « Il a été un grand serviteur de l'Etat et il a été, surtout, celui qui a voulu, y compris dans une grande école, restaurer la promesse républicaine ».
Très touchant cette belle propagande, car la réalité, issue du rapport de la Cour des Comptes, montre une gestion erratique, contraire aux buts annoncés et orientée vers l’enrichissement des boss de Sciences-Pipeau.
Enrichissez-vous (avec l'argent des autres) !
Le salaire de Descoings… Quasi désintéressé, le héros de la classe politique ! 537 246,75 euros en 2010, avec une paie gonflée par les primes « ne reposant sur aucun contrat formel et n'ayant pas été votée en conseil d'administration ». Donc, du fric piqué dans la caisse…
Un autre drôlatique, Jean-Claude Casanova, le président de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) l’organisme qui gère Sciences-Pipeau. Sa prime de 16500 euros en 2007 a été portée à 36000 en 2010, et en 2009, il s’est voté une régularisation retroactive, empochant 69000 euros. Tu comptes rembourser quand, mon Jean-Claude ?
Les enseignants-chercheurs effectuent 30% de leur service… mais ils sont payés 100% ! Normal, ces génies commencent à phosphorer le matin sous la douche, et tout travail mérite salaire…
Et puis il y a les avantages en nature. Le directeur d’un centre de recherche a bénéficié pendant cinq ans d’un logement fonction pour un loyer offert 3257 euros… en déclarant un avantage annuel en nature de 1560 euros ! En 2009, le bail a été transféré à son nom, et Descoings a augmenté une prime du montant exact du loyer. Sciences-Pipeau, c’est la seule institution de Paris où l'on respecte le droit au logement opposable. Ah ah ah…
Evidemment, l’Etat a payé les yeux fermés pour sauvegarder le moral de sa pouponnière. La subvention du ministère de l'enseignement supérieur a progressé de 33,3 % en cinq ans, passant de 47,7 millions d'euros en 2005 à 63,3 millions en 2010, « en l'absence de tout contrôle » souligne la Cour des Comptes. Mais quand on aime, on ne compte pas, et surtout si c’est l’argent des contribuables.
L’ouverture sociale ? Fais-moi rire !
L’ouverture sociale ? Une grande farce gérée comme un paravent par cette bande de gougnafiers. Selon la Cour des Comptes, l’IEP accueille davantage de boursiers en 2010 qu'en 2005, « sans atteindre le pourcentage de 30% attendu en 2012 », mais dans le même temps, « la proportion des étudiants issus de parents cadres ou exerçant une profession intellectuelle supérieure s'est accrue de 5 points, passant de 58,5% à 63,3% ». Mission remplie, et valeurs sociales assurées.
Une société politique bien malade
Le Sinistre de l’Enseignement va faire semblant de se fâcher tout rouge, mais bien sûr, aucune sanction ne sera prise.
Tout ceci est écœurant, et c’est un signe de plus montrant une société politique bien malade. La même société qui, demain, expulsera des enfants Roms, au motif qu'on ne dispose pas de quatre sous pour assurer leur scolarité.
Il y a des jours où je crois que ce qu’il nous faut, c’est une révolution. Comme au bon vieux temps de la lutte contre les privilèges.