Pourquoi refuser le retour d'autres peines planchers ?
Justice au Singulier - philippe.bilger, 13/01/2018
Le 10 août 2007, quelque chose de bien a été accompli sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy : la loi instaurant les peines planchers a été votée.
Elle a été supprimée par Christiane Taubira.
Ce n'est pas parce que les pleines planchers ont été inspirées par le premier qu'elles n'auraient pas le droit de revenir.
C'est parce qu'elles ont été supprimées par la seconde qu'elles doivent revenir.
Pourquoi alors cette gêne du pouvoir actuel face à la revendication policière souhaitant à juste titre leur restauration sous une autre forme ?
Mon billet du 2 janvier 2018, On lynche la police ou on la soutient ?, expliquait déjà pourquoi il convenait d'appliquer des procédures plus rigoureuses à des agressions souvent collectives à l'encontre de la police.
Aussi bien le Premier ministre que la garde des Sceaux m'ont semblé pourtant adopter une attitude étrange à l'égard de la revendication des peines planchers par un syndicat policier et une police justement en révolte et dont le ministre de l'Intérieur cherche à apaiser la colère. Edouard Philippe sans s'y opposer formellement laisse entendre qu'elles ne sont pas à l'ordre du jour et Nicole Belloubet "n'entend pas céder à l'émoi des forces de l'ordre" (Le Figaro).
Pourquoi ? Qu'y aurait-il donc de si scandaleux dans au moins une réflexion approfondie sur des peines planchers dont l'impact avait été fortement fragilisé par le Conseil constitutionnel, et qui n'ont pas été autant appliquées qu'elles l'auraient dû ?
Quand j'entends sur TF1 son spécialiste judiciaire nous expliquer benoîtement que leur retour aggraverait la surpopulation pénale en n'usant que de cette seule argumentation, je suis frappé par l'inanité de ce propos qui ne fait que synthétiser maladroitement l'opposition médiatique, largement politique et totalement judiciaire.
Cette accusation est doublement absurde.
D'abord parce qu'elles seraient précisément destinées à entraîner l'incarcération des récidivistes condamnés pour des délits graves et des crimes et qu'ainsi on ne saurait discuter leur pertinence judiciaire et sociale.
Ensuite, à cause du fait que leur rigueur justifierait que ne soit plus soumise à la prison une catégorie non négligeable de détenus qui pourraient bénéficier de ces peines alternatives à la prison dont on nous rebat les oreilles sans qu'elles soient totalement déconnectées, comme aujourd'hui, de ce à quoi elles s'appliqueraient.
Avec les peines planchers, la gravité des parcours serait prise en compte. Ce serait d'autant plus efficace qu'on sait bien qu'un faible pourcentage de délinquants accomplit la majorité des actes de délinquance. Ces transgresseurs-là subiraient alors la sévérité des peines planchers avec des conséquences très pacificatrices pour l'ensemble des zones troublées et délaissées de notre pays.
La philosophie pénale qui a présidé à l'instauration hier des peines planchers est tout à fait lucide et n'a rien de bêtement répressif. Il s'agit de sortir d'une forme d'individualisation qui conduisait par exemple à examiner isolément trente infractions dans un casier judiciaire alors que l'important est au contraire de sanctionner l'obstination dans l'ancrage délictuel ou criminel, l'entêtement à demeurer dans le registre d'inacceptables transgressions. Une répétition révélatrice souvent de psychopathie.
Au regard de ces éléments, quelle démagogie ou quelle faiblesse peuvent prétendre traiter avec condescendance les exigences policières ? Il est évidemment hors de question de laisser les peines planchers ne régir que les atteintes graves aux fonctionnaires de police. Rétablies, elles auraient vocation à s'appliquer à l'ensemble des processus récidivistes sans distinguer entre leurs victimes.
Je n'ose croire que ce pouvoir pourrait avoir peur des réactions aussi bien judiciaires, par corporatisme, que médiatiques par humanisme inadapté.
Il y aurait demain la même fronde judiciaire qu'en 2007, avec une magistrature s'estimant offensée parce qu'on a le front d'altérer sa liberté. Mais il n'est pas interdit d'espérer enfin la lucidité d'un corps qui préférerait à soi la sauvegarde de la société et une Justice exemplaire. Une telle évolution positive ferait oublier à l'opinion le déplorable mur des cons.
Le retour des peines planchers serait un signal fort envoyé à ceux qui peuvent encore douter du courage politique et judiciaire de la part d'un pouvoir qui en a déjà fait preuve. Mais il n'y a pas que Notre-Dame-des-Landes comme défi ! Le monde nouveau, et un humanisme qui ne serait pas sulpicien, ne seraient pas désaccordés avec elles.
Le président de la République fera un grand discours sur la Justice le 15 janvier devant la Cour de cassation. Je ne rêve pas, il n'annoncera pas de nouvelles peines planchers. Derrière le Premier ministre et la Garde des Sceaux, c'est lui qui n'en veut pas (Le Point).
Et pourtant il a tort de ne pas donner, sur ce plan, raison à Nicolas Sarkozy et de valider ainsi une suppression purement idéologique par François Hollande et Christiane Taubira.