Les experts peuvent se tromper
Planète Juridique - admin, 13/08/2013
Dans le cadre des rediffusions estivales, le billet du jour, publié en septembre 2009, rappelle que la justice est humaine, et la science aussi.
Bonne (re)lecture.
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J'ai lu attentivement l'article de Jean-Marc Manach dans InternetActu qui s'intitule "Quand les experts se trompent", article repris par ailleurs dans Le Monde.fr.
Je dois dire que j'ai déjà écrit quelques mots timides sur le sujet dans ma rubrique "erreurs judiciaires", souvent sur des points de détails ou sur des affaires lointaines, afin d'éviter de trop attirer les foudres de mes confrères experts judiciaires, tout au moins ceux qui voient ce blog d'un mauvais œil.
Mais depuis "l'affaire Zythom", je dois dire également que je me sens plus libre d'exprimer ce que je pense, dès lors que je n'enfreins aucune loi de la République. Enfin, du fait que je n'appartiens activement à aucun réseau d'experts judiciaires, je dois rappeler que mes écrits ne reflètent que ma seule opinion, et non celle de l'ensemble des experts judiciaires.
Je peux donc dire que l'article est excellent et qu'il me sert d'excuse pour un petit rappel sur le sujet.
Les experts peuvent se tromper pour de multiples raisons.
Dans mon billet sur la femme sans visage, je relate une enquête policière détruite par des relevés ADN souillés dès l'usine de fabrication. Les affaires Fourré, Dupas, Martin, Bernard, Castro, Goujon sont là pour nous rappeler que les experts judiciaires n'ont pas toujours brillé par leur infaillibilité.
Même les meilleurs d'entre nous doivent se rappeler que la science évolue au cours du temps. L'expert judiciaire Tardieu ne s'était jamais trompé. Il a seulement subi les ignorances de la science.
En matière informatique, avec les formidables avancées techniques où tout semble possible, les erreurs potentielles sont nombreuses. Il suffit pour s'en convaincre de lire par exemple les débats sur la loi Hadopi (je n'en parle pas ici).
Moi-même, je suis passé pas loin d'une erreur judiciaire...
Les experts se trompent parfois, mais il y a plusieurs parades à cela. Contre expertise, collège d'experts et bien entendu les experts-conseils.
Je parle assez peu (pour l'instant) de mon activité d'expert-conseil sur ce blog et pour cause, je consacre actuellement toutes mes forces à l'expertise judiciaire classique. Mais il m'arrive d'être contacté par un avocat qui souhaite être conseillé sur un dossier par un expert technique. On parle alors d'expertise privée.
Je l'aide alors à analyser un pré-rapport d'expertise "du point de vue technique", à rédiger des dires techniques en pointant ce qui m’apparaît comme des imprécisions techniques (ou des erreurs). Ou alors je l'assiste comme "expert privé" lors d'une procédure d'expertise menée par un expert judiciaire.
Et pour éviter toute suspicion d'entente avec un confrère, je n'accepte que des dossiers situés hors de ma Cour d'Appel.
Mais tout cela coûte de l'argent (malgré mes honoraires très bas - pub) et est difficilement supportable par le citoyen lambda. Encore moins par le budget de la justice. Même dans mon cas où je travaille uniquement à distance par échanges GPG pour éviter les frais et honoraires de déplacements.
Enfin, je voudrais rappeler que dans toute affaire terminée par une condamnation erronée, l'un des acteurs, à un moment quelconque, a enfreint une règle essentielle de sa délicate mission. Et directement ou non, l'erreur est née de cette faute. Par penchant, plus souvent par imprudence, langueur d'esprit, désir d'arriver à un résultat ou crainte de laisser un crime impuni, quelqu'un a pris parti contre le prévenu. Dès lors, il l'a tenu coupable. Il n'a pas conçu la possibilité de son innocence, et, pour découvrir la vérité, il a cru qu'il suffisait de chercher des preuves de culpabilité. Les meilleurs s'y laissent aller. Ils croient bien faire, et préparent "des condamnations plus crimineuses que le crime" [Montaigne, Essais, livre III, chap.XII].
C'est terrible à dire, mais la justice est humaine, et la science aussi.
Bonne (re)lecture.
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J'ai lu attentivement l'article de Jean-Marc Manach dans InternetActu qui s'intitule "Quand les experts se trompent", article repris par ailleurs dans Le Monde.fr.
Je dois dire que j'ai déjà écrit quelques mots timides sur le sujet dans ma rubrique "erreurs judiciaires", souvent sur des points de détails ou sur des affaires lointaines, afin d'éviter de trop attirer les foudres de mes confrères experts judiciaires, tout au moins ceux qui voient ce blog d'un mauvais œil.
Mais depuis "l'affaire Zythom", je dois dire également que je me sens plus libre d'exprimer ce que je pense, dès lors que je n'enfreins aucune loi de la République. Enfin, du fait que je n'appartiens activement à aucun réseau d'experts judiciaires, je dois rappeler que mes écrits ne reflètent que ma seule opinion, et non celle de l'ensemble des experts judiciaires.
Je peux donc dire que l'article est excellent et qu'il me sert d'excuse pour un petit rappel sur le sujet.
Les experts peuvent se tromper pour de multiples raisons.
Dans mon billet sur la femme sans visage, je relate une enquête policière détruite par des relevés ADN souillés dès l'usine de fabrication. Les affaires Fourré, Dupas, Martin, Bernard, Castro, Goujon sont là pour nous rappeler que les experts judiciaires n'ont pas toujours brillé par leur infaillibilité.
Même les meilleurs d'entre nous doivent se rappeler que la science évolue au cours du temps. L'expert judiciaire Tardieu ne s'était jamais trompé. Il a seulement subi les ignorances de la science.
En matière informatique, avec les formidables avancées techniques où tout semble possible, les erreurs potentielles sont nombreuses. Il suffit pour s'en convaincre de lire par exemple les débats sur la loi Hadopi (j
Moi-même, je suis passé pas loin d'une erreur judiciaire...
Les experts se trompent parfois, mais il y a plusieurs parades à cela. Contre expertise, collège d'experts et bien entendu les experts-conseils.
Je parle assez peu (pour l'instant) de mon activité d'expert-conseil sur ce blog et pour cause, je consacre actuellement toutes mes forces à l'expertise judiciaire classique. Mais il m'arrive d'être contacté par un avocat qui souhaite être conseillé sur un dossier par un expert technique. On parle alors d'expertise privée.
Je l'aide alors à analyser un pré-rapport d'expertise "du point de vue technique", à rédiger des dires techniques en pointant ce qui m’apparaît comme des imprécisions techniques (ou des erreurs). Ou alors je l'assiste comme "expert privé" lors d'une procédure d'expertise menée par un expert judiciaire.
Et pour éviter toute suspicion d'entente avec un confrère, je n'accepte que des dossiers situés hors de ma Cour d'Appel.
Mais tout cela coûte de l'argent (malgré mes honoraires très bas - pub) et est difficilement supportable par le citoyen lambda. Encore moins par le budget de la justice. Même dans mon cas où je travaille uniquement à distance par échanges GPG pour éviter les frais et honoraires de déplacements.
Enfin, je voudrais rappeler que dans toute affaire terminée par une condamnation erronée, l'un des acteurs, à un moment quelconque, a enfreint une règle essentielle de sa délicate mission. Et directement ou non, l'erreur est née de cette faute. Par penchant, plus souvent par imprudence, langueur d'esprit, désir d'arriver à un résultat ou crainte de laisser un crime impuni, quelqu'un a pris parti contre le prévenu. Dès lors, il l'a tenu coupable. Il n'a pas conçu la possibilité de son innocence, et, pour découvrir la vérité, il a cru qu'il suffisait de chercher des preuves de culpabilité. Les meilleurs s'y laissent aller. Ils croient bien faire, et préparent "des condamnations plus crimineuses que le crime" [Montaigne, Essais, livre III, chap.XII].
C'est terrible à dire, mais la justice est humaine, et la science aussi.
Dans le cadre des rediffusions estivales, le billet du jour, publié en septembre 2009, rappelle que la justice est humaine, et la science aussi.
Bonne (re)lecture.
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J'ai lu attentivement l'article de Jean-Marc Manach dans InternetActu qui s'intitule "Quand les experts se trompent", article repris par ailleurs dans Le Monde.fr.
Je dois dire que j'ai déjà écrit quelques mots timides sur le sujet dans ma rubrique "erreurs judiciaires", souvent sur des points de détails ou sur des affaires lointaines, afin d'éviter de trop attirer les foudres de mes confrères experts judiciaires, tout au moins ceux qui voient ce blog d'un mauvais œil.
Mais depuis "l'affaire Zythom", je dois dire également que je me sens plus libre d'exprimer ce que je pense, dès lors que je n'enfreins aucune loi de la République. Enfin, du fait que je n'appartiens activement à aucun réseau d'experts judiciaires, je dois rappeler que mes écrits ne reflètent que ma seule opinion, et non celle de l'ensemble des experts judiciaires.
Je peux donc dire que l'article est excellent et qu'il me sert d'excuse pour un petit rappel sur le sujet.
Les experts peuvent se tromper pour de multiples raisons.
Dans mon billet sur la femme sans visage, je relate une enquête policière détruite par des relevés ADN souillés dès l'usine de fabrication. Les affaires Fourré, Dupas, Martin, Bernard, Castro, Goujon sont là pour nous rappeler que les experts judiciaires n'ont pas toujours brillé par leur infaillibilité.
Même les meilleurs d'entre nous doivent se rappeler que la science évolue au cours du temps. L'expert judiciaire Tardieu ne s'était jamais trompé. Il a seulement subi les ignorances de la science.
En matière informatique, avec les formidables avancées techniques où tout semble possible, les erreurs potentielles sont nombreuses. Il suffit pour s'en convaincre de lire par exemple les débats sur la loi Hadopi (je n'en parle pas ici).
Moi-même, je suis passé pas loin d'une erreur judiciaire...
Les experts se trompent parfois, mais il y a plusieurs parades à cela. Contre expertise, collège d'experts et bien entendu les experts-conseils.
Je parle assez peu (pour l'instant) de mon activité d'expert-conseil sur ce blog et pour cause, je consacre actuellement toutes mes forces à l'expertise judiciaire classique. Mais il m'arrive d'être contacté par un avocat qui souhaite être conseillé sur un dossier par un expert technique. On parle alors d'expertise privée.
Je l'aide alors à analyser un pré-rapport d'expertise "du point de vue technique", à rédiger des dires techniques en pointant ce qui m’apparaît comme des imprécisions techniques (ou des erreurs). Ou alors je l'assiste comme "expert privé" lors d'une procédure d'expertise menée par un expert judiciaire.
Et pour éviter toute suspicion d'entente avec un confrère, je n'accepte que des dossiers situés hors de ma Cour d'Appel.
Mais tout cela coûte de l'argent (malgré mes honoraires très bas - pub) et est difficilement supportable par le citoyen lambda. Encore moins par le budget de la justice. Même dans mon cas où je travaille uniquement à distance par échanges GPG pour éviter les frais et honoraires de déplacements.
Enfin, je voudrais rappeler que dans toute affaire terminée par une condamnation erronée, l'un des acteurs, à un moment quelconque, a enfreint une règle essentielle de sa délicate mission. Et directement ou non, l'erreur est née de cette faute. Par penchant, plus souvent par imprudence, langueur d'esprit, désir d'arriver à un résultat ou crainte de laisser un crime impuni, quelqu'un a pris parti contre le prévenu. Dès lors, il l'a tenu coupable. Il n'a pas conçu la possibilité de son innocence, et, pour découvrir la vérité, il a cru qu'il suffisait de chercher des preuves de culpabilité. Les meilleurs s'y laissent aller. Ils croient bien faire, et préparent "des condamnations plus crimineuses que le crime" [Montaigne, Essais, livre III, chap.XII].
C'est terrible à dire, mais la justice est humaine, et la science aussi.
Bonne (re)lecture.
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J'ai lu attentivement l'article de Jean-Marc Manach dans InternetActu qui s'intitule "Quand les experts se trompent", article repris par ailleurs dans Le Monde.fr.
Je dois dire que j'ai déjà écrit quelques mots timides sur le sujet dans ma rubrique "erreurs judiciaires", souvent sur des points de détails ou sur des affaires lointaines, afin d'éviter de trop attirer les foudres de mes confrères experts judiciaires, tout au moins ceux qui voient ce blog d'un mauvais œil.
Mais depuis "l'affaire Zythom", je dois dire également que je me sens plus libre d'exprimer ce que je pense, dès lors que je n'enfreins aucune loi de la République. Enfin, du fait que je n'appartiens activement à aucun réseau d'experts judiciaires, je dois rappeler que mes écrits ne reflètent que ma seule opinion, et non celle de l'ensemble des experts judiciaires.
Je peux donc dire que l'article est excellent et qu'il me sert d'excuse pour un petit rappel sur le sujet.
Les experts peuvent se tromper pour de multiples raisons.
Dans mon billet sur la femme sans visage, je relate une enquête policière détruite par des relevés ADN souillés dès l'usine de fabrication. Les affaires Fourré, Dupas, Martin, Bernard, Castro, Goujon sont là pour nous rappeler que les experts judiciaires n'ont pas toujours brillé par leur infaillibilité.
Même les meilleurs d'entre nous doivent se rappeler que la science évolue au cours du temps. L'expert judiciaire Tardieu ne s'était jamais trompé. Il a seulement subi les ignorances de la science.
En matière informatique, avec les formidables avancées techniques où tout semble possible, les erreurs potentielles sont nombreuses. Il suffit pour s'en convaincre de lire par exemple les débats sur la loi Hadopi (j
Moi-même, je suis passé pas loin d'une erreur judiciaire...
Les experts se trompent parfois, mais il y a plusieurs parades à cela. Contre expertise, collège d'experts et bien entendu les experts-conseils.
Je parle assez peu (pour l'instant) de mon activité d'expert-conseil sur ce blog et pour cause, je consacre actuellement toutes mes forces à l'expertise judiciaire classique. Mais il m'arrive d'être contacté par un avocat qui souhaite être conseillé sur un dossier par un expert technique. On parle alors d'expertise privée.
Je l'aide alors à analyser un pré-rapport d'expertise "du point de vue technique", à rédiger des dires techniques en pointant ce qui m’apparaît comme des imprécisions techniques (ou des erreurs). Ou alors je l'assiste comme "expert privé" lors d'une procédure d'expertise menée par un expert judiciaire.
Et pour éviter toute suspicion d'entente avec un confrère, je n'accepte que des dossiers situés hors de ma Cour d'Appel.
Mais tout cela coûte de l'argent (malgré mes honoraires très bas - pub) et est difficilement supportable par le citoyen lambda. Encore moins par le budget de la justice. Même dans mon cas où je travaille uniquement à distance par échanges GPG pour éviter les frais et honoraires de déplacements.
Enfin, je voudrais rappeler que dans toute affaire terminée par une condamnation erronée, l'un des acteurs, à un moment quelconque, a enfreint une règle essentielle de sa délicate mission. Et directement ou non, l'erreur est née de cette faute. Par penchant, plus souvent par imprudence, langueur d'esprit, désir d'arriver à un résultat ou crainte de laisser un crime impuni, quelqu'un a pris parti contre le prévenu. Dès lors, il l'a tenu coupable. Il n'a pas conçu la possibilité de son innocence, et, pour découvrir la vérité, il a cru qu'il suffisait de chercher des preuves de culpabilité. Les meilleurs s'y laissent aller. Ils croient bien faire, et préparent "des condamnations plus crimineuses que le crime" [Montaigne, Essais, livre III, chap.XII].
C'est terrible à dire, mais la justice est humaine, et la science aussi.