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Les blogs prennent parti

Justice au singulier - philippe.bilger, 27/12/2012

Sur un blog, on prend parti pour soi en espérant que d'autres ne vous laisseront pas seul.

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Il paraît que sur Internet, une "droitosphère" est en expansion.

Cela n'est pas étonnant puisque le pouvoir de gauche appelle naturellement une série d'oppositions et de contradictions qui s'expriment sur des blogs dont le plus structuré, le plus idéologique est celui d'Ivan Rioufol.

La "gauchosphère", en revanche, se trouve réduite à "deux piliers et à deux attitudes", selon le Monde qui a consacré une page remarquable et étayée à ces blogs qui font de la politique, à la politique des blogs.

Juan d'abord, le chroniqueur talentueux, acerbe et vigilant des cinq années de la présidence de Nicolas Sarkozy.

Puis Politeeks qui, hier, s'appelait Intox2007.

Ce qui est intéressant est de comparer l'approche de ces deux blogueurs qui ont adopté, face à la présidence de François Hollande, un comportement intellectuel et civique différent.

Juan, après avoir expliqué que "la première urgence pour lui était d'être débarrassé de Sarkozy par François Hollande", s'est assigné à l'évidence un rôle d'observateur bienveillant, de sentinelle vigilante mais complaisante sans obséquiosité. On le sent davantage attiré par la défense du comportement et des actions de François Hollande que désireux de louer d'initiative l'un et les autres. Il souligne que "notre rôle, si nous devons en avoir un, est d'éclaircir le débat politique, qui est devenu hystérique".

Au fond, il se fait volontiers l'avocat du président Hollande et sa modération ne datant que de son élection au mois de mai 2012 ne manque pas de surprendre ceux qui l'ont lu avec passion sous Nicolas Sarkozy. Par tempérament, j'étais plus séduit par ses charges que je ne le suis par ses plaidoiries ponctuelles et opportunes même si elles ne parviennent pas à dissimuler ses envies de bataille et de poudre. Il y a des personnalités qui ne sont bonnes dans l'apologie qu'en attaquant.

Quant à Politeeks, après une adhésion sans nuance à la présidence socialiste, il a repris son indépendance et je ne me sens pas si éloigné de lui quand il affirme :"Je scrute chaque mouvement de Hollande... je ne sais jamais facilement si je suis contre ou pour". Le président le la République, dont l'extrême intelligence devient presque un handicap, sait-il toujours lui-même là où il en est ?

Ne voyant pas mon blog dans la liste de ces blogs de droite (aux multiples tendances, de l'extrême à la classique), j'ai éprouvé un sentiment de vexation rapidement dissipé. En effet, anti-sarkozyste convaincu à cause de sa présidence après avoir été séduit par le candidat, je n'ai voté pour François Hollande en 2012 qu'en raison du délitement de la droite et de mon espérance d'en retrouver une intelligente et courageuse, par exemple en 2017.

Surtout, aussi bien Juan que Politeeks, quel que soit leur regard plus ou moins critique sur la présidence de François Hollande, n'éprouveraient jamais le désir, si le quinquennat de Sarkozy était injustement attaqué sur certains plans, de le défendre puisque, probablement pour eux, rien n'était à sauver de et dans cette présidence.

C'est cette liberté de soutenir et d'attaquer qui je veux, au risque même d'être mal compris par ceux qui ne rêvent que de cohérence globale. Pour ou contre, sans nuance ni concession. Je ne pourrais pas. L'injustice me perturbe trop. J'aime savoir que rien ne me tient et que le seul ordre qui m'est imposé, et le seul lien, entre des pensées et des appréciations qui se donnent le droit d'être contradictoires se rapportent au rédacteur. Un blog n'a de sens, pour moi, que s'il autorise tous les parcours du monde sur des chemins imprévisibles. Ne pas être étiqueté est une chance car cette abstention permet les échappées de toutes sortes.

Je veux pouvoir louer Hollande une seconde puis le dénigrer à la suivante s'il mérite la douceur ou la sévérité. Je veux pouvoir venir au secours de Sarkozy même si cette tentation ne me saisit pas trop souvent.

Sur un blog, on prend parti pour soi en espérant que d'autres ne vous laisseront pas seul.


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