Syrie : Où en est-on après la résolution ? Où va-t-on ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 27/09/2013
Rappelez-vous dans les temps anciens – il y a quinze jours – les géniales litanies dont on nous gavait : la Russie seule contre tous, la vilaine Russie qui soutenait le méchant dictateur El-Assad, en s’opposant à la punition méritée pour franchissement de ligne rouge. Or, hier soir c’était la grande détente à l’ONU : un accord est trouvé, le méchant dictateur approuve et tout le monde est content,... sauf l’opposition syrienne… Mais qui, de ces soutiens affichés, s'est un jour intéressé à la démocratie en Syrie ?
Seul contre tous ?
Le plus simple… Quand Le Monde (Occidental) dit la Russie seule « contre tous », il faut comprendre « contre les Etats-Unis », sa filiale israélienne, et ses laquais d’infortune, la Grande-Bretagne et, désormais, la France. Ce qui veut dire qu’en dix jours, la Russie n’a pas retourné la planète entière, mais elle a seulement fait lâcher les Etats-Unis, en veillant à leur trouver une issue honorable.
Connaîtra-t-on un jour la vérité ?
C’est le plus compliqué. Il y a eu usage d’armes chimiques dans la banlieue de Damas, et dans d’autres endroits de la Syrie, mais par qui, pourquoi et comment ? Dans que but ? On entend toutes les versions, toutes, et il faudra beaucoup de temps avant de s’approcher de la vérité. A ce jour, on ne sait toujours pas le nombre des victimes, alors… Il serait très important de connaitre l’identité des victimes, morts et blessés.
Vous n’appréciez pas El-Assad, soit, mais attention : le régime a tenu, et il dispose d’un extraordinaire réseau de renseignement sur ce qui se passe dans le pays. Dites-vous bien que nous n’avons pas le dixième des informations dont lui dispose. C’est lui qui a les cartes en main, et qui connait le dessous des cartes.
La résolution du Conseil de sécurité
Les Russes et les Etats-Uniens ont discuté en direct à Genève, et l’accord sur la destruction de l'arsenal chimique syrien a été conclu hier au siège de l’ONU. La résolution fera l’objet d’une adoption formelle aujourd’hui par le Conseil de sécurité.
Pour analyser cette résolution, on peut partir des déclarations de Fabius. Ce pauvre Fabius marginalisé et ridiculisé, en a remis une couche en se félicitant de cette victoire de la diplomatie française (?), la résolution reprenant d’après lui les trois exigences formulées par la France :
« D'une part, préciser que toute utilisation des armes chimiques est une atteinte à la sécurité internationale, ce qui autorise du même coup les Nations unies à se saisir de cette question. D'autre part, rendre responsables ceux qui ont commis ces actes devant la justice. Troisièmement, elle fait référence au fameux chapitre VII, c'est-à-dire que si le régime syrien n'accepte pas de respecter cette résolution, il appartient au Conseil de sécurité de prendre les sanctions nécessaires sous chapitre VII », qui autorise un recours à la force en cas de non-respect des engagements par le régime syrien.
Quel pitre ! Lui qui voulait la mort de El-Assad, qui a excité sans aucune base la Coalition Nationale syrienne, faisant miroiter des ambassadeurs et des livraisons d’armes, lui qui a été planté par Obama et exclu des négociations, il trouve encore le moyen de la ramener, et – depuis les Nations-Unies – il continue à mentir comme un malade.
Alors, on en est où ?
1/ Il est fait état de juger les auteurs… C’est la moindre des choses, si les preuves des crimes et de l’identité des criminels est établie. La France voulait que le Conseil de sécurité saisisse la CPI, et c’est un râteau. Il est fait mention de la justice, sans autre modalités… SI on transfert le dossier à la CPI, la Cour devient compétente pour tous les faits, reprochés aux deux camps et à leur alliés, depuis deux ans. T’as pigé, Fabius, ou il faut te faire un dessin ?
2/ La résolution n’est pas placée sous l’angle du chapitre VII, et en cas de manquements, il faudrait reprendre une autre résolution dépendant du chapitre VII pour envisager une action militaire. C’est bien mal barré, car ce n’est pas demain la guerre que les Russes et Chinois lèveront leur véto. Surtout, Fabius défendait la ligne d’une intervention sans mandat de l’ONU pour cause de « ligne rouge franchie », alors que la résolution l’impose expressément, rappelant le droit applicable.
3/ Le vrai drame de la Syrie c’est une guerre terrifiante, qui a brisé un pays : 120 000 morts, des centaines de milliers de blessés, plusieurs millions de personnes déplacés et de réfugiés, des destructions en masse... La Coalition nationale syrienne (CNS) est dans l’impasse et vit cette résolution qui ne parle pas du conflit comme un désaveu. Difficile de lui donner tort, mais elle ne peut s'en prendre qu'à elle même d'avoir cru à des promesses de bonimenteurs... En Syrie, l’Armée syrienne libre, elle aussi écœurée par le retournement des Etats-Unis et de la France, connait des scissions, avec des bataillons entiers qui vont rejoindre la constellation des groupes djihadistes. Un atout important pour El-Assad.
Quelle sortie du conflit ?
Fin 2012, El-Assad avait accepté de participer à une conférence de paix à Genève, mais le projet avait été différé car les génies diplomatiques avaient finement analysé qu'il fallait d’abord l'affaiblir militairement et politiquement, pour se trouver dans un rapport de forces plus favorable. Un an plus tard, cette conférence va pouvoir s’ouvrir, avec un rapport de forces devenu très favorable à El-Assad :
- les troupes rebelles se divisent et la part grandissante des groupes djihadistes – la moitié des combattants – interdit toute aide occidentale armée ;
- les zones aux mains de la rébellion sont le théâtre d’exactions et la population, placée dans la plus grande précarité, n’en peut plus ;
- Obama in extremis a ravalé ses discours guerriers car il a compris que la population ne le soutenait pas, et c’est un cap définitif ;
- La Grande-Bretagne a spectaculairement rompu son suivisme de la politique US, et c’est fait pour longtemps ;
- La France a bondi pour jouer à l’ami fidèle, mais elle a abdiqué de ses choix diplomatiques pour s’en remettre au vote du Congrès US, avant d’être éliminée des discussions ;
- Les deux grands alliés de la Syrie, la Russie et l’Iran, sont devenus les acteurs maîtres de la diplomatie, et tout ce petit monde va bientôt vouloir leur manger dans la main.
Alors, que donnera la conférence de Genève ? On verra, mais elle ne pouvait mieux se présenter pour El-Assad.