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Emmanuel Macron : Nouveau Monde ou Ancien Régime ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 8/04/2018

Je suis inquiet face à la haine que suscite Emmanuel Macron chez certains. Une haine parfois tellement puissante qu'elle semble prendre à parti non plus un président de la République mais un roi de France. Comme si pour eux l'espérance d'un Nouveau Monde était déjà aux oubliettes, à supposer même qu'elle ait été jugée crédible, mais que le retour de l'Ancien Régime était dorénavant une donnée admise.

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On va finir par regretter la bonne vieille hostilité à l'encontre de Nicolas Sarkozy. Si nette, si franche, si caricaturale. "Franchouillarde" dans ses excès, ses outrances. L'ancien président pouvait susciter détestation et dérision mais cela ne le faisait pas sortir de notre cercle : il demeurait des nôtres. Il y avait encore comme un compagnonnage politique entre lui, avec ses accès caractériels, et la masse qui ne les supportait plus.

Je suis inquiet face à la haine que suscite Emmanuel Macron chez certains. Une haine parfois tellement puissante et inédite qu'elle semble prendre à parti non plus un président de la République mais un roi de France. Comme si pour eux l'espérance d'un Nouveau Monde était déjà aux oubliettes, à supposer même qu'elle ait été jugée crédible, mais que le retour de l'Ancien Régime était dorénavant une donnée admise.

Je n'évoque pas les oppositions qui virulentes parviennent encore à se faire passer pour un authentique combat syndical. En cherchant bien, dans ces affrontements démontrant la "gréviculture", terme qui n'a pas été inventé par l'extrême droite, on trouve encore des traces de convictions et de craintes pour l'avenir qui relèvent de la joute démocratique. Le citoyen est plus qu'incommodé mais on prétend servir sa cause.

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En revanche la honte devant ces actions qui, dans les facultés - Montpellier, Tolbiac, Strasbourg, Bordeaux ou ailleurs -, opprime et dégrade et en définitive déshonore la jeunesse et les études. Au début de ce mouvement contre ce qui serait une forme de sélection pourtant nécessaire - les écrits de l'UNEF emplis de fautes d'orthographe n'infirment pas cette obligation, bien au contraire -, la démagogie habituelle à l'égard des humeurs étudiantes les a traitées avec beaucoup d'indulgence. Puis on a appréhendé la logique d'un processus inéluctable au regard de notre vie politique. L'extrême gauche écrase et bloque - je me souviens de cet étudiant congolais se plaignant de ne pas pouvoir étudier parce qu'il était venu en France pour cela et doutant de ces assemblées générales totalitaires à Tolbiac - et détourne radicalement le débat un temps acceptable vers des élucubrations partisanes, mondialistes et des exigences de démission du président de la République et du Premier ministre. On va vers "des ZAD universitaires" et c'est de la folie pure ! (Le Figaro, Le Parisien)

Même avec la "coagulation des luttes", ce mantra ressassé comme une nostalgie ou un réflexe, je ne crois pas qu'il y ait là de quoi expliquer l'animosité civique et personnelle qui, de la part de citoyens de plus en plus nombreux, est destinée au président de la République ou plutôt à Emmanuel Macron. Car, pour ces adversaires frénétiques et d'une mauvaise foi revendiquée, l'homme est bien plus au coeur de leur fureur que le président.

Qu'on songe à ce qui s'est passé à Nantes où pour prétendument dénoncer "Macron et son monde", on a érigé une potence avant d'y pendre un pantin à l'effigie du président après lui avoir fait son procès. Et on a osé ajouter : "On est contre la peine de mort, bien sûr. Mais là on est plus dans le symbole. et il faut en finir" (France Bleu). Ce n'est plus de la démocratie mais du lynchage ! Comme "un appel au meurtre". Et l'idée de symbole ne trompe personne.

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Pour avoir presque inconditionnellement soutenu le recto de certaines attitudes accomplies, dans l'officiel du pouvoir comme dans le spontané des dialogues improvisés, je perçois combien leur verso a pu être interprété sur un mode totalement malin - comme il y a des tumeurs malignes - de telle sorte qu'Emmanuel Macron est honni à hauteur de son aspiration au rassemblement. Tout est déformé, dénaturé, sorti du registre républicain pour être exploité contre lui avec un style qui se rapporte plus à des éructations révolutionnaires contre un Ancien Régime que de critiques développées dans la France d'aujourd'hui.

L'allure du pouvoir, la répudiation de la profusion et de la volubilité politiques, le souci d'une majesté pour faire honneur à la France et la rendre fière de celui qu'elle a élu sont ridiculisés et minimisés : ce serait l'affichage d'une pompe grotesque révélant le narcissisme du personnage.

Le courage de la vérité, que j'ai apprécié plus que tout dans un monde de comédie et de convention, aussi bien dans ses déclarations officielles que dans des échanges plus spontanés et vigoureux - mais jamais grossiers - est analysé comme l'arrogance de celui qui sait et impose, l'expression d'une condescendance de classe.

On a décidé que cette personnalité qui avait tant fait rêver sur le plan politique était à abattre (symboliquement !!) parce qu'il cherchait à nous projeter dans le pire des mondes d'hier, pour les inégalités, le mépris et la conscience supérieure de soi, au lieu de tenir les promesses d'un avenir empli de nouvelles couleurs démocratiques.

Il serait souhaitable aussi que le président donne du grain à moudre à ceux qui comme moi tiennent pour une indiscutable chance la relève, ce changement d'air et d'ère que la démocratie a permis, en se défiant d'une inconditionnalité que son environnement élyséen et parlementaire lui octroie, faisant rejaillir sur lui l'opprobre injuste de l'avoir exigée.

Pour constituer son quinquennat comme incomparable, unique, est-il impératif de tellement vanter l'idée du mouvement et l'obsession de la réforme que celles-ci semblent devenir leur propre finalité, bien plus que l'utilité de la substance discutée qu'ils enferment ? Faut-il user de la concertation seulement comme un habillage honorable pour masquer une autorité et un parti décrétés d'emblée ?

Le président n'est pas irréprochable. Et son gouvernement non plus. Qui pourrait contester cette banalité ? Qui ne serait pas fondé à émettre réserves et inquiétudes politiques ? Mais pendre l'effigie d'Emmanuel Macron, quel dévoiement national !

Ancien Régime ou Nouveau Monde ? Celui-ci ressemble trop maintenant à l'ancien pour que la lumière du slogan ait encore du crédit.

Je concède qu'Emmanuel Macron, parce qu'il apparaît complexe et insaisissable, agaçant et remarquable, pour ennemis et partisans n'offre parfois que la ressource d'être absurdement qualifié de monarque ou d'inspirer une dévotion au-delà de toute mesure.

Heureusement il y a des citoyens normaux.


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