Typographie : marques constituées de monogrammes aux formes circulaires
Le petit Musée des Marques - Frédéric Glaize, 26/01/2020
Des formes particulières de chiffres. Voici ce que sont les monogrammes. Selon le Littré, un monogramme est constitué de “la réunion de plusieurs lettres en un seul caractère, de telle sorte que le même jambage ou la même panse serve à deux ou trois lettres différentes, tandis que dans le chiffre on peut suivre distinctement toutes les parties de chaque lettre.”
Spécialement dans le domaine du luxe, les monogrammes sont des signes distinctifs prisés. Ainsi, il n’est pas très original d’affirmer que le L et le V entrecroisés de Louis Vuitton constituent l’un des monogrammes les plus connus. Associant les initiales d’Yves Saint-Laurent, le monogramme YSL a été conçu par Adolphe Mouron, alias Cassandre, en 1961. Celui de Chanel (qui a pu être inspiré par d’autres C entrelacés) bénéficie d’une protection illustrée ici par une affaire relative à la validité d’un modèle communautaire.
Alors qu’il convenait d’examiner si le logo ci-dessous à gauche, déposé dans la classe 32 de la Classification de Locarno (Symboles graphiques et logos, motifs décoratifs pour surfaces, ornementation), était un modèle communautaire valable, la Division d’Annulation puis la troisième Chambre de Recours de l’EUIPO durent examiner son caractère individuel au regard d’une antériorité constituée par la divulgation du monogramme Chanel ci-dessous à droite.
Par un arrêt du 18 juillet 2017 (affaire T‑57/16), le Tribunal de l’Union Européenne a annulé la décision de la troisième chambre de Recours qui avait tenu le modèle comme valide. En substance, le Tribunal a jugé que les graphismes en cause ne se différenciaient pas assez.
Sa position est expliquée par une motivation dont certains éléments paraissent audacieux. Les juges retiennent
qu’en l’espèce, le dessin antérieur présente des similitudes remarquables avec le dessin contesté. Celui-ci peut être perçu, dans une certaine mesure, comme une création inspirée par l’idée du monogramme Chanel, d’autant plus que le choix du dessin contesté n’était aucunement conditionné par des considérations quelconques et que son créateur n’a pas suffisamment différencié ledit dessin du monogramme Chanel.
(…) Or, même si les deux dessins comportent des différences dans leurs parties centrales, force est de constater que l’impression globale ne diffère pas, dans la mesure où les parties extérieures, qui déterminent considérablement le contour et l’impression globale produits par les dessins en conflit, sont fortement similaires et presque identiques. De plus, les parties centrales, même si elles comportent certaines différences, sont toutes les deux composées de formes ovales similaires qui se dissolvent dans l’image globale des dessins. En particulier, la partie centrale du dessin contesté est composée de deux ellipses semblables à l’ellipse unique observée pour le monogramme Chanel. Ces différences sont d’autant moins susceptibles d’être relevées par l’utilisateur averti qu’il est possible d’utiliser le dessin contesté dans une orientation qui varie de 90 degrés et dans des tailles diverses.
TUE 18 juillet 2017, affaire T‑57/16, Point 55
Autre témoignage de l’importance (au moins quantitative) des monogrammes, la collection des marques anciennes ci-dessous en rassemble 24 dont la configuration constitue ou s’inscrit dans un cercle ou un disque, voire une ellipse.
Les formes arrondies constituent donc leur point commun des marques françaises ci-dessous.