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Zyed et Bouna, l’indispensable procès

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 20/03/2015

On connaîtra lundi 18 mai le jugement du tribunal correctionnel de Rennes sur la condamnation ou la relaxe des deux policiers poursuivis pour « non-assistance à personne en danger » après la mort par électrocution, le 27 octobre 2005, des deux adolescents Zyed Benna … Continuer la lecture

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Devant le tribunal de Rennes  - AFP/GEORGES GOBET

Devant le tribunal de Rennes - AFP/GEORGES GOBET

On connaîtra lundi 18 mai le jugement du tribunal correctionnel de Rennes sur la condamnation ou la relaxe des deux policiers poursuivis pour « non-assistance à personne en danger » après la mort par électrocution, le 27 octobre 2005, des deux adolescents Zyed Benna et Bouna Traoré, dans un transformateur EDF de Clichy-sous-Bois. Cinq jours de débats ont apporté au moins une certitude : ce procès était indispensable. Renvoyer des prévenus devant un tribunal ne signifie pas qu'ils sont coupables mais qu'il existe des charges suffisantes pour qu'elles soient examinées publiquement et contradictoirement devant des juges. Et dans ce dossier particulier, resté hautement inflammable en dépit de ses dix longues années de procédure, il n'était pas anodin que la confrontation ait lieu dans une salle si petite, si intime, que familles et prévenus s'y trouvaient presque au coude-à-coude.

Renvoyer des prévenus devant le tribunal, c'est aussi, et surtout, permettre à chacune des parties d'entendre l'autre argumenter, se défendre, accuser. Laisser s'exprimer la colère, l'émotion mais aussi le droit. A cet égard, la journée consacrée jeudi 19 mars, aux deux plaidoiries de la partie civile et au réquisitoire a été exemplaire. A la puissance des arguments développés par Mes Emmanuel Tordjman et Jean-Pierre Mignard, en faveur de la condamnation des deux policiers prévenus, Sébastien Gaillemin et Stéphanie Klein, a répondu le réquisitoire solide de la procureure Delphine Dewailly, demandant au tribunal de prononcer leur relaxe, conformément à la position prise dès le début de cette affaire par le parquet. Il a d'ailleurs constitué la seule vraie plaidoirie de fond en défense des prévenus, celle prononcée vendredi 20 mars par leur avocat Me Daniel Merchat, ancien commissaire de police, se limitant essentiellement à conforter l'ego de son auteur.

Mettant en garde les juges contre « le piège de la reconstruction », la procureure avait observé : « Dire que les policiers auraient acculé ces jeunes ne correspond pas à la réalité. » Pour condamner, avait poursuivi Delphine Dewailly, « le droit exige une certitude. Or, cette certitude que les trois adolescents sont entrés dans la centrale et qu’ils courent un péril imminent, ni Sébastien Gaillemin ni Stéphanie Klein ne l’ont. Quelle raison auraient-ils eu de laisser deux jeunes courir un danger mortel ? »

Citant une phrase du frère aîné de Bouna Traoré au lendemain de l’annonce de la mort de son frère – « Je voudrais que justice soit faite, s’il y a lieu » –, la procureure avait ajouté : « Il n’y a pas lieu d’entrer en voie de condamnation. La douleur, le remords ne cesseront pas. Mais le droit sera dit. On n’apaise pas la douleur d’un drame en causant une nouvelle injustice. » A l'adresse du tribunal, elle avait conclu :  « Oui, votre décision est attendue, mais elle ne doit être dictée ni par le désir de plaire, ni par la crainte, ni par le retentissement médiatique de ce dossier. »

Si les charges retenues contre Stéphanie Klein, la stagiaire qui assurait ce soir-là le standard téléphonique de la police, sont apparues fragiles, le cas de Sébastien Gaillemin, qui a vu deux jeunes escalader le grillage à proximité du site EDF, est plus embarrassant. Voilà donc les trois juges du tribunal correctionnel confrontés à une lourde responsabilité : celle de dire le droit, mais aussi faire en sorte que le droit soit compris. Dans ce périlleux équilibre, s'immisce l'opportunité d'une décision qui, pour être juridiquement juste, doit aussi apparaître de bonne justice.  En ouvrant les débats, le président Nicolas Léger avait pris soin d'indiquer que ce procès « n'est pas le procès de la police dans son ensemble, ni celui des émeutes de 2005, ni celui des interventions politiques des uns et des autres sur ces événements » tout en ajoutant que le tribunal « n'ignore pas les enjeux humains, politiques, institutionnels qui existent en marge de cette audience et dont il tiendra compte ».  


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